INTERACTIONS (physique) Électromagnétisme
Notre vie quotidienne est certes assujettie à la pesanteur, dont tiennent obligatoirement compte tous nos gestes et nos réflexes, mais c'est l'électromagnétisme qui régit en réalité notre existence : tous les phénomènes qui nous entourent et nous construisent, depuis la lumière du soleil ou les vagues de la mer jusqu'aux processus biologiques eux-mêmes, relèvent fondamentalement de l'électromagnétisme.
L'électromagnétisme, omniprésent, s'est révélé comme une source extrêmement variée et quasi inépuisable d'applications : éclairage artificiel, moteurs, communications, appareillages médicaux, etc. Mais il aura fallu des siècles de recherches théoriques et expérimentales pour que les phénomènes observés trouvent leur utilité, parfois étonnante ou inattendue. Il est remarquable que, du point de vue de la théorie fondamentale, ces phénomènes et effets, dans leur diversité et leur totalité, tiennent dans quatre équations, écrites pour première fois par James Clerk Maxwell en 1873. Il s'agit là d'une avancée exceptionnelle sur la voie de l'unification des forces gouvernant le monde physique.
Certes, depuis Maxwell, deux révolutions majeures en physique théorique ont émergé, amenant la relativité et la mécanique quantique. L'électromagnétisme « classique » – incarné dans les équations de Maxwell – n'a pas seulement survécu à ces bouleversements, il les a en grande partie inspirés. Mieux : il a depuis lors assumé le double rôle de guide et de banc d'essai pour les développements ultérieurs, suggérant la notion clé d'« invariance de jauge ».
Réalités et notions électromagnétiques
Électricité
Certains corps ou objets, dans certaines situations, acquièrent une charge électrique. Elle leur est conférée par apport ou retrait d'électrons. Depuis la découverte de l'électron par J. J. Thomson en 1897, on ne connaît toujours pas la nature physique de la charge, qui accompagne toutes les particules atomiques et subatomiques.
On constate l'existence de deux espèces de charges, que l'on qualifie de positives et négatives, respectivement. Elles suivent, de fait, les règles de l'algèbre : deux charges amenées successivement sur un même objet lui attribuent leur somme algébrique pour charge résultante. Une circonstance particulière se réalise souvent : l'objet, recevant deux charges exactement opposées, se retrouve neutre (charge totale nulle). Toutefois, une même charge globale peut recouvrir des situations très différentes : si les charges constituantes se superposent parfois au même endroit, elles se maintiennent le plus souvent séparées en divers points du même objet.
Dans un atome (globalement neutre) Z électrons – chargés, par convention, négativement – évoluent autour d'un noyau positif très ramassé, constitué de Z protons – charge positive parfaitement opposée à celle de l'électron – et de neutrons – charge nulle – dont le nombre peut différer d'un isotope à un autre. La chimie procède donc, fondamentalement, de la répartition des électrons dans l'atome et de celle des réactifs dans la molécule.
Deux charges opposées localisées en des points distincts constituent un dipôle électrique. Les molécules d'eau H2O et d'ammoniac NH3 sont ainsi dipolaires : les électrons qui assurent dans ces molécules les liaisons covalentes sont (partiellement) repoussés par les H, « électropositifs », et accueillis par l'oxygène (O) ou l'azote (N), « électronégatifs » ; il en résulte un léger excès de charge positive au niveau des H et un égal excès de charge négative sur l'O ou le N.
Deux charges q1 et q2 immobiles en les points M1 et M2 agissent l'une sur l'autre par des forces, dites « électrostatiques » : q1 exerce F1/2 sur q2, et celle-ci F2/1 sur q1. Selon la « loi de l'action et de la réaction », F2/1 = — F1/2. On écrit la « loi de Coulomb » sous la forme F1/2 = (1/4πε0)(q1q2/r122)u12 (Nous notons r12 la distance M1M2, et u12 le vecteur unitaire dirigé selon la droite M1M2, de M1 vers M2). Ainsi, les forces électrostatiques ressemblent aux forces gravitationnelles (même dépendance par rapport à la distance), mais elles en diffèrent sur des points essentiels : on peut observer ici soit une attraction (si q1 et q2 sont de signe contraire), soit une répulsion (si les charges sont de même signe) ; en outre, les forces électrostatiques se révèlent incomparablement plus intenses que les gravitationnelles. Les attractions électrostatique et gravitationnelle entre le proton et l'électron d'un atome d'hydrogène sont dans le rapport 4 × 1040...
L'ambivalence des forces électrostatiques – attractives ou répulsives – donne lieu au phénomène d'« écrantage », qui va comme suit – dans le cas où les porteurs de charge sont libres de leurs mouvements (plasma, électrons de conduction d'un métal, solutions ioniques). Une particule positive, par exemple, attire les charges négatives qui passent à portée ; elle s'en entoure aussi étroitement que possible, retenant une sorte de nuage négatif qui la masque aux yeux extérieurs : elle n'affecte pratiquement plus les particules – quel que soit leur signe – se trouvant au-dehors.
La charge électrique présente deux caractéristiques de première importance : elle est conservée et elle est quantifiée.
Concernant la conservation, la charge totale d'un système isolé quelconque reste parfaitement constante au cours du temps. Cette loi absolue ne souffre aucune exception. Les objets enfermés dans le système isolé peuvent échanger entre eux de la charge ; quels que soient les processus qui entraînent ces échanges, la somme totale de l'ensemble des charges demeure invariable.
Concernant la quantification, toutes les charges que l'on observe se présentent comme des multiples entiers d'une charge élémentaire, valant 1,6 × 10–19 coulomb, que portent notamment le proton et l'électron – négative pour ce dernier. Les quarks sont dotés de charges fractionnaires (1/3 ou 2/3 de la charge élémentaire), mais on ne les trouve jamais à l'état libre.
Magnétisme
Le magnétisme est connu depuis la haute Antiquité, à travers des aimants permanents naturels de taille macroscopique extraits de gisements. Charles de Coulomb (1736-1806), à l'aide de sa « balance de torsion », conclut à une parenté saisissante avec l'électrostatique : deux espèces de « charges magnétiques », opposées, interagissant par des forces inversement proportionnelles au carré de la distance – répulsives ou attractives suivant le signe relatif des « charges » en cause.
Une différence cruciale se manifeste pourtant : tout aimant porte à la fois, respectivement à l'une et l'autre de ses deux extrémités, des « charges opposées » – que l'on associe à nord et sud aussi bien qu'à positif et négatif, puisqu'un aimant léger libre de son orientation (« aiguille aimantée ») indique la direction du Nord magnétique terrestre. La perplexité se mua en ébahissement devant l'« expérience de l'aimant brisé » effectuée par Pierre Pèlerin de Maricourt en 1269 : on scie par le milieu un aimant allongé, dans le but de séparer le plus du moins, le Nord du Sud ; au lieu de cela, apparaissent sur les bords de la coupure deux nouveaux pôles qui reconstituent des aimants « entiers », nord-sud, avec les deux moitiés.
La solution de l'énigme vint après la découverte des effets magnétiques produits par les courants électriques. En tout cas la « charge magnétique » totale d'un objet quelconque est partout et toujours nulle. Voilà un fait d'expérience – devenu affirmation théorique dans les équations de Maxwell.
Le courant électrique
Depuis Thalès de Milet (vie siècle av. J.-C.) jusqu'à l'orée du xixe siècle (Alessandro Volta en 1800), l'électricité demeura statique. Sa connaissance n'en progressa pas moins de façon significative : invention de la « bouteille de Leyde » (Petrus van Musschenbroek en 1745), ancêtre du condensateur ; construction de « machines électrostatiques » (Otto von Guericke vers 1640), dont on tira des étincelles et même des éclairs.
Le dispositif qui bouleversa le domaine a pour appellation « pile électrique » (A. Volta) : un empilement de disques, alternativement de cuivre et de zinc, entre lesquels sont intercalées des lames de carton imbibées d'eau acidulée ; un fil métallique reliant le premier disque de cuivre au dernier disque de zinc est parcouru par un courant de charge.
Au premier rang des applications de cette découverte se fonda l'électrochimie : le courant, en traversant une solution aqueuse d'alcali, décomposa l'eau en oxygène et hydrogène. Humphry Davy lança en 1806 une souscription publique en vue de réaliser une énorme pile (2 000 éléments) et parvint à électrolyser la potasse et la soude fondues, découvrant ainsi le potassium et le sodium, puis plus tard les alcalinoterreux (baryum, strontium et calcium).
Vint ensuite le magnétisme. Le Danois Hans Christian Oersted réalisa en 1820 une expérience fondatrice : un fil rectiligne, disposé parallèlement à une aiguille de boussole, la fait dévier lorsqu'il conduit un courant. Ce fut un véritable choc scientifique : l'expérience fut répétée, commentée, interprétée par l'ensemble des physiciens.
En 1876, un Américain, Henry Augustus Rowland apporta la preuve expérimentale de l'identité entre les électricités statique et dynamique : un disque isolant chargé électrostatiquement était mis en rotation rapide autour de son axe ; il produisait alors les effets magnétiques qu'on attendait d'une boucle de courant.
La célèbre « loi d'Ohm » (1827) [cf. fig. 1] et l'« effet Joule » (1841) – dégagement de chaleur – suivirent quelque temps après.
Interactions électromagnétiques
Après l'expérience d'Oersted, il devenait flagrant qu'électricité et magnétisme étaient de quelque façon reliés. Et tout un chacun (physicien) de rechercher l'effet réciproque : un aimant devait pouvoir créer – « induire » – un courant dans un circuit conducteur fermé mais dépourvu de pile. Submergé d'articles sur ce sujet, le Philosophical Magazine chargea, en 1821, Michael Faraday de démêler l'écheveau. Dès septembre 1821, Faraday parvint à faire tourner un aimant sous l'action de courants, réalisant ainsi le premier moteur électrique. Quant à l'« induction », elle lui résista dix ans. Son secret pourtant s'avéra simple, mais il fallait y penser : pour qu'un aimant induise un courant dans un circuit, il est nécessaire et suffisant qu'il se déplace par rapport au circuit ; on doit approcher, ou éloigner l'aimant ; le courant cesse dès que cesse le mouvement. On peut aussi induire un courant dans un circuit « secondaire » (sans pile) en établissant ou en coupant le courant dans un circuit « primaire », le courant secondaire cessant si le primaire cesse de varier – sauf mouvement relatif des deux circuits.
Faraday fut alors à même d'établir la loi quantitative de l'induction électromagnétique : e = dΦ/dt (e étant la force électromotrice induite ; Φ le flux du champ magnétique à travers le circuit ; dΦ/dt la dérivée de Φ par rapport au temps t – nulle si Φ demeure invariable dans le temps).
Si l'induction se fit prier, les autres lois de l'électromagnétisme furent écrites en quelques mois : la « loi de Biot et Savart » (1820) enseigne comment calculer les effets magnétiques des courants électriques, la « formule de Laplace » les actions magnétiques sur un circuit. En découle la définition de l'ampère, unité d'intensité de courant : « L'ampère est l'intensité du courant qui passe dans deux fils rectilignes parallèles, distants d'un mètre, et s'attirant avec une force – par mètre de longueur de fil – de 2 × 10–7 newton ».
Et les charges magnétiques, dans ce contexte ? Une boucle de courant se révéla bientôt analogue, par son magnétisme, à un aimant rectiligne qui serait perpendiculaire à son plan. Or il ne saurait être question de séparer les deux faces d'une spire. Cette analogie suggéra à André-Marie Ampère une hypothèse hardie – qui allait être vérifiée, pour l'essentiel, au xxe siècle – : les aimants seraient le siège de minuscules « courants particulaires » circulant au sein de leurs molécules.
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Écrit par
- Bernard DIU : professeur émérite à l'université de Paris-VII-Denis-Diderot
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- ONDE ou RAYONNEMENT ÉLECTROMAGNÉTIQUE
- DIPÔLE, électricité
- ÉLECTROSTATIQUE
- CHAMP ÉLECTRIQUE
- CHAMP MAGNÉTIQUE
- INDUCTION ÉLECTROMAGNÉTIQUE
- CONSERVATION LOIS DE, physique
- COURANT ÉLECTRIQUE
- FARADAY LOIS DE
- FORCE, physique
- JAUGE INVARIANCE DE
- CHAMP ÉLECTROMAGNÉTIQUE
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