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SYMÉTRIES, physique

Transformations continues et lois de conservation

Passons maintenant à l'examen de transformations décrites par un ou plusieurs paramètres variant continûment. L'exemple le plus simple est l'opération de translation dans le temps, dont le paramètre est la date. L'argument s'applique aussi bien si on modifie la date prise pour origine du temps ou si on varie la date réelle de la mesure physique. Tout ingénieur considère que les lois de l'électromagnétisme sont utilisables tous les jours et qu'un circuit électrique fonctionne de la même façon le dimanche ou le lundi. Autrement dit, il tient pour acquis que les lois de l'électromagnétisme sont invariantes par les opérations de translation dans le temps. De même, la logique de la connaissance scientifique impose que le circuit électrique doive fonctionner aussi bien au Vanuatu qu'en France, ce qui traduit l'invariance des lois physiques par les translations dans l'espace. Ces deux transformations sont les exemples fondamentaux des symétries continues. Elles ne sont pas les seules symétries cinématiques. En 1904, Hendrik Antoon Lorentz prouve que les équations de Maxwell qui décrivent l'électromagnétisme sont invariantes par des transformations cinématiques qui ont la particularité de laisser constante la vitesse de la lumière dans le vide. L' année suivante, Henri Poincaré démontre que les transformations de Lorentz, les translations d'espace et de temps et les rotations forment ensemble un groupe de symétrie, appelé depuis « groupe de Poincaré ». La théorie de la relativité restreinte d'Einstein établit le cadre d'une physique invariante par ces transformations.

L' invariance des lois physiques par rapport au groupe de Poincaré est un concept fondamental de la physique moderne. Comme les transformations dont il est question sont décrites par des nombres réels (et non pas par des nombres entiers), on dit que le groupe est continu (par opposition au groupe discret) et on le décrit plutôt par ses « générateurs », qui sont représentés par des transformations infinitésimales (une rotation d'angle infinitésimal ou une translation de vecteur infinitésimal). « L'intégrale » de telles opérations est une transformation finie. On parle alors de groupe de Lie, par référence au mathématicien norvégien Marius Sophus Lie qui a développé ce domaine au xixe siècle. En 1918, la mathématicienne allemande Emmy Noether prouve qu'une symétrie continue implique l'existence de quantités conservées. Appliqué à la translation dans le temps, ce théorème signifie la conservation de l'énergie d'un système isolé, propriété que les thermodynamiciens avaient érigée en principe. Appliqué aux translations dans l'espace et aux rotations, il prévoit la conservation de la quantité de mouvement et du moment angulaire.

Ce lien entre les propriétés de symétrie des lois physiques et les lois de conservation est un saut conceptuel qu'il importe de considérer avec attention. La longue histoire de la définition de l'énergie d'un système physique permet de mesurer son importance. Depuis la vis viva (force vivante) de Gottfried Leibniz jusqu'à l'énergie cinétique, définie de façon moderne par Thomas Young, qui la relie au travail d'une force, les physiciens ont approfondi progressivement sa signification afin de la relier au concept de chaleur, tout en modifiant sa définition pour tenir compte d'autres formes d'énergie comme celles d'origine électromagnétique. On mesure la difficulté de la tâche en se souvenant de l'épuisante et stérile recherche des machines à mouvements perpétuels.

Si la révolution relativiste modifie radicalement les formules de calcul de l'énergie d'un corps en y incluant une énergie au repos, proportionnelle à la masse par[...]

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Écrit par

  • : directeur de recherche émérite au CNRS, centre de physique théorique de l'École polytechnique, Palaiseau

Classification

Pour citer cet article

Bernard PIRE. SYMÉTRIES, physique [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Autres références

  • SYMÉTRIE CP VIOLATION DE LA

    • Écrit par Bernard PIRE
    • 398 mots

    L' observation d'un mode de désintégration particulier d'un méson K neutre montre en 1964 qu'une symétrie liant matière et antimatière n'est pas respectée par la nature. Les années 1950 et 1960 étaient riches en découvertes de nouvelles particules élémentaires ; après...

  • ANTIMATIÈRE

    • Écrit par Bernard PIRE, Jean-Marc RICHARD
    • 6 931 mots
    • 4 médias
    On a longtemps cru qu'il y avait une parfaite symétrie entre matière et antimatière. En termes plus formels, si C est l'opérateur, dit «  conjugaison de charge », qui transforme une particule p en son antiparticule p̄, soit C | p > = | p̄ >, ou qui transforme un système composé de matière...
  • AXIONS

    • Écrit par Bernard PIRE
    • 2 118 mots
    • 2 médias
    L’étude des transformations qui laissent invariant un système physique – ce qu’on appelle ses symétries – est primordiale dans la construction d’une théorie physique. L’analyse des propriétés de symétrie des interactions fortes décrites par une version quelconque de la QCD révèle rapidement une difficulté...
  • BELL JOHN STEWART (1928-1990)

    • Écrit par Maurice JACOB
    • 810 mots

    Le physicien théoricien britannique John Stewart Bell a marqué par ses travaux le domaine de la mécanique quantique.

    Né à Belfast le 28 juillet 1928, John Stewart Bell, d'origine modeste, doit travailler dès l'âge de seize ans comme assistant de laboratoire. Il gravit cependant assez vite tous les...

  • BOSONS ET FERMIONS

    • Écrit par Bernard PIRE
    • 1 709 mots
    ...adéquat d’unités qui conduit à h/2π = 1, on écrit souvent qu’ils sont de spin 1). Les bosons de Higgs, particules comprises comme les traces d’une symétrie spontanément brisée ont quant à eux un spin nul. S’ils existent, les gravitons – messagers quantiques de la gravitation – seraient des bosons...
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Voir aussi