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CHAGGA

Population bantoue, les Chagga (Wachagga ou Dschagga) ont suscité l'intérêt des premiers voyageurs par le pittoresque de leur localisation sur les hautes pentes du Kilimandjaro ; l'originalité de leur système d'irrigation a attiré l'attention des historiographes marxistes : Wittfogel en fait les représentants africains du mode de production asiatique. Au nombre d'environ 1,5 million de personnes au début du xxie siècle, les Chagga occupent les pentes du Kilimandjaro et du mont Meru jusqu'à l'altitude de 3 000 mètres, ainsi que les plaines environnantes. La majorité d'entre eux vivent dans le nord de la Tanzanie ou dans les régions adjacentes du Kenya. Ils forment une population très homogène, mais si l'on en croit la tradition, leur unité ethnique est récente et résulte de l'amalgame de groupes divers, venus du nord (Kamba pour la plupart, mais également Teita et Masaï).

Agriculteurs et éleveurs, les Chagga ont adapté leur production agricole à la diversité des conditions écologiques et climatiques. Dans les régions les plus basses, la banane fournit la base de la subsistance ; ailleurs, ce sont des céréales diverses (millet, éleusine, sésame, maïs, blé, orge), des tubercules (ignames, patates douces, taro) et des légumes (fèves, oignons, tomates). La division sexuelle du travail est stricte et réglée par des rites ; la culture des tubercules, par exemple, constitue un domaine exclusivement féminin. Les cultures commerciales, très importantes, comprennent le café, le coton, le sisal et la canne à sucre. L'élevage est pratiqué essentiellement pour les produits laitiers (gros bétail, chèvres et moutons). L'ensemble du système productif est un des plus élaborés et des plus intensifs d'Afrique ; le bétail est confiné ; l'engrais humain et l'engrais animal sont utilisés pour la fumure des champs. Enfin et surtout, les Chagga pratiquent l'irrigation sur une très large échelle ; les eaux sont drainées, en altitude, à partir des torrents, par des canaux qui se ramifient à l'extrême jusqu'à chaque enclos familial. Ces canaux étaient autrefois entretenus dans le cadre de chaque chefferie par des spécialistes ; ils représentent un chef-d'œuvre de l'hydraulique paysanne. Constructeurs d'ouvrages hydrauliques, les Chagga sont également des bâtisseurs de routes : trois grandes voies faisaient le tour du pays chagga à des altitudes différentes, facilitant les moyens de communication entre les différentes chefferies. Ces chefferies n'étaient plus qu'une trentaine au moment de la conquête coloniale. Malgré l'absence d'une véritable centralisation, la hiérarchie sociale était fortement marquée, contrastant avec l'égalitarisme des populations voisines ; la stratification reposait essentiellement sur des rapports de clientèle et de dépendance personnelle. La société est de type patrilinéaire ; le mariage implique le versement d'une importante compensation matrimoniale, traditionnellement en bétail. La polygynie est pratiquée ; le mariage avec la cousine croisée matrilatérale constitue une union préférentielle.

En partie islamisés au xixe siècle, en partie christianisés par les missions protestantes, les Chagga ont subi la pression de la colonisation. Comme celles du mont Kenya, les pentes du Kilimandjaro ont un climat propice à une colonisation de peuplement : une partie des terres de culture fut confisquée par les colonisateurs allemands, puis britanniques, et les forêts furent mises sous séquestre. Outre des mauvaises récoltes, la confrontation avec les Européens entraîna, dès les années 1920, l'apparition d'associations de défense qui préfigurent les organisations nationalistes ; de plus, la capacité d'adaptation de la société chagga se marqua par l'adoption des cultures et des techniques importées par les[...]

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Écrit par

  • : chargé de cours à l'université de Paris-VIII, assistant de recherche à l'École pratique des hautes études

Classification

Pour citer cet article

Roger MEUNIER. CHAGGA [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Autres références

  • MYTHOLOGIES - Dieux et déesses

    • Écrit par Mircea ELIADE
    • 7 964 mots
    • 5 médias
    ...offririons-nous des sacrifices ?, explique un indigène. Nous n'avons pas à le craindre, car, au contraire de nos morts, il ne nous fait aucun mal. » Les Wachagga, importante tribu bantoue du Kilimandjaro, adorent Ruwa, le créateur, le dieu bon, gardien des lois morales. Il est actif dans les mythes et...

Voir aussi