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SODERBERGH STEVEN (1963- )

Dans le cinéma américain, le parcours de Steven Soderbergh ne ressemble à nul autre. Depuis 1989 et Sexe, mensonges et vidéo, son premier film récompensé d'une palme d'or au festival de Cannes, il n'a pas cessé d'étonner et de prendre des risques... Un pied dans le système hollywoodien dont il a su plus d'une fois profiter pour donner libre cours à des projets faussement traditionnels ; un pied en dehors quand il décide de mener à bien, avec les moyens du bord, un film expérimental, le cinéaste multiplie les expériences paradoxales, au risque de dérouter le grand public ainsi que la frange la plus conformiste de la critique cinématographique, déstabilisée par ce parcours hors normes.

Né à Atlanta (Georgie) en 1963, nourri par une cinéphilie plus européenne qu'américaine (Resnais et Antonioni sont deux de ses maîtres), Steven Soderbergh dirige des courts-métrages dès son adolescence. Tourné sans grands moyens, Sexe, mensonges et vidéo, fiction à la fois ludique et cérébrale sur les tourments identitaires et sexuels de quelques Américains ordinaires, bénéficie de l'impact médiatique cannois et fait connaître son auteur dans le monde entier. Mais les films suivants, aussi subtils qu'ambitieux, déçoivent les cinéphiles et laissent indifférents le public. Pourtant, aussi bien Kafka (1991), exploration du monde intérieur d'un personnage sur fond de reconstitution fantasmée de Prague, que King of the Hill (1993), évocation délicate du destin de deux enfants, aux États-Unis, durant les années de la grande dépression, attestent la singularité de son talent. Au-delà des spécificités de chaque œuvre s'affirme la prédilection du cinéaste pour la radiographie des états psychologiques et les jeux fictionnels conduits autour du point de vue subjectif qui questionne et déforme la réalité objective du monde. Avec À Fleur de peau (1995), libre remake du film noir de Robert SiodmakCriss Cross, Soderbergh s'inscrit pour la première fois dans les codes du cinéma de genre, attitude créatrice qui lui vaudra quelques années plus tard ses plus grands succès commerciaux. Lors de sa sortie, À fleur de peau ne convainc pas grand monde. Soderbergh, doutant de pouvoir donner naissance à des projets personnels dans le cadre de l'industrie du film, s'en retourne aux bricolages expérimentaux de son adolescence. Schizopolis (1996), fiction tournée avec très peu de moyens et apparemment pour le simple plaisir, paraît d'ailleurs devoir clore la carrière du réalisateur.

Paradoxalement, c'est à ce moment de doute, voire de crise, que Steven Soderbergh renaît de ses cendres. Acceptant pour la première fois une commande, il signe avec Hors d'atteinte (1998) un « polar » sophistiqué qui rencontre un important succès critique et commercial. De nouvelles perspectives vont s'ouvrir à lui. Sur le tournage du film, Soderbergh rencontre George Clooney, acteur jusqu'alors surtout connu pour ses prestations télévisuelles. Leur collaboration va devenir une des plus fécondes de l'histoire récente du cinéma américain. Associés au sein de la compagnie Section Eight, les deux hommes vont contribuer à produire la fine fleur du cinéma américain indépendant, entre autres Todd Haynes (Loin du paradis), Christopher Nolan (Insomnia), voire George Clooney lui-même qui, en 2003, a accompli ses débuts de réalisateur avec l'excellent Confessions d'un homme dangereux.

Après avoir convaincu les studios de son savoir-faire, Soderbergh, à la fin des années 1990, semble avoir trouvé sa voie. Adorant, depuis ses débuts, changer de genre à chaque nouvelle tentative, le metteur en scène va enchaîner fiction sur fiction, alternant avec une régularité stupéfiante films de studios, que son style rend originaux, et projets personnels. Dans la première catégorie, Erin Brockovich (2000) et [...]

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