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RÉVÉLATION

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L'hindouisme

Dans la tradition hindoue, on regarde comme śruti, révélation (littéralement : « ce qui a été entendu »), les livres védiques (de veda, qui signifie connaissance) : Ṛgveda, Sāmaveda, Yajurveda, Atharvaveda, ainsi que leurs compléments. Ces livres anciens se présentent comme la transcription de visions spirituelles de voyants et ont pour objet de régler les actions rituelles des hommes. Les Veda sont polythéistes, mais, les dieux étant différenciés par des particularités qui demeurent communicables de l'un à l'autre, la distinction entre eux reste incertaine, et la puissance divine à l'œuvre dans leurs manifestations diverses (ṛta, vrata, dharvan ou dhaman) est toujours identique.

Depuis l'origine, la religion hindoue est fixée sur l' avatāra, qui est descente de l'indéterminé dans la forme et révélation de la divinité dans l'homme. En Occident, une telle vue n'a jamais existé vraiment, parce que, dans le judaïsme comme dans le christianisme, la présence de Dieu est radicalement transcendante et ne peut être connue immédiatement. Le divin ne se laisse atteindre sans médiation que dans l'expérience mystique ; et de semblables expressions du divin ne se rencontrent que dans la tradition ésotérique, dans les gnoses ou dans la Kabbale, qui ne sont pas retenues comme constituant la révélation. En Inde, au contraire, toute existence est déjà une manifestation de Dieu, parce que ce dernier est la seule existence et que rien n'existe qui ne soit une figure ou une image de cette réalité ultime et unique. Tout être conscient est de façon voilée « révélation », descente de l'infini dans le fini de la forme. L'âme, conscience incarnée (déhī), est une étincelle du feu divin, et cette âme, sortant de l'ignorance de soi, s'ouvre à la connaissance et se développe en un être conscient. Lorsque le divin assume la forme humaine avec son mode d'action humain et la possède dans son éternelle connaissance de soi, quand « ce qui ne naît point » se connaît, alors c'est l'avatāra.

L'avatāra n'est pas l'expression d'un théisme ; il se présente même plutôt au premier abord comme un polythéisme. Quand la tradition hindoue approche cette question de l'ultime réalité dont elle est elle-même la manifestation, quand elle se penche sur la source première de la connaissance, elle sort déjà du domaine dit de la révélation, śruti, pour entrer dans celui de l'enseignement traditionnel, smṛiti, objet d'écriture sacrée, śāstra.

Les Upaniṣad qui constituent la « fin du Veda » ou Vedānta, forment la transition entre la vision védique et la pensée philosophique. Le monisme n'apparaît vraiment que dans le Vedānta, et c'est là seulement que les Veda sont regardés comme révélation, śruti. Les Veda y apparaissent comme vision, liée à l'acte rituel du sacrifice, tandis que le Vedānta est expérience spirituelle. L'ultime réalité est alors reconnue et désignée comme Brahman. Brahman peut être envisagé de deux points de vue : soit comme porteur d'attributs, soutien de l'univers qu'il manifeste, soit et tout autant comme seul existant en soi, dépourvu d'attributs, laissant l'univers à son état d'apparence illusoire. Les deux aspects de Brahman ne sont pas contradictoires ni inconciliables. Les Upaniṣad sont fondées sur ce jeu infini de l'être et du devenir : Brahman lorsqu'il « devient » l'univers ne perd rien de l'unité de son être. L'identité entre le moi, atmān, et l'unique réalité, Brahman, ne peut être perdue. Rien n'existe que la révélation de Brahman, immuable dans ses manifestations diverses.

Ces notions esquissées dans les Upaniṣad ont été plus tard exprimées avec force dans la Bhagavad Gītā. C'est[...]

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Écrit par

  • : directeur du Centre d'études Istina et de la revue Istina

Classification

Pour citer cet article

Bernard DUPUY. RÉVÉLATION [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Article mis en ligne le et modifié le 14/03/2009

Autres références

  • ALBALAG ISAAC (XIIIe s.)

    • Écrit par
    • 308 mots

    Philosophe et traducteur juif, qui a vécu probablement en Catalogne. Son œuvre principale est la traduction du Magasid al-Falasifa d'al-Ghazali, à laquelle il a joint des notes critiques réunies sous le titre de Tiqqun ha-De‘et (éd. critique G. Vajda, Jérusalem, 1973) et destinées à définir...

  • ÂME

    • Écrit par et
    • 6 020 mots
    ...transfigure en quelque sorte en πνευ̃μα, qui opère la glorification et l'incorruptibilité du corps de l'homme. À l'inverse, donc, de la philosophie grecque, la révélation chrétienne enseigne une sorte de transformation de l'âme et du corps dans l'immortalité divine. Aussi la résurrection des corps a-t-elle...
  • ANTHROPOMORPHISME

    • Écrit par
    • 7 544 mots
    • 1 média
    La perspective va se trouver modifiée et compliquée si l'on quitte la réflexion rationnelle pour la Révélation. Par définition, elle écarte l'idée que le lien religieux soit dû à l'invention humaine ; ce sont plutôt ses modalités, image et langage, à la fois à la mesure du Dieu qu'elles manifestent...
  • APOCALYPTIQUE & APOCRYPHE LITTÉRATURES

    • Écrit par et
    • 9 934 mots
    ...D'autres extraits de la même œuvre pourraient être cités (ainsi : xciii, 1 et 2 ; ciii, 2 ; cvi, 19 ; cviii, 7). On y verrait que la «  révélation » totale, y compris celle des choses ultimes de l'histoire, a été transmise à Hénoch par les anges, qui ont libre accès aux écritures célestes,...
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