RENOIR JEAN
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« S'il fallait ne conserver qu'un film, pour donner aux générations futures l'idée de ce qu'a été, au xxe siècle, l'art du cinématographe, je choisirais Le Petit Théâtre, parce que tout Renoir y est contenu, et que Renoir contient tout le cinéma. » Ce jugement d'Éric Rohmer est aujourd'hui partagé par une majorité de critiques et d'historiens à travers le monde. Pourtant, de son vivant, Jean Renoir fut l'un des cinéastes les plus controversés, objet de nombreux malentendus. Le plus ambitieux de ses films muets, Nana (1926), d'après le roman de Zola, connaît un important échec commercial. S'il s'épanouit avec le parlant et trouve le succès avec La Chienne (1931), il est vite étiqueté comme cinéaste « naturaliste », ce que confirme Toni (1934), échec commercial, tandis que La Grande Illusion (1937) et La Bête humaine (1938) marquent le sommet de sa popularité. Son film le plus personnel de cette époque, La Règle du jeu (1939), est, selon son expression, une énorme « claque ». Découverts à la Libération, les films américains des années 1940 déçoivent. Après son retour en France avec French Cancan (1954), la majorité de la critique, à l'exception de ses amis de la Nouvelle Vague, ne voit en lui qu'un homme du passé. Après Le Petit Théâtre de Jean Renoir (1969), il ne trouve plus de producteur en France, s'exile aux États-Unis où il écrit quatre romans. Il y mourra en 1979.
La Grande Illusion, de Jean Renoir
Eric von Stroheim et Pierre Fresnay dans La Grande Illusion (1937), de Jean Renoir.
Crédits : Collection privée
La théorie du bouchon
Second fils du peintre Pierre-Auguste Renoir, Jean Renoir est né à Paris, sur la butte Montmartre, le 15 septembre 1894. Son enfance se déroule dans l'entourage des peintres impressionnistes, à Paris ou aux Collettes, près de Cagnes. L'enfant côtoie les sensuels modèles de son père. C'est l'un d'eux, Gabrielle Renard, qui lui fait découvrir Guignol, les mélodrames et les contes d'Andersen. D'abord attiré par la carrière militaire et la cavalerie, gravement blessé en 1915, il finit la guerre dans l'aviation. En 1920, il épouse le dernier modèle de Pierre-Auguste Renoir, Catherine Hessling, passionnée comme lui de cinéma et qu'il fait tourner dans ses premiers films, d'abord financés par la vente des toiles héritées de son père.
De celui-ci, Jean a reçu une éducation fondée sur la liberté, l'ouverture d'esprit, le mépris de l'argent. Il lui doit aussi la « théorie du bouchon » : « Il faut se laisser aller dans la vie comme un bouchon dans le courant d'un ruisseau », expliquait Pierre-Auguste. Cette idée vaudra aux deux hommes une réputation de dilettantes, renforcée par la légende d'un Renoir improvisateur, ce que contredisent radicalement les rushes de Partie de campagne ou le scénario original de La Règle du jeu.
Dans la manière de filmer les paysages français et de capter la lumière changeante, La Fille de l'eau (1924) est un hommage aux impressionnistes. On y rencontre déjà un motif essentiel de l'imagination poétique du cinéaste, l'eau. L'eau, qui porte l'être humain de la naissance vers la mort, du bonheur au malheur, ou l'inverse. Elle est présente aussi bien dans Boudu sauvé des eaux (1932) que dans The River (Le Fleuve, 1950), en passant par Partie de campagne (1936), sans oublier l'eau stagnante ambivalente de Swamp Water (L'Étang tragique, 1941) ou l'orage fatal de The Southerner (L'Homme du Sud, 1945). Les flots de la mer de The Woman on the Beach (La Femme sur la plage, 1946) nourrissent le désir physique des personnages mais les rendent aussi prisonniers du passé.
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Écrit par :
- Joël MAGNY : critique et historien de cinéma, chargé de cours à l'université de Paris-VIII, directeur de collection aux Cahiers du cinéma
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Joël MAGNY, « RENOIR JEAN », Encyclopædia Universalis [en ligne], consulté le 03 février 2023. URL : https://www.universalis.fr/encyclopedie/jean-renoir/