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THOMAS D'AQUIN saint (1224 ou 1225-1274)

La pédagogie « scolastique »

En vérité, c'est en cette période que prend racine et essor la théologie dite « scolastique » : parce qu'elle est élaborée dans les écoles, mais plus radicalement parce qu'elle trouve sa forme littéraire et sa pédagogie dans cet usage organique de la raison. Ainsi se présentent les textes de saint Thomas, dont le style est devenu étranger au lecteur d'aujourd'hui. Ses œuvres, en effet, se répartissent sur les divers paliers d'un enseignement qui va de la lecture des textes de base, en chaque discipline, à la controverse publique. En première zone, la lectio s'attache à l'interprétation littéraire et conceptuelle, qu'il s'agisse de l'Écriture pour le théologien, et déjà dudit Livre des sentences de Pierre Lombard († 1160), manuel devenu officiel (ce fut la première œuvre de Thomas, alors chargé de cours), mais aussi des œuvres des philosophes, Aristote, Platon, Boèce, le pseudo-Denys. Pareille lecture est d'un tout autre genre littéraire que la lecture pieuse, meditatio, qui jusqu'alors, sauf exception, constituait la trame de la théologie monastique, et même celle des grandes œuvres des Pères de l'Église.

Puis, provoquée par une investigation plus rigoureuse et plus critique, se dégage une mise en question du contenu de ces textes, d'où procèdent les quaestiones comme forme littéraire de ce travail, selon les procédés de la dialectique. Sur quoi, par la divergence des interprétations et des solutions, s'organise la « dispute », quaestio disputata, qui est l'acte universitaire par excellence, dans le haut enseignement : les questions disputées sont la grande œuvre de Thomas d'Aquin. Enfin, dans des séances solennelles, se tenaient deux fois par an des disputes d'un genre particulier, où l'initiative de la discussion ne venait pas d'un professeur sur un sujet préétabli et annoncé, mais de l'assemblée des assistants, qui, à leur gré et selon leur caprice, jetaient sur le tapis les problèmes les plus disparates. Thomas tint à Paris douze disputes de quolibet.

C'est hors son enseignement que Thomas rédigea ses deux sommes, Summa contra Gentiles (1259-1264), analyse critique des philosophies et des théologies antérieures, puis la Summa theologica (1267-1274), dont la prestigieuse portée se mesure autant par les articulations de sa vision chrétienne du monde et de l'homme que par les déterminations particulières des problèmes abordés. En tout cas, l'unité de travail et de rédaction est l'« article », schéma réduit de la question disputée et de ses divers éléments. D'un bout à l'autre, c'est là une entreprise de conceptualisation dans laquelle jouent les options religieuses et philosophiques les plus personnelles.

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Pour citer cet article

Marie-Dominique CHENU. THOMAS D'AQUIN saint (1224 ou 1225-1274) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Média

Saint Thomas d'Aquin, Juste de Gand - crédits : Erich Lessing/ AKG-images

Saint Thomas d'Aquin, Juste de Gand

Autres références

  • SOMME DE THÉOLOGIE, Thomas d'Aquin - Fiche de lecture

    • Écrit par Charles CHAUVIN
    • 962 mots
    • 1 média

    C'est vers la fin de sa courte vie que Thomas d'Aquin (1224 ou 1225-1274) a rédigé une Somme de théologie (Summa theologiae), à l'instar d'une vingtaine de théologiens qui composèrent au cours du xiie et du xiiie siècle le même type d'ouvrage, genre littéraire dont le but...

  • ACTE, philosophie

    • Écrit par Paul GILBERT
    • 1 282 mots
    ...manque ; l'espoir de l'acte anime l'attente et dessine la fin de l'action. La tradition aristotélicienne parle cependant d'un acte pur, qui serait Dieu. Or on ne peut pas penser que, par exemple pour Thomas d'Aquin, Dieu soit « fini », une fin qui mette terme à un travail qui y tendrait à partir d'un...
  • ANALOGIE

    • Écrit par Pierre DELATTRE, Universalis, Alain de LIBERA
    • 10 427 mots
    ...se résorbe pas dans un même concept de l'être : l'analogie de l'être s'articule et se désarticule à la fois dans le trajet contraire des prédications. Telle quelle, cette doctrine prolonge une intuition centrale de la conception thomasienne de l'analogie exposée dans le Contra gentiles, i, 34. Dans...
  • ANTHROPOMORPHISME

    • Écrit par Françoise ARMENGAUD
    • 7 544 mots
    • 1 média
    ...le place d'emblée au-dessus de tout ce qu'on pourrait essayer d'en dire. Tout nom qui voudrait l'exprimer demeure noyé dans l'infini de l'admiration. » Dieu est au-dessus de l'être, conclut saint Thomas après la progression laborieuse de la « voie d'exclusion » : « Lorsque nous avançons vers Dieu ...
  • APOLOGÉTIQUE

    • Écrit par Bernard DUPUY
    • 3 535 mots
    ...permettent de croire, et fondent un « jugement de crédibilité ». Mais les motifs de crédibilité ne sont pas la foi. Leur rapport à la foi restait à élucider. C'est ce que fit Thomas d'Aquin dans la Somme contre les gentils (1261-1264), où le principal interlocuteur visé sous le nom des « gentils »...
  • Afficher les 43 références

Voir aussi