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THÉOSOPHIE

Perspectives théosophiques

Il s'agit donc toujours, pour la théosophie – de même que, d'une manière différente, pour la prophétie –, d'amplifier la Révélation. Dans la tradition judaïque, la fonction du midrash est d'actualiser celle-ci en l'interprétant en fonction du présent ; consultations et interprétations ont fini par l'organiser comme tōrah. Le christianisme conserve, comme un besoin inhérent à sa nature profonde, cette nécessité d'une Révélation continuée, car, bien que définitive pour l'essentiel (Hébreux, X, 12-14), elle reste nécessairement voilée en partie, apophatique. À propos de la théophanie de Jésus, Origène et Grégoire de Nysse expliquent que sa gloire s'est manifestée dans la nuée. C'est dire que la Révélation demeure, jusqu'au dernier jour, objet d'élucidation prophétique, la théosophie renchérissant sur la nuée elle-même ; dans l'un et l'autre cas, il s'agit d'entrer dans une compréhension toujours plus profonde du «   mystère », qui n'est pas énigme insoluble, ni problème à résoudre, mais message proposé, support de méditation sans fin.

On pourrait dire qu'il existe deux formes de théologie. D'abord, l'enseignement, par l'Église ou par une Église, de ce qu'est la Vérité révélée ; telle est la définition la plus courante de ce qu'enseignent les Églises constituées. Mais il y a une autre forme de théologie qui correspond à la tentative d'acquérir la connaissance (gnosis) du domaine immense de la réalité au sein de laquelle s'opère l'œuvre du salut. Une connaissance qui porte sur la structure des mondes physique et spirituel, sur les forces qui sont à l'œuvre dans ceux-ci, sur les relations que ces forces entretiennent entre elles ( microcosme et macrocosme), sur l'histoire de leurs transformations, sur les rapports entre Dieu, l'homme et l'univers. Dans le christianisme, il y a eu des théologiens, tel saint Bonaventure, pour se livrer à une approche théosophique de la nature, car le déchiffrement de la « signature des choses » constitue l'une des deux directions complémentaires de la théologie, le théosophe étant un théologien de cette Écriture sainte qui s'appelle l'univers.

L'on peut distinguer, avec V. Tomberg, deux modes de cette approche théosophique fondée sur l'idée de correspondances universelles. Il y a, d'abord, une théosophie portant sur des rapports temporels, ce qu'on pourrait appeler un « symbolisme mythologique », les symboles mythologiques exprimant les correspondances entre les archétypes inscrits dans le passé et leur manifestation dans le temps. Par exemple, la nature du péché d'Adam, la chute d'Adam et d'Ève, leur état glorieux originel font l'objet d'une projection théosophique sur la nature de l'homme actuel, sur la tâche qu'il doit accomplir, notamment l'œuvre rédemptrice qu'il a à exercer sur la nature, etc. Un mythe de ce genre est donc l'expression d'une « idée éternelle » ressortissant au temps et à l'histoire. Il y a, d'autre part, une théosophie qui porte sur l'espace, la structure de l'espace, et qu'on pourrait appeler un « symbolisme typologique » concernant essentiellement le panneau central du triptyque théosophique « complet » évoqué plus haut (théogonie et cosmogonie, cosmosophie, eschatologie). On a affaire, cette fois, à des symboles qui relient les prototypes d'en haut à leurs manifestations d'en bas. La vision d'Ézéchiel, par exemple, exprime un symbolisme typologique qui implique une révélation cosmologique universelle. La Kabbale juive dite de la Merkaba, ou voie mystique du Chariot, se fonde entièrement sur cette vision d'Ézéchiel ; ainsi l'auteur du [...]

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Écrit par

  • : directeur d'études à l'École pratique des hautes études (Ve section), professeur à l'université de Bordeaux-III

Classification

Pour citer cet article

Antoine FAIVRE. THÉOSOPHIE [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Médias

Henry Steel Olcott - crédits : Hulton Archive/ Getty Images

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Annie Besant

Autres références

  • ARITHMOSOPHIE

    • Écrit par Antoine FAIVRE
    • 841 mots

    Moyen de connaissance ésotérique ou suprarationnelle, l'arithmosophie, ou science symbolique des nombres, considère non les nombres arithmétiques mais les nombres symboles, jugeant que les premiers ne possèdent pas de lien intérieur avec l'essence des objets auxquels ils se rapportent, tandis...

  • BAADER FRANZ XAVER VON (1765-1841)

    • Écrit par Antoine FAIVRE
    • 852 mots

    Théosophe allemand, qu'il serait malaisé de classer dans un système ; aussi bien aucun parti politique ou philosophique allemand ne s'est-il jamais réclamé de lui. Catholique, Franz von Baader a passé presque toute sa vie à prêcher le rapprochement avec l'Église orthodoxe, mais les théologiens officiels...

  • BALLANCHE PIERRE SIMON (1776-1847)

    • Écrit par Antoine FAIVRE
    • 500 mots

    Théosophe lyonnais, dont il est difficile de saisir les idées directrices, qui ne semble d'ailleurs entretenir aucun rapport avec les martinistes et ne mentionne même pas Willermoz, son compatriote. Ce n'est pas par Willermoz que Ballanche s'initie aux doctrines illuministes du ...

  • BOEHME JAKOB (1575-1624)

    • Écrit par Universalis, Maurice de GANDILLAC
    • 2 651 mots

    Jakob Boehme est un des plus grands représentants des courants mystiques et théosophiques de l'Allemagne des xvie et xviie siècles. Contesté de son vivant, en raison de l'originalité de sa doctrine et de son obscurité, il exerça une immense influence sur les esprits adonnés à la recherche de...

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Voir aussi