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SYMÉTRIES, physique

LES SYMÉTRIES BRISÉES

Lorsqu'un problème physique admet une symétrie décrite mathématiquement par un groupe G, chaque solution n'est pas forcément invariante par G. En fait, c'est plutôt l'ensemble des solutions qui est invariant par G. Un exemple classique est la cristallisation d'un liquide. Lorsque la température décroît, l'isotropie (c'est-à-dire l'équivalence de toutes les directions) de l'ensemble des atomes disparaît, tandis que des axes privilégiés définissent les mailles élémentaires du cristal. La symétrie cristalline est alors décrite par un sous-groupe du groupe de symétrie initial. On dit qu'au point de cristallisation, la symétrie est spontanément brisée. Cette observation rend notablement plus malaisée la recherche des symétries des lois physiques à partir d'observations ou de mesures expérimentales. Comment un physicien qui ne serait entouré que de cristaux cubiques pourrait-il imaginer qu'un groupe de symétrie plus large – le groupe de Poincaré déjà cité – régit les lois de la physique atomique ? L'exemple de la cristallisation n'est qu'un des nombreux cas où une transition de phase entre différents états de la matière s'exprime comme un problème de changement de symétries ; de façon générale, le groupe de symétrie de l'état le moins symétrique est un sous-groupe du groupe de symétrie de l'état le plus symétrique.

Les symétries spontanément brisées sont l'élément essentiel des tentatives théoriques d'unification des forces. La description actuelle des interactions électrofaibles est la réalisation partielle de cet ambitieux programme, dont rien ne permet de juger actuellement s'il est réaliste. À la fin des années 1960, Sheldon Glashow, Steven Weinberg et Abdus Salam ont proposé que les phénomènes électromagnétiques et nucléaires faibles soient les manifestations de deux aspects complémentaires d'une interaction unique, appelée électrofaible. Cette théorie réalise une unification des deux forces en les décrivant comme issues d'une théorie dont l'unique symétrie de jauge est spontanément brisée en deux symétries décrivant séparément l'électromagnétisme et les interactions nucléaires faibles. Cette transition de phase serait apparue dans l'Univers très jeune, lorsque la température de celui-ci a décru jusqu'à une valeur critique. Le signe concret à l'appui de cette théorie est la masse acquise par certaines particules (les bosons W et Z qui sont les « photons » de cette théorie) lors de cette transition.

Les scénarios de grande unification supposent qu'une symétrie encore plus générale régnait au tout début de l'Univers. Quarks, électrons et neutrinos auraient alors été les membres de multiplets, représentations fondamentales d'un groupe de symétrie contenant les groupes de symétrie de jauge déjà identifiés. Des brisures spontanées successives auraient amené l'Univers et ses lois physiques dans l'état où on peut actuellement observer le premier et tester les secondes. Les indications expérimentales font cruellement défaut pour valider ces théories peut-être trop ambitieuses.

D'autres généralisations ont été proposées. De nombreux théoriciens trouvent quasi indispensable une extension des symétries de jauge fondamentales à des supersymétries qui associeraient les unes aux autres des particules de spins différents. Cette description, motivée par quelques difficultés du modèle standard des interactions fondamentales, nécessite l'utilisation d'outils mathématiques sophistiqués. Cette supersymétrie impliquerait l'existence de nouvelles particules appariées à chaque particule connue : un « photino » correspondrait au photon, des « squarks » aux quarks, etc. La traque de ces [...]

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Écrit par

  • : directeur de recherche émérite au CNRS, centre de physique théorique de l'École polytechnique, Palaiseau

Classification

Pour citer cet article

Bernard PIRE. SYMÉTRIES, physique [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Article mis en ligne le et modifié le 25/03/2009

Autres références

  • SYMÉTRIE CP VIOLATION DE LA

    • Écrit par
    • 398 mots

    L' observation d'un mode de désintégration particulier d'un méson K neutre montre en 1964 qu'une symétrie liant matière et antimatière n'est pas respectée par la nature. Les années 1950 et 1960 étaient riches en découvertes de nouvelles particules élémentaires ; après...

  • ANTIMATIÈRE

    • Écrit par et
    • 6 931 mots
    • 4 médias
    On a longtemps cru qu'il y avait une parfaite symétrie entre matière et antimatière. En termes plus formels, si C est l'opérateur, dit «  conjugaison de charge », qui transforme une particule p en son antiparticule p̄, soit C | p > = | p̄ >, ou qui transforme un système composé de matière...
  • AXIONS

    • Écrit par
    • 2 118 mots
    • 2 médias
    L’étude des transformations qui laissent invariant un système physique – ce qu’on appelle ses symétries – est primordiale dans la construction d’une théorie physique. L’analyse des propriétés de symétrie des interactions fortes décrites par une version quelconque de la QCD révèle rapidement une difficulté...
  • BELL JOHN STEWART (1928-1990)

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    Le physicien théoricien britannique John Stewart Bell a marqué par ses travaux le domaine de la mécanique quantique.

    Né à Belfast le 28 juillet 1928, John Stewart Bell, d'origine modeste, doit travailler dès l'âge de seize ans comme assistant de laboratoire. Il gravit cependant assez vite tous les...

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    ...adéquat d’unités qui conduit à h/2π = 1, on écrit souvent qu’ils sont de spin 1). Les bosons de Higgs, particules comprises comme les traces d’une symétrie spontanément brisée ont quant à eux un spin nul. S’ils existent, les gravitons – messagers quantiques de la gravitation – seraient des bosons...
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