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VICHY RÉGIME DE

L'instauration d'un nouveau régime

La défaite avait été payée au prix fort. La Convention d'armistice, signée le 22 juin 1940 à Rethondes, n'incluait aucune revendication territoriale de la part de l'Allemagne, mais elle réduisait à peu de chose la puissance militaire française ; surtout, elle comportait des clauses politiques drastiques, dont la plus importante était l'instauration d'une ligne de démarcation scindant la France entre une zone nord « occupée » et une zone sud dite « libre » (que la Wehrmacht envahira le 11 novembre 1942).

On aurait pu imaginer que les tenants de l'armistice, derrière Pétain, leur chef de file, allaient se contenter, en nationalistes conséquents, de gérer le désastre en adoptant le profil le plus bas possible pour gagner du temps. Il n'en fut rien : non seulement Pétain fit le pari catastrophique de mettre en œuvre une collaboration d'État politique avec le Reich, mais il décida d'instaurer, sous l'œil de l'occupant, un nouveau régime, « l'État français », dont le gouvernement était installé provisoirement à Vichy, en zone sud, régime qui mènerait une véritable révolution culturelle, baptisée « Révolution nationale ».

Instrumentalisant à son profit le vote parlementaire du 10 juillet, Philippe Pétain opéra une révolution juridique en promulguant les 11 et 12 juillet 1940 quatre « Actes constitutionnels » : il s'y octroyait à la fois « la plénitude du pouvoir gouvernemental » (cumulant en effet les pouvoirs dévolus auparavant au président de la République et au Conseil des ministres), les fonctions législatives (exercées en Conseil des ministres), administratives (par le biais du pouvoir réglementaire), voire judiciaires (puisqu'il pouvait prononcer des peines de relégation à l'encontre d'hommes politiques). Il s'attribuait de surcroît le droit stupéfiant de nommer lui-même son successeur éventuel (ce fut d'abord Laval, puis Darlan).

Quelques historiens, se situant le plus souvent dans la mouvance communiste, ont qualifié ce nouveau régime de « fasciste ». Cette approche est très contestable, puisque l'instauration d'un parti unique est refusée par Pétain et que, surtout, il lui manque une des spécificités majeures du régime totalitaire fasciste : l'expansionnisme guerrier. Et malgré les glissements qui se sont opéré au fil des mois, il vaut mieux le définir comme un régime autoritaire plutôt que totalitaire. Autoritaire, il l'est sans conteste, puisque le pouvoir tout entier est concentré entre les mains d'une seule personne, sans véritable contre-pouvoir, et notamment sans contrôle politique : la Chambre et le Sénat avaient été ajournés, les conseils généraux suspendus en octobre 1940 (leurs compétences étaient transférées aux préfets, jouissant de pouvoirs considérablement renforcés) ; les partis politiques furent explicitement interdits à compter de l'automne de 1941 ; et la censure omniprésente empêchait l'expression de toute opinion non conformiste.

En reprenant la formalisation de Max Weber, le régime de Vichy peut être considéré comme un régime « autoritaire charismatique » : c'est bien en effet la rencontre des attentes de la masse et d'une personnalité à laquelle il est prêté des vertus singulières. On se mit à vouer une sorte de culte à ce noble vieillard, ce chef glorieux (le « vainqueur de Verdun », ce qui n'était pas rien à l'époque), au point d'en faire le père de la nation qui, à quatre-vingt-quatre ans, n'avait pas hésité à se sacrifier et à reprendre du service. Dès l'automne de 1940, de surcroît, une propagande était mise au point de façon aussi systématique qu'efficace, pour exalter tant le passé que la personne du Maréchal, toujours présenté comme un être[...]

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Écrit par

  • : professeur des Universités à l'Institut d'études politiques de Paris

Classification

Pour citer cet article

Jean-Pierre AZÉMA. VICHY RÉGIME DE [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Médias

Pétain et Hitler à Montoire, 1940 - crédits : Hulton Archive/ Getty Images

Pétain et Hitler à Montoire, 1940

Défaite de la France en 1940 - crédits : National Archives

Défaite de la France en 1940

Autres références

  • UNE EXCEPTION ORDINAIRE (A. Bancaud)

    • Écrit par Frédéric CHAUVAUD
    • 1 080 mots

    Tandis que les études d'histoire judiciaire se multiplient sur les avocats, le parquet, la justice politique et les grandes affaires, la magistrature, dans son ensemble, à condition d'excepter la grande fresque, volontiers hagiographique, publiée par Marcel Rousselet en 1957, restait un angle...

  • ABETZ OTTO (1903-1958)

    • Écrit par Jean BÉRENGER
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    Important dignitaire nazi, artisan dès avant 1933 d'une réconciliation franco-allemande en particulier avec Jean Luchaire et Fernand de Brinon, Otto Abetz eut pour rôle essentiel d'occuper, de 1940 à 1944, le poste d'ambassadeur d'Allemagne à Paris. Sa mission avait un double caractère qui dépassait...

  • AFFICHE ROUGE L'

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