Abonnez-vous à Universalis pour 1 euro

RUSSIE (Arts et culture) La littérature

Produit d'une société dont l'histoire est caractérisée par une suite de ruptures brutales, la littérature russe est née de la première de ces ruptures, celle qui, dans les dernières années du premier millénaire, fait de la Russie païenne évangélisée par Byzance l'un des grands États de la chrétienté médiévale. Une seconde rupture, provoquée à l'aube du xviiie siècle par la transformation de l'État et de la société russe entreprise par Pierre le Grand, trace une frontière chronologique entre la littérature médiévale, d'inspiration religieuse, et une littérature moderne, laïque, dont l'évolution générale est parallèle à celle des autres littératures européennes. À son tour, l'histoire de la littérature moderne peut se diviser en deux périodes dont la frontière est marquée, dans le premier tiers du xixe siècle, par l'œuvre de Pouchkine : jusqu'à Pouchkine, la littérature russe constitue une province marginale du classicisme européen, auquel elle emprunte sa philosophie, son esthétique et sa poétique rationalistes, à peine entamées par le sentimentalisme et le préromantisme du siècle naissant ; après Pouchkine, la Russie devient un centre où s'élabore, comme dans l'ensemble de l'Europe, mais de façon indépendante et originale, un système esthétique nouveau dont le « roman russe » sera l'expression la plus éclatante. Une nouvelle rupture se produit aux environs de 1890, où l'apparition du mouvement symboliste traduit la prise de conscience d'une fonction spécifique de la poésie, qui prend modèle sur la musique et la peinture. La révolution d'octobre 1917 et l'arrivée au pouvoir de la doctrine marxiste marquent une nouvelle rupture en faisant de la littérature une institution d'État et en rejetant dans l'émigration une partie de la littérature russe.

La littérature médiévale (XIe-XVIIe siècle)

L'écriture et le livre sont apparus en Russie à la fin du xe siècle, avec l'évangélisation. La littérature russe médiévale continue donc directement la littérature byzantine, c'est-à-dire la tradition gréco-latine filtrée par le christianisme. Elle est à cet égard comparable aux littératures latines de l'Occident chrétien. Elle est rédigée dans une langue d'église, le slavon, issu des dialectes bulgaro-macédoniens de la région de Salonique, utilisés au ixe siècle par les premiers prédicateurs chrétiens en pays slave, ce qui lui assure, comme à la littérature latine, un champ de diffusion qui dépasse les frontières nationales : jusqu'au xve siècle au moins, la littérature russe est pour une grande part la littérature commune des Russes, des Serbes et des Bulgares. Sa transmission manuscrite est l'œuvre du clergé, qui la conserve et l'enrichit dans les monastères. Enfin, elle a pour fonction essentielle de réunir, de transmettre et de compléter un savoir traditionnel et de fournir des modèles de vie chrétienne, d'où son caractère avant tout didactique ou édifiant : outre un certain nombre de compilations encyclopédiques ou historiques, généralement traduites du grec, elle comporte deux genres principaux : l'hagiographie et l'homélie, auxquels viendra s'ajouter en Russie le récit historique inclus dans de vastes chroniques nationales ou locales.

La parenté étroite du slavon et du russe parlé donne à cette littérature savante un caractère plus accessible et lui assure une diffusion plus vaste que celle de la littérature latine d'Occident. Mais elle a retardé l'apparition d'une littérature populaire et profane en langue vulgaire comme celle qui, en Occident et dans les pays slaves latinisés, supplante très tôt la littérature savante. Aussi la fiction, le drame et la poésie restent-ils en Russie du domaine exclusif d'une tradition[...]

La suite de cet article est accessible aux abonnés

  • Des contenus variés, complets et fiables
  • Accessible sur tous les écrans
  • Pas de publicité

Découvrez nos offres

Déjà abonné ? Se connecter

Écrit par

  • : professeur à l'université de Paris-Sorbonne et à l'École normale supérieure
  • : directrice de recherche au CNRS, directrice adjointe de l'UMR 8224 EUR'ORBEM (université de Paris--Sorbonne - CNRS)
  • : ancienne élève de l'École nationale supérieure de Sèvres, maître de conférences honoraire à l'université de Paris-Sorbonne
  • : maître de conférences en littérature et culture russes, Sorbonne université
  • : professeur honoraire à l'université de Genève, recteur de l'université internationale Lomonosov à Genève, président des Rencontres internationales de Genève

Classification

Pour citer cet article

Michel AUCOUTURIER, Marie-Christine AUTANT-MATHIEU, Hélène HENRY, Hélène MÉLAT et Georges NIVAT. RUSSIE (Arts et culture) - La littérature [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Médias

Tolstoï - crédits : Hulton Archive/ Getty Images

Tolstoï

A. N. Ostrovski - crédits : Look and Learn/ Elgar Collection/ Bridgeman Images

A. N. Ostrovski

Tchekhov - crédits : Bettmann/ Getty Images

Tchekhov

Voir aussi