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TEMPS MODERNES LES

Revue par excellence de l'« intellectuel de gauche » des années 1950-1960, Les Temps modernes furent à la fois la revue de Sartre et le lieu d'expression privilégié d'un mouvement vite dominant dans la vie intellectuelle et littéraire d'alors : l'existentialisme. Dès le premier numéro, publié en octobre 1945 chez Gallimard, Sartre lance le thème-leitmotiv de ces années d'après guerre : la littérature engagée, avec cet avertissement (ou cette restriction) : « L'engagement ne doit, en aucun cas, faire oublier la littérature. »

Puisqu'il fallait être « dans le coup », Les Temps modernes allaient donc être chaque mois de tous les coups, et ses rédacteurs des « chasseurs de sens », comme l'écrira Simone de Beauvoir. Formidable pôle d'attraction mais aussi de répulsion (plusieurs revues tenteront de contrer l'hégémonie croissante des Temps modernes : La Table ronde ou La Parisienne d'un côté, Esprit ou La Nouvelle Critique de l'autre), la revue va en partie épouser les engagements politiques, littéraires et philosophiques de son fondateur, ce qui n'ira pas sans polémiques ni brouilles fameuses entre collaborateurs, et notamment avec Merleau-Ponty, Lefort, Camus.

Revue d'idées, Les Temps modernes s'engagent en effet complètement dans la lutte anticolonialiste, notamment celle contre la guerre d'Algérie en soutenant, à travers leur collaborateur Francis Jeanson, les réseaux d'aide au FLN, le Manifeste des 121... Au cours des vingt premières années de son existence, la revue intervient sur tous les fronts de la vie politique et intellectuelle, nationale et internationale : polémiques contre le structuralisme montant et bientôt triomphant, querelles autour du marxisme, soutiens aux révoltes hongroises et polonaises, réflexions sur l'avenir de la gauche, de la société industrielle, du Tiers Monde.

Revue littéraire, Les Temps modernes publient Beckett, Cayrol, Ponge, Char, Duras, Sarraute, Blanchot, Genet, tandis que Michel Leiris y introduit les poètes de la négritude. Des rubriques « Témoignages », « Exposés », « Notes » assurent la diversité et l'abondance des sommaires : B. Dort, C. Audry, B. Pingaud, Etiemble, J. Pouillon, M. Nadeau, B. Frank, D. Guérin, R. Stéphane et bien d'autres y entretiennent l'humeur souvent critique, parfois féroce, de la revue, qui atteint dans les années 1950-1960 l'apogée de son rayonnement et de son influence.

À partir de la fin des années 1960, Sartre est moins présent dans la vie de la revue. André Gorz, spécialiste des problèmes du travail et théoricien de l'écologie politique, y remplit une fonction officieuse de « directeur politique ». Moins littéraire, la revue publie alors beaucoup de textes à tonalité « gauchiste », en écho aux retombées idéologiques de Mai-68. En dépit de quelques numéros spéciaux à succès (sur les femmes, le conflit israélo-arabe, les minorités...), les ventes et l'influence de la revue décroissent irrésistiblement. Écrire dans Les Temps modernes n'est plus une voie de passage et de légitimité obligée.

Signe des temps, au moment de la mort de Sartre, en 1980, les éditions Gallimard avaient favorisé la naissance d'une nouvelle revue d'idées : Le Débat, dirigée par Pierre Nora, moins « engagée » que Les Temps modernes. Dirigée ensuite par Simone de Beauvoir, puis après la mort de celle-ci par Claude Lanzmann, un fidèle de Sartre, la revue n’en poursuit pas moins son chemin en s'ouvrant à de nouveaux collaborateurs (Juliette Simont, Michel Deguy, Liliane Kandel, Patrice Maniglier...), en réintroduisant des chroniques régulières (critiques de livres, de théâtre...). Les « chercheurs de sens » récusent le « consensus » intellectuel et idéologique ambiant, à charge pour eux de convaincre[...]

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Écrit par

  • : ingénieur au C.N.R.S., rédacteur en chef de La Revue des revues, administrateur de l'Institut mémoires de l'édition contemporaine

Classification

Pour citer cet article

Olivier CORPET. TEMPS MODERNES LES [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Autres références

  • DOLLÉ JEAN-PAUL (1940-2011)

    • Écrit par Universalis
    • 271 mots

    Philosophe français. Né à Vincennes (Val-de-Marne), Jean-Paul Dollé est membre du comité de rédaction des Temps modernes de 1965 à 1968. En 1966, il participe à la fondation de l'Union des jeunesses communistes marxistes-léninistes. Par la suite, il sera partie prenante dans plusieurs publications...

  • GORZ ANDRÉ (1923-2007)

    • Écrit par Gérard PAUL
    • 1 083 mots

    André Gorz s’est donné la mort, avec sa femme, le 24 septembre 2007, dans leur maison de Vosnon, dans l’Aube. Le dernier livre de ce philosophe et militant inlassable, Lettre à D. Histoire d'un amour, paru en 2006, était un bouleversant témoignage d’amour pour celle qui l’a accompagné pendant...

  • JEANSON FRANCIS (1922-2009)

    • Écrit par Universalis
    • 376 mots

    Philosophe, Francis Jeanson fut le fondateur d'un réseau de soutien au Front de libération nationale (FLN) algérien. Né à Bordeaux le 7 juillet 1922, Francis Jeanson a fait des études de lettres et de philosophie avant de gagner l'Espagne en 1943 pour échapper au STO (Service du travail...

  • DÉBAT LE, revue

    • Écrit par Laurent LEMIRE
    • 1 244 mots
    ...cette cessation de parution s’inscrit aussi dans une stratégie commerciale de la part d’un éditeur qui avait déjà décidé, en décembre 2018, d’arrêter Les Temps modernes, revue fondée par Jean-Paul Sartre et Simone de Beauvoir en 1945, quelques mois après le décès de Claude Lanzmann, qui en était le...

Voir aussi