PETIT ROLAND (1924-2011)
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Danseur et grande figure de la chorégraphie française, Roland Petit s'est essayé à tous les genres, y compris le show télévisuel et la revue de music-hall. Son nom reste associé à la ville de Marseille, où il fonde en 1972 une troupe qu'il dirige jusqu'en 1998.
Roland Petit est né le 13 janvier 1924 à Villemomble (Île-de-France). Quand ses parents déménagent à Paris pour ouvrir un café restaurant, il n'a qu'un rêve : entrer à l'Opéra de Paris. Son père, Edmond, d'abord totalement opposé à cette passion, finit par négocier avec son fils : il l'inscrit au concours d'entrée avec pour seule condition d'être dans les trois premiers. Roland Petit sera deuxième. Il entre ainsi à l'Opéra de Paris en 1934. Mais plus encore que la passion d'être danseur, Roland Petit a la fibre d'un chorégraphe. Il signe pour ses seize ans sa première chorégraphie avec Janine Charrat. Son père est devenu son premier mécène, et son soutien est incontestable. Sa mère, Rose, après son divorce, fondera la marque Repetto (qui porte encore son nom), spécialisée dans les chaussons de danse.
Roland Petit raconte qu'il n'avait pas d'argent, mais « du goût et du culot ». C'est ainsi qu'il ira frapper à la porte de Picasso, rue des Grands-Augustins, pour lui demander d'exécuter les décors d'un Guernica qu'il monte en 1933 avec la danseuse Ethéry Pagava. Il n'a que dix-neuf ans. C'est le début d'une série de collaborations avec des personnalités importantes de la scène artistique ou littéraire. Il demande des livrets à Jean Cocteau, Jean Anouilh, Jacques Prévert, Georges Simenon et Edmonde Charles-Roux. Il fait appel à Brassaï, Antoni Clavé, Jean Carzou et Max Ernst pour les décors, et à Yves Saint Laurent et Christian Dior pour les costumes. Vladimir Kosma, Maurice Jarre, Olivier Messiaen, Henri Sauguet, les Pink Floyd et Gabriel Yared composeront les musiques de ses ballets. Il s'entoure également de Jean Vilar, Orson Welles, Charlie Chaplin, Marilyn Monroe, Fred Astaire... Quant aux danseurs, il choisira les plus grands : Jean Babilée, Rudolf Noureev, Margot Fonteyn, Maïa Plissetskaïa, Claire Motte, Cyril Atanassof, Mikhaïl Barychnikov, Natalia Makarova, Carla Fracci, Dominique Khalfouni, Denys Ganio, Luigi Bonino, Loipa Araujo, Nicolas Le Riche, Alessandra Ferri, Lucia Laccara...
Mais celle qui, sans conteste, sera sa muse absolue, sera aussi sa femme : Renée Jeanmaire. Elle deviendra la célèbre Zizi à l'occasion de la création de Carmen (1949), l'une des œuvres les plus importantes de Roland Petit.
En 1945, à l'âge de vingt et un ans, avec l'aide financière de son père, il monte les Ballets des Champs-Élysées. Ses créations, Les Forains (1945) et Le Jeune Homme et la Mort (1946), le propulsent vite sur le devant de la scène. En 1948, le chorégraphe abandonne les Ballets des Champs-Élysées pour fonder les Ballets de Paris-Roland Petit, qui se produisent au Théâtre Marigny. Il y créera, entre autres, Les Demoiselles de la nuit (1948) pour Margot Fonteyn, la plus grande danseuse britannique du xxe siècle.
En 1952, Roland Petit collabore à son premier film pour Hollywood, Hans Christian Andersen, réalisé par Charles Vidor. Comme Moira Shearer ne peut danser le rôle, Roland Petit fait débuter Zizi Jeanmaire au cinéma. En 1953, Zizi et Roland se séparent. Cette même année, la saison des Ballets des Champs-Élysées au Théâtre de l'Empire voit les créations du Loup, de Deuil en 24 heures et de Ciné Bijou, ballets dansés par Violette Verdy pour le premier et Colette Marchand pour les deux autres.
Roland Petit retourne au États-Unis. Grâce à Leslie Caron, il tourne Daddy Long Legs (1954) dont la vedette est Fred Astaire. À la fin du tournage, Zizi Jeanmaire vient le rejoindre. À leur retour à Paris en 1954, ils se marient. L'année suivante, ils tournent Anything Goes, de Robert Lewis, avec Bing Crosby, Donald O'Connor et Mitzi Gaynor.
Après un premier essai, La Revue des Ballets (1956), où il propulse sa femme meneuse de revue, Roland Petit s'essaie pour la première fois au music-hall à l'Alhambra, entre Guy Béart, jeune ingénieur qu'il a découvert comme chanteur, et Jacques Brel. C'est le début de la période cabaret. Il va mener de front sa carrière de chorégraphe de ballets et de revue. En 1961, dans La Revue, Zizi (dans les costumes d'Yves Saint Laurent) fait fureur à l'Alhambra avec Mon Truc en plumes (paroles de Bernard Dimey, musique de Jean Constantin). Roland Petit rachète pour elle en juillet 1969 le Casino de Paris, dont il restera le directeur jusqu'en 1975.
En 1965, Roland Petit revient créer à l'Opéra de Paris Adage et variation, et, surtout, Notre-Dame de Paris, chef-d'œuvre qui réunit Yves Saint Laurent pour les costumes et Maurice Jarre pour la musique. Il réitérera l'expérience en 1968 en créant Turangalîlâ-Symphonie d'Olivier Messiaen avec des décors de Max Ernst et à nouveau des costumes signés Yves Saint Laurent. Mais la pièce ne rencontrera pas le même succès et ne sera jamais remontée. Pourtant, cette œuvre monumentale en dix tableaux, défendue par les étoiles de l'époque, s'impose comme un tournant majeur dans l'histoire de la danse classique et comme un nouvel aspect de la verve créatrice de l'auteur. Entre-temps, il avait reconstitué, en 1966, une compagnie à son nom, Le Ballet Roland Petit, pour son retour au théâtre des Champs-Élysées.
Après un bref passage en tant que directeur de la danse à l'Opéra de Paris en 1970, dont il démissionne avec fracas six mois plus tard, son destin l'unit, grâce à Gaston Deferre, au Ballet de Marseille en 1972 qui prendra en 1981 le nom de Ballet national de Marseille-Roland Petit. Il y restera vingt-six ans avant de l'abandonner et de lui retirer son répertoire lors de l'arrivée de Marie-Claude Pietragalla à sa tête en 1998. Mais Roland Petit n'arrête pas pour autant la chorégraphie, en collaboration avec les plus grandes compagnies mondiales : l'Opéra de Paris, le Bolchoï de Moscou, la Scala de Milan, le San Francisco Ballet, l'Asami Maki de Tōkyō, le Ballet national de Chine de Pékin...
Roland Petit s'est éteint à Genève, le 10 juillet 2011, frappé par une leucémie foudroyante. Il avait quatre-vingt-sept ans. En septembre 2010, il avait remonté, à l'Opéra de Paris, trois de ses plus grands ballets : Le Rendez-vous (1945), Le Jeune Homme et la Mort (1946) et Le Loup (1953). La dernière image qui restera de ce grand créateur sera certainement celle d'un jeune homme de quatre-vingts ans, vraie bête de scène, lancé dans un one-man-show étonnant où il dansait sa vie tout en la racontant, non sans quelque cabotinage et un humour parfois cruel. Titré Les Chemins de la création, ce spectacle avait été créé au Théâtre Jean-Vilar de Suresnes en 2004.
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Écrit par
- Agnès IZRINE : écrivaine, journaliste dans le domaine de la danse
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