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TAMBORA, volcan

L’éruption de 1815 et ses conséquences en Indonésie

À Batavia (aujourd’hui Jakarta à Java, à 1 200 kilomètres du Tambora), le 5 avril au soir, un bruit ressemblant à une canonnade incita le lieutenant-gouverneur de Java à envoyer deux vaisseaux à la recherche de ce qu’il prit pour un navire en détresse. Le capitaine du Bénarès, vaisseau armé de la Compagnie des Indes orientales basé alors au sud des Célèbes (à 350 kilomètres du Tambora), croyant quant à lui avoir affaire à des pirates, expédia lui aussi un détachement en mer de Flores. Le lendemain, une pluie de cendres retomba dans toute cette partie indonésienne, jusqu’à Batavia, et on comprit alors qu’il s’agissait d’une éruption volcanique ; personne n’imaginait encore l’ampleur de la catastrophe à venir, les populations étant habituées aux fréquentes éruptions des nombreux volcans de cette région du monde. Les jours suivants, rien ne se produisit de notable sinon des retombées de cendres, et les craintes se dissipèrent. Pourtant, dans la soirée du 10 avril et pendant toute la journée du lendemain, une formidable série d’explosions ébranla les îles indonésiennes. Un témoin, se trouvant au centre de Java, raconte que le 12 avril les premières lueurs du soleil n’apparurent que vers 10 heures, quatre heures après son lever, et que les oiseaux ne commencèrent à chanter qu’en fin de matinée, tandis que retentissaient au loin des explosions. Les rapports reçus à Batavia permirent de localiser le cataclysme et, le 18 avril, les autorités envoyèrent par la mer un chargement de riz aux survivants. À leur arrivée, les occupants du navire découvrirent un paysage apocalyptique. Le Tambora, habituellement visible de la mer, se trouvait très amputé de sa partie sommitale. Une couche de boue et de cendres d’une soixantaine de centimètres d’épaisseur recouvrait l’île. Tout autour, la mer était jonchée de milliers d’arbres, de débris et d’amas flottants de pierre ponce. Une épidémie de choléra s’était déclarée qui avait déjà fait des milliers de morts. Le témoignage d’un raja local permit de reconstituer les faits : « Le 10 avril vers 7 heures du soir, trois colonnes de feu jaillirent près du sommet du Tambora, venant toutes trois, semble-t-il, de l’intérieur du cratère et, après s’être élevées séparément à une grande altitude, elles se confondirent dans le ciel. En quelques instants, la montagne prit l’aspect d’une masse de feu liquide s’étendant dans toutes les directions. […] L’éruption se poursuivit avec violence mais, au bout d’une heure, la montagne a cessé d’être visible, cachée par un épais rideau de cendres. »

Pendant trois mois, le volcan continua de gronder et de cracher des flammes avant de retomber dans le sommeil. L’énergie développée par le Tambora ce 10 avril a été calculée à l’équivalent de 30 000 mégatonnes de TNT (60 000 bombes comme celle d’Hiroshima), soit près de cent fois celle du Krakatau en 1883. Elle correspond à un indice 7 sur le Volcanic Explosivity Index (V.E.I.), qui en compte huit. Les éruptions d’indice 8 sont le fait des supervolcans : l’Oruani il y a environ 25 600 ans (lac Taupo, Nouvelle-Zélande), le Toba (environ 73 000 ans) à Sumatra, le Yellowstone aux États-Unis (environ 600 000 ans).

Sur les 167 000 habitants que comptent alors Sumbawa et les îles environnantes, 10 000 seraient morts des causes directes de l’éruption, des séismes et des tsunamis associés à l’explosion. La famine et la maladie allaient en faire mourir encore 82 000 autres et, l’année suivante (1816), dans d’autres endroits du monde, une catastrophe allait se produire.

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Écrit par

  • : docteur en sciences de la Terre, concepteur de la collection La Science au présent à la demande et sous la direction d'Encyclopædia Universalis, rédacteur en chef de 1997 à 2015

Classification

Pour citer cet article

Yves GAUTIER. TAMBORA, volcan [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Médias

Le Tambora - crédits : William L. Stefanov/ NASA-JSC

Le Tambora

L’arc volcanique de la Sonde et de Banda - crédits : Encyclopædia Universalis France

L’arc volcanique de la Sonde et de Banda

Dispersion du nuage éruptif du volcan Pinatubo dans la stratosphère - crédits : NGDC/ NOAA ;  Office of Research and Applications - NESDIS/ NOAA

Dispersion du nuage éruptif du volcan Pinatubo dans la stratosphère

Autres références

  • SUPERVOLCANS

    • Écrit par Édouard KAMINSKI
    • 1 732 mots
    ...d'importants tsunamis se produiront et seront ressentis à plusieurs milliers de kilomètres du volcan, à l'image de ce qui s'est passé pour le Tambora en 1815. En ce qui concerne l'environnement global, les circulations atmosphériques et le climat seront fortement affectés par la dispersion...
  • VOLCANISME ET VOLCANOLOGIE

    • Écrit par Roger COQUE, Jean-François LÉNAT, Haroun TAZIEFF, Jacques VARET
    • 14 540 mots
    • 36 médias

    Le 24 août de l'an 79 après J.-C., le Vésuve se réveilla au terme d'un repos de plusieurs siècles et détruisit les villes d'Herculanum, de Pompéi et de Stabiès. En 1783, l'éruption fissurale du Laki, en Islande, entraîna la mort de plus de 10 000 personnes par ses...

Voir aussi