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TRISTAN ET YSEUT

Un scénario complexe

Tristan est sans doute à l'origine un héros picte, Drystan ou Trystan. Mais les différents peuples celtiques ont contribué à mettre en forme une histoire d'abord fondée sur un scénario mythique très répandu : un héros est chargé par un roi qui le craint d'une mission impossible – tuer un monstre, par exemple. Sa récompense est le plus souvent la jeune fille qu'il a délivrée. Or, Tristan devient bien un héros en tuant le Morholt et en libérant ainsi la Cornouaille de l'horrible tribut qu'elle devait au géant (le pays devait lui abandonner un enfant sur trois), puis en obtenant comme prix de sa victoire sur le dragon la princesse d'Irlande que doit épouser Marc, roi de Cornouaille et oncle du héros. Mais tout bascule avec l'absorption du philtre, du « vin herbé » initialement destiné à Marc, qui fait d'un brillant guerrier la victime d'un amour interdit. Des sagas irlandaises comme celle des amours contraintes de Diarmaid et de Grainne ont dû contribuer à cette déviation du scénario mythique, causée par un pouvoir magique. Le château de Tintagel, dressé sur la côte nord-ouest de la Cornouaille face à cette Irlande ennemie d'où vient précisément Yseut, la nièce du Morholt, a joué un rôle important dans la localisation de la légende. La Bretagne continentale a été ensuite utilisée comme lieu de l'exil, nécessaire à la poursuite du récit ; y sont liés les motifs du mariage du héros avec Yseut aux Blanches Mains, de ses « retours » auprès d'Yseut la reine, et de la mort du couple. Surtout, le jeu de mot Tristan/triste que fait la mère de l'enfant en mourant de le mettre au monde a joué un rôle décisif, qui a déterminé le programme narratif d'un héros, puis d'un couple, d'emblée voué à la « tristesse » et confronté jusqu'à la mort à des épreuves de toutes sortes. Programme paradoxal et dérangeant au xiie siècle, alors que la fin'amor s'impose comme modèle utopique d'un amour qui incite à devenir meilleur – meilleur poète, meilleur chevalier – et dont la récompense est l'expérience de la « joie » (le joy des troubadours).

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Écrit par

  • : professeur de littérature française à l'université de Paris-III-Sorbonne nouvelle

Classification

Pour citer cet article

Emmanuèle BAUMGARTNER. TRISTAN ET YSEUT [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Média

Tristan et Iseult - crédits : AKG-images

Tristan et Iseult

Autres références

  • TRISTAN ET ISEULT (anonyme) - Fiche de lecture

    • Écrit par Florence BRAUNSTEIN
    • 1 104 mots

    Une des particularités de Tristan et Iseult, œuvre fondatrice de la littérature occidentale, est qu'il n'en existe pas un seul texte, mais plusieurs, tous composés au xiie siècle : les versions principales, dont certaines sont très fragmentaires, sont celles de Béroul et Thomas...

  • ALLEMANDES (LANGUE ET LITTÉRATURES) - Littératures

    • Écrit par Nicole BARY, Claude DAVID, Claude LECOUTEUX, Étienne MAZINGUE, Claude PORCELL
    • 24 585 mots
    • 29 médias
    ...mériter la bienveillance du monde sans compromettre son salut. Vers 1210, Gottfried de Strasbourg semble remettre en cause les fondements de cet idéal dans Tristan. Tout en suivant le poème de Thomas de Bretagne (vers 1180), il y ajoute ses propres idées pour exalter, dans une langue admirable, l'élite restreinte...
  • BÉROUL (apr. 1175)

    • Écrit par Daniel POIRION
    • 332 mots

    Sous le nom de Béroul, donné par le vers 1268, nous est racontée la légende de Tristan dans la plus ancienne version de langue française, ou plus exactement de dialecte normand. Le récit, dont l'action est située en Cornouailles, commence au moment où le roi Marc surprend la conversation de Tristan...

  • CHRÉTIEN DE TROYES (1135 env.-env. 1183)

    • Écrit par Yasmina FOEHR-JANSSENS
    • 1 242 mots
    • 1 média
    ...épouse dans un premier mouvement de prouesse, puis la perd par oubli des armes ou négligence de l'amour, et la reconquiert après une douloureuse errance. Mais cet éloge de l'amour conjugal ne réussit pas à oblitérer le souvenir de la légende de Tristan. L'histoire des amants de Cornouailles, pourtant réprouvée...
  • GOTTFRIED DE STRASBOURG (XIIe-XIIIe s.)

    • Écrit par Denis COUTAGNE
    • 764 mots

    Poète courtois allemand, auteur, en 1210 environ, de Tristan et Isolde. Les éléments biographiques concernant Gottfried de Strasbourg demeurent très pauvres et se réduisent aux suppositions qu'on peut tirer de son long poème, d'ailleurs inachevé et complété ensuite par Ulrich von Turhem et par Heinrich...

  • Afficher les 10 références

Voir aussi