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RABAN MAUR (780 env.-856)

Élève d'Alcuin à Tours, écolâtre, puis chancelier en 812, et abbé (de 822 à 842) de la grande abbaye bénédictine de Fulda, enfin archevêque de Mayence de 847 à sa mort. Ami de Lothaire, attaché à l'idée impériale, Raban Maur est l'un des grands noms de la renaissance carolingienne (on l'a surnommé le « précepteur de la Germanie ») : missionnaire, il installe des paroisses et des fondations dans les contrées récemment évangélisées par saint Boniface. Il fait de Fulda un centre intellectuel pour l'Occident, à l'usage principal des évêques, curés et missionnaires chargés d'instruire le peuple dans la foi. Pour eux, il écrit des commentaires d'une grande partie de la Bible, en expliquant dans les Allégories sur la Sainte Écriture (d'authenticité contestée) la célèbre « théorie des quatre sens ». L'Instruction des clercs (De clericorum institutione, 819) traite des connaissances de base, théologiques et canoniques, indispensables au clergé. Les Vertus et les Vices (De virtutibus et vitiis, 834) est un petit traité de morale adressé à Louis le Débonnaire. L'esprit carolingien associe de près sciences profanes et effort théologique : ainsi Raban Maur écrit-il un livre sur le calendrier (De computo), une encyclopédie (De universo, 842-847), mêlée d'allégories, pour laquelle il a beaucoup emprunté à Isidore de Séville, un martyrologe fortement inspiré de celui de Bède le Vénérable, une psychologie morale (De anima), un ou deux pénitentiels. Pour nous, plus intéressante est son œuvre poétique (épîtres, litanies, prières, hymnes), proche encore de l'Antiquité finissante par la recherche de la forme et de l'étrange. Le Livre de la Croix (De laudibus Sanctae Crucis, œuvre de jeunesse) est un carmen figuratum, un poème-image dont les vers inégaux dessinent une figure symbolique ou réelle. On lui attribue le Veni Creator.

Ce pasteur, ami de la concorde et lié à tous les grands noms et événements de son temps, eut le souci du clergé et du peuple. Courtisan, il compare Judith à Esther, mais son enseignement fait autorité jusqu'au xvie siècle (Paul Claudel lisait avec ferveur ses écrits, notamment les Allégories). Raban Maur a édicté les degrés qui allaient être en vigueur dans l'École : legere, meditare, docere. Augustinien, il a formulé le slogan conservateur : novitatis presumptio mater est hereticae pravitatis. Et, à travers sa présentation des sens de l'Écriture, il s'est opposé à la sagesse de ce monde, ce qui convenait assez à la décadence carolingienne. L'univers nouveau du xiie siècle devait renverser ces deux attitudes que Raban Maur exprimait parfaitement.

— Jean-Pierre BORDIER

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Pour citer cet article

Jean-Pierre BORDIER. RABAN MAUR (780 env.-856) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Autres références

  • CAROLINGIENS

    • Écrit par Robert FOLZ, Carol HEITZ
    • 12 125 mots
    • 7 médias
    ...christianisme. Les témoins les plus représentatifs du mouvement sont Eginhard dont la Vie de Charlemagne adopte les cadres de la biographie impériale romaine, Raban Maur, disciple d'Alcuin, auteur d'une encyclopédie des connaissances (De universo), Walafrid Strabon, abbé de Reichneau, célèbre par...
  • MOYEN ÂGE - La littérature en prose

    • Écrit par Nicola MORATO
    • 6 740 mots
    • 3 médias
    ...écrite. En outre, surtout dans les genres narratifs, la frontière entre les deux formes n’est pas infranchissable : Bède le Vénérable rédige la vie de Cuthbert une fois en vers et une fois en prose, Alcuin fait de même avec celle de Willibrord, tout comme Raban Maur avec son Hymne à la Croix.

Voir aussi