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ZHU XI[TCHOU HI](1130-1200)

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La philosophie de la raison

La science divinatoire avait abouti très tôt, en Chine, à la formalisation de tous les phénomènes, physiques ou moraux, naturels ou historiques, selon les figures canoniques exposées dans le Livre des mutations ( Yi jing), à savoir les soixante-quatre hexagrammes engendrés par toutes les combinaisons possibles deux à deux des huit trigrammes, eux-mêmes formés de la triple composition des symboles des deux caractères ultimes de l'existence dans le monde : le masculin (yang) et le féminin ( yin), assimilés respectivement à l'impair et au pair. La conception métaphysique de l' être qui répond à cette théorie est celle d'une unité antérieure au pair et à l'impair, donc transcendant l'un phénoménal, et à laquelle est donné le nom de principe suprême (taiji). C'est à élever à un niveau inégalé de systématisation la cosmologie édifiée sur ces bases que s'employèrent surtout Zhou Dunyi, Shao Yong et Zhang Zai. Simultanément, les recherches des frères Cheng approfondissaient surtout la réflexion sur les rapports concevables entre d'une part la raison d'être (li) de tous les existants de l'univers, c'est-à-dire le sens de la détermination intrinsèque de leurs particularités distinctives, de leur génération, de leur évolution, de leur disparition, et d'autre part la matière dans laquelle ils prennent forme, ramenée en dernière analyse à un proto-élément universel appelé éther (qi). L'idée maîtresse de Zhu Xi fut d'identifier le principe suprême (taiji), tel qu'il était présenté dans l'enseignement de Zhou Dunyi, et la raison des choses (li), telle que la concevaient les frères Cheng. Sa philosophie de la raison revient ainsi en définitive à affirmer que l'être a un sens, au lieu de se réduire à une illusion creuse ainsi que le prétendaient les bouddhistes ; sens interprété d'autre part en termes de valeur morale selon les catégories éthiques du confucianisme ancien, celui-ci se trouvant du même coup restauré sur des assises ontologiques nouvelles. La raison (li), qui est indivisible et que chaque être possède tout entière, est en effet le bien. Le mal résulte seulement de ce que l'éther (qi), qui forme matériellement tous les êtres en se diversifiant selon le yin et le yang, le mouvement et le repos, par agitation et déconcentration ou immobilisation et solidification, se trouble lui-même plus ou moins au cours de ce processus. La conscience (xin, littéralement le cœur), qui n'est autre que la raison d'être (li) de chaque être individualisé en tant que raison unie à une forme (xing) matérielle, et qui habite aussi bien les êtres incapables de connaissance, formés surtout d'éléments yin, que les êtres capables de connaissance (les hommes), formés surtout d'éléments yang, se trouve par suite sujette à des obscurcissements, causes des penchants et des désirs irrationnels de l'égoïsme. La Voie consiste à faire briller en soi la lumière de la raison (li) par une double discipline : ascèse des passions, non pas négative comme dans le bouddhisme, mais tendue par le respect (jing), des valeurs morales, et ascèse de la connaissance, sur laquelle Zhu Xi insiste particulièrement, par l'étude assidue de la raison de toutes choses. Cette double discipline développe la sincérité (cheng), à laquelle, comme dans le taoïsme, est ramenée la sagesse, et qui n'est autre que l'accord des comportements avec le sens de l'être universel. Un tel accord procure la sérénité, c'est-à-dire le bonheur, jusque dans la mort. Celle-ci se réduit à la dispersion dans l'éther des éléments constitutifs de la forme matérielle et à l'extinction corrélative de la conscience, la raison d'être du disparu se retrouvant intégralement dans le principe suprême[...]

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Pour citer cet article

Léon VANDERMEERSCH. ZHU XI [TCHOU HI] (1130-1200) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Article mis en ligne le et modifié le 14/03/2009

Autres références

  • CONFUCIUS & CONFUCIANISME

    • Écrit par
    • 14 434 mots
    • 2 médias
    ...l'humanisme », les néo-confucéens de la dynastie Song, échaudés par cet échec de l'action politique, se replient vers la métaphysique. C'est le temps de Zhu Xi (1130-1200), dont les éditions et les commentaires des « classiques » remplaceront, dès 1313 et jusqu'au xxe siècle, dans tous les concours...
  • DAI ZHEN [TAI TCHEN] (1724-1777)

    • Écrit par
    • 494 mots

    Une des plus fortes têtes du xviiie siècle chinois qui en compta tant, Dai Zhen, alias Dai Dongyuan, participa au grand mouvement de réforme du confucianisme qui s'attaquait au « néo-confucianisme » de l'école de Zhu Xi, devenu orthodoxie officielle depuis plusieurs siècles. Ses adversaires l'accusaient...

  • LU JIUYUAN [LOU KIEOU-YUAN] (1139-1193)

    • Écrit par
    • 371 mots

    Penseur confucéen, plus connu sous le nom de Lu Xiangshan. Contemporain de Zhu Xi, Lu Jiuyuan est aussi le principal antagoniste de ce dernier, auquel il reproche son rationalisme dogmatique. L'orientation intellectualiste que prend la philosophie néo-confucianiste avec Cheng Yi lui répugne profondément....

  • WANG YANGMING (1479-1529)

    • Écrit par
    • 1 510 mots
    ...se trouve tout entière dans la « conscience » (xin, littéralement le cœur) et qu'il n'y a donc pas lieu de distinguer, ainsi que faisait Zhu Xi, la « raison des choses » (li) comme telle de la conscience que chaque être en a selon sa nature. Comment cette thèse peut-elle se justifier...