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JAUGE THÉORIES DE

En physique, les théories de jauge sont des modèles mathématiques des interactions fondamentales, construits à partir du postulat que celles-ci respectent des lois de symétrie, c’est-à-dire que ces interactions sont invariantes sous certaines transformations abstraites qu’on appelle transformations de jauge. Certaines de ces théories sont des descriptions mathématiques adéquates des forces agissant entre les particules élémentaires, ce qu’on appelle le « modèle standard » des interactions fondamentales.

Électromagnétisme classique et invariance de jauge

Les forces électromagnétiques, qui régissent le mouvement des particules chargées placées dans un champ électrique ou magnétique, sont décrites par des champs vectoriels électriques (notés E) et magnétiques (B). Comme dans le cas de la gravitation, ces champs peuvent s’exprimer comme les variations d’une fonction potentiel, que l’on note V(x,y,z) pour le champ électrique et A(x,y,z) pour le champ magnétique. De la même manière que le potentiel gravitationnel, la fonction V(x,y,z) est définie « à une constante près », c’est-à-dire que seule la différence de potentiel entre deux points importe lorsqu’on calcule les forces.

Dans le cas du potentiel vecteur magnétique A(x,y,z), cette liberté de choix est plus riche : pour le définir complètement, on doit s’imposer une contrainte supplémentaire qui prend la forme d’une équation différentielle. Cette formulation, s’est construite progressivement. Au xixe siècle, les fondateurs de la théorie électromagnétique avaient adopté d’abord des conditions différentes et donc des définitions différentes du potentiel vecteur, qui leur paraissaient plus naturelles ou plus efficaces. Ainsi Franz E. Neumann (1798-1895) et Wilhelm Weber (1804-1891) ont proposé presque simultanément, en 1846-1847, deux expressions différentes AN(x,y,z) et AW(x,y,z) pour le potentiel vecteur responsable de l’induction magnétique. Vingt-cinq ans plus tard, Hermann von Helmholtz (1821-1894) clarifiait la situation en montrant que toute combinaison linéaire AH(x,y,z) de ces deux expressions donne une représentation équivalente du phénomène physique.

AH(x,y,z) = αAN(x,y,z) + (1 – α)AW(x,y,z)

Les travaux subséquents de James C. Maxwell (1831-1879) et Ludvig Lorenz (1829-1891) relient le choix du potentiel vecteur magnétique à celui du potentiel V(x,y,z) et généralisent les observations de Helmholtz à tous les processus électromagnétiques. Enfin, en 1904, Hendrik A. Lorentz (1853-1928) énonce clairement que, si les potentiels V(x,y,z,t) et A(x,y,z,t) décrivent un système physique, les potentiels V’(x,y,z,t) et A’(x,y,z,t) décrivent tout aussi bien ce même système, pourvu qu’il existe une fonction φ(x,y,z,t) qui les relient par les équations suivantes :

V’(x,y,z,t) = V(x,y,z,t) + d/dtφ(x,y,z,t)/c

A’(x,y,z,t) = A(x,y,z,t) + gradφ(x,y,z,t)

C’est cette propriété que, quelques années plus tard, on nommera l’« invariance de jauge » de l’électrodynamique en référence à un changement d’étalon de mesure. En effet, en 1919, Hermann Weyl (1885-1955) avait inventé le terme d’invariance de jauge(en allemand Eichinvarianz, dans lequel le préfixe Eich- sert à définir l’étalon d’une mesure, sa jauge) pour désigner l’invariance d’une quantité physique sous un changement d’échelle, qu’il postulait être à la base d’une unification de la relativité générale d’Einstein et de la théorie électromagnétique de Maxwell.

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Écrit par

  • : directeur de recherche émérite au CNRS, centre de physique théorique de l'École polytechnique, Palaiseau

Classification

Pour citer cet article

Bernard PIRE. JAUGE THÉORIES DE [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Autres références

  • CHAMPS THÉORIE DES

    • Écrit par Bernard PIRE
    • 4 463 mots
    • 1 média
    Les théories de jauge reposent sur le théorème démontré en 1918 par la mathématicienne allemande Emmy Noether (1882-1935), reliant l'existence d'une quantité conservée à l'invariance de la théorie par rapport à une transformation continue. En 1919, Hermann Weyl (1885-1955) reconnaissait...
  • CHROMODYNAMIQUE QUANTIQUE

    • Écrit par Bernard PIRE
    • 6 420 mots
    • 6 médias
    Les théories de jauge reposent sur le théorème démontré en 1918 par la mathématicienne allemande Emmy Noether (1882-1935) : si une théorie physique est invariante dans une transformation continue, il existe alors une quantité conservée au long de la transformation. L’exemple le plus connu est...
  • INTERACTIONS (physique) - Électromagnétisme

    • Écrit par Bernard DIU
    • 4 447 mots
    • 6 médias
    L'E.D.Q. se présente, archétype exemplaire, comme unethéorie de jauge. Les particules matérielles y apparaissent par le truchement d'un opérateur ψ(x, y, z, t), nommé « champ quantique », qui crée ou annihile – processus rendus possibles par la théorie de la relativité – des quanta corpusculaires....
  • INTERACTIONS (physique) - Interaction nucléaire faible

    • Écrit par Bernard PIRE
    • 3 127 mots
    • 4 médias
    ...l'espace « neutrino » ou « électron » est arbitraire et que la mesure d'un effet d'interaction faible ne dépend pas d'une telle convention. Un tel principe de symétrie fonde ce qu'on appelle les théories de jauge locale. Le groupe mathématique qui correspond à une telle symétrie est le groupe SU(2).
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Voir aussi