- 1. La littérature médiévale (XIe-XVIIe siècle)
- 2. La littérature européenne en Russie (1730-1825)
- 3. La littérature de l'intelligentsia (1825-1890)
- 4. La littérature d'art (1890-1917)
- 5. La littérature soviétique (depuis 1917)
- 6. La littérature russe émigrée
- 7. La littérature postsoviétique
- 8. La poésie
- 9. Les nouvelles écritures dramatiques
- 10. Bibliographie
- 11. Site internet
RUSSIE (Arts et culture) La littérature
La littérature russe émigrée
« Une ou deux littératures russes ? » Cette question fut posée à un colloque genevois qui réunissait en 1978 première émigration (la romancière Zinaïda Schakhovskoy, l'historien Nikolaï Andreev) et seconde émigration (Andreï Siniavski, Efim Etkind). Siniavski fit de cette même question le titre de son intervention à un colloque tenu à Los Angeles en 1979 sur le même sujet. Deux voies absolument divergentes ; ou un jeu d'influences réciproques en dépit des anathèmes ? Depuis la perestroïka, et plus encore l'écroulement du communisme, la longue parenthèse de la littérature émigrée s'est en quelque sorte refermée. À partir de 1989, un flot ininterrompu de publications a « restitué » à la Russie cette part d'elle-même qu'elle avait ostracisée. Ce processus est loin d'être achevé : les rééditions de poètes peu connus (comme Nikolaï Otsoup, Sofia Praegel...) ont pris la relève des grands noms (Merejkovski, Hippius, Aldanov...). Ces publications se font dans un grand désordre : une anthologie en six tomes s'est arrêtée à mi-course, la revue émigrée Put' (Le Chemin), fondée par Berdiaeff, a fait l'objet d'un reprint qui s'est, lui aussi, enlisé... Établis en Occident, les auteurs émigrés de la « troisième vague » rendent aujourd'hui visite à la métropole, y publient, mais ne s'y installent pas (à l'exception d'Alexandre Soljenitsyne, rentré au pays en juillet 1994). Ils sont désormais des écrivains russes à l'étranger, mais la coupure n'existe plus. On peut donc dire que la littérature russe émigrée a vécu. Plus que jamais, le problème de celle-ci n'est pas d'établir un catalogue d'œuvres publiées à l'étranger (où classer celles qui ont été écrites en Russie et publiées hors de Russie, comme le chef-d'œuvre d'Eugène Zamiatine My[Nous Autres], en 1922, ou celui de Boris Pasternak DoktorŽivago[Le Docteur Jivago], en 1958 ?) ; il est d'évaluer l'apport de l'émigration à la littérature russe et l'interférence entre métropole et diaspora.
L'hémorragie de la première émigration
À la fin de la guerre civile, perdue par les armées blanches, ce sont les trois quarts de l'intelligentsia russe qui fuient. Mikhaïl Boulgakov en fera un tableau amer et sarcastique dans une pièce de 1929 : Beg(Fuite). Quant à ceux qui ne fuient pas, on va bientôt les chasser du pays. En août 1922 eut lieu, sur ordre de Lénine, la fameuse expulsion d'un groupe important de représentants marquants de l'intelligentsia russe, au terme d'une très brève tentative de collaboration entre cette dernière et le pouvoir soviétique. Ce bannissement est étroitement lié à la dissolution, en 1921, du Comité panrusse d'aide aux affamés, animé, entre autres, par l'écrivain Michel Ossorguine qui a raconté l'épisode dans Vremena(Saisons). Ce sont environ cent soixante intellectuels qui furent bannis entre juin et août 1922 ; mathématiciens, agronomes, philosophes, écrivains : Nikolaï Berdiaeff, Sémion Frank, Serge Bulgakov, Nikolaï Losski, Fiodor Stepun, Ivan Iline, S. Troubetskoy, Michel Ossorguine. Deux paquebots allemands prirent livraison de la cargaison de savants et d'écrivains. Un peu plus tôt, en octobre 1921, Maxime Gorki avait choisi l'exil. Non seulement son journal NovajaŽizn' (La Vie nouvelle) avait été interdit en 1918, mais surtout Gorki n'approuvait pas la mise au pas de l'intelligentsia russe, et il estimait que la politique de Lénine était « trop laxiste » à l'égard des paysans : en juillet 1922, le poète prolétarien D. Bednyj écrit dans la Pravda : « Il est incurable. »
Les exilés russes s'installent à Sofia (Bitsilli, Oustrialov), à Prague (Marc Slonim, Marina Tsvetaïeva) et[...]
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Écrit par
- Michel AUCOUTURIER : professeur à l'université de Paris-Sorbonne et à l'École normale supérieure
- Marie-Christine AUTANT-MATHIEU : directrice de recherche au CNRS, directrice adjointe de l'UMR 8224 EUR'ORBEM (université de Paris--Sorbonne - CNRS)
- Hélène HENRY : ancienne élève de l'École nationale supérieure de Sèvres, maître de conférences honoraire à l'université de Paris-Sorbonne
- Hélène MÉLAT : maître de conférences en littérature et culture russes, Sorbonne université
- Georges NIVAT : professeur honoraire à l'université de Genève, recteur de l'université internationale Lomonosov à Genève, président des Rencontres internationales de Genève
Classification
Médias