GUITRY SACHA (1885-1957)
Guitry cinéaste
Là où Guitry reste un exceptionnel inventeur, c'est dans le septième art. Pourtant, il lui fut longtemps hostile, affirmant que le cinéma n'était bon que pour le documentaire, et réalisant d'ailleurs, en 1914, une suite de portraits filmés : Ceux de chez nous, qui nous restitue la présence d'André Antoine, Sarah Bernhardt, Edgar Degas, Anatole France, Lucien Guitry, Octave Mirbeau, Claude Monet, Auguste et Jean Renoir, Auguste Rodin, Edmond Rostand et Camille Saint-Saëns.
S'il écrit et interprète Un roman d'amour et d'aventures (1918) que réalisent René Hervil et Louis Mercanton, il faut attendre 1935 pour qu'il se décide à s'exprimer avec une caméra pour adapter ses propres pièces à l'écran ou créer des histoires originales. D'emblée, il s'oppose au « théâtre de conserve » qui gangrène le cinéma de l'entre-deux-guerres, et s'impose une économie de moyens qui transforme ses pièces filmées en documentaire sur le jeu et le texte. Il crée une distanciation par l'enregistrement frontal des actions et des génériques, désignant ainsi la mécanique cinématographique, casse les stéréotypes et s'impose comme l'un des grands cinéastes modernes de son époque.
Il adapte d'abord Pasteur (1935), puis tourne Bonne chance ! (1935) d'après un scénario original, qui lui permet de jouer d'une structure complexe en désignant la technique cinématographique pendant le cours du film et en la faisant analyser par les protagonistes. L'année suivante, il réalise une fiction commentée : Le Roman d'un tricheur, qui sert de modèle à Orson Welles pour Citizen Kane (1941).
À partir de là, Sacha Guitry se partage entre la scène et l'écran, passe de la transposition de ses pièces à l'élaboration de films originaux et surprenants, brise toutes les conventions du septième art et séduit ainsi un nouveau public.
De la superproduction historique (Si Versailles m'était conté, 1954) à la farce noire (Assassins et voleurs, 1957), de la biographie (Le Diable boiteux, 1948) à la fiction documentaire sur l'Occupation (Donne-moi tes yeux, 1943), Sacha Guitry a peut-être encore plus révolutionné le cinéma que le théâtre.
Longtemps sous-estimé dans ce domaine, s'il l'on fait l'exception du Roman d'un tricheur, aussitôt reconnu comme un chef-d'œuvre, il est réhabilité, juste avant sa mort, par les futurs cinéastes de la Nouvelle Vague, François Truffaut et Jean-Luc Godard, qui le considèrent comme un des auteurs les plus importants du cinéma français. Alain Resnais a toujours affirmé que le cinéaste Sacha Guitry avait eu une influence décisive sur lui, car il est le plus classique de nos modernes.
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Écrit par
- Noël SIMSOLO : cinéaste, historien de cinéma
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Médias
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