PYRAMIDE

Construction, orientation et géométrie

En ce qui concerne la construction des pyramides, deux thèses s'affrontèrent dès l'Antiquité. Selon l'une, rapportée par Hérodote (II, cxxv), on se serait servi de « machines faites de morceaux de bois courts », par lesquelles les blocs auraient été élevés de gradin en gradin. D'après une autre hypothèse exprimée par Diodore de Sicile (I, lxiii, 6-9), les Égyptiens n'ayant, au contraire, pas disposé de machines utilisèrent des levées de terre. C'est à cette seconde thèse qu'il convient de se ranger, aucun document n'ayant livré la moindre indication sur l'emploi de machines de bois, alors que les vestiges de rampes ont été souvent relevés dans les monuments égyptiens et que des scènes de bas-reliefs indiquent que les transports de blocs de pierre, même des plus gros monolithes, se faisaient toujours sur traîneaux. Ceux-ci étaient tirés par des hommes jusqu'au Nil où, chargés sur des chalands, ils étaient acheminés par des canaux jusqu'au débarcadère aménagé à proximité du chantier ; des pistes de terre argileuse permettaient alors de haler les traîneaux jusqu'au monument. Là, dans le cas des pyramides, où la masse de matériaux à mettre en œuvre décroît rapidement à chaque assise, au fur et à mesure de l'élévation, il dut être nécessaire d'employer des rampes à très large voie initiale ; tandis que celles-ci s'exhaussaient peu à peu en s'allongeant, leur largeur se réduisait proportionnellement. La rampe faite de brique crue et de terre argileuse pouvait être unique et, selon les dimensions de la pyramide, atteindre ou non, à la base, la totalité de la longueur d'un côté ; elle aurait été dirigée, en fonction de la topographie des lieux, perpendiculairement ou en oblique par rapport au côté de l'édifice. Enfin, tout autour de ce dernier, une plate-forme d'environ deux mètres de largeur devait être montée en même temps que chaque assise pour permettre les manœuvres de mise en place des blocs de parement. La pyramide en cours de construction devait ainsi se trouver entièrement revêtue de briques crues qui n'étaient enlevées qu'après la pose du pyramidion et au fur et à mesure du ravalement des faces, commencé à partir du sommet.

En ce qui concerne l'orientation, l'extrême précision de celle des grandes pyramides de la IVe dynastie constitue un fait particulièrement remarquable. Dès la rhomboïdale de Snéfrou, l'orientation moyenne des deux côtés est et ouest est de 9′ 12″ à l'ouest du nord. Le maximum d'exactitude sera atteint peu après, à la pyramide de Khéops où l'écart moyen se réduit à 4′. À Khéphren, celui-ci n'est guère moindre : 5′ 32″, toujours vers l'ouest. À Mykérinos, enfin, la déviation légèrement supérieure est de 14′ 3″, et cette fois vers l'est.

De pareils résultats n'ont pu être obtenus qu'astronomiquement. Il convient d'écarter l'emploi des ombres du Soleil, qui, selon l'astronome tchécoslovaque B. Polak, n'aurait pas été suffisamment précis, même au moment des équinoxes. Les méthodes les plus probablement utilisées seraient soit des visées directes sur la Polaire, soit le tracé de la bissectrice de l'angle formé par les visées sur les lever et coucher d'une étoile sur l'horizon naturel ou un horizon artificiel, ou encore sur les positions extrêmes d'une étoile circumpolaire. Cependant, à l'époque de la construction des grandes pyramides, entre 2620 et 2500 avant J.-C., les prêtres-astronomes durent bien remarquer l'étoile α du Dragon, qui était la seule à paraître immobile, étant alors entre un et deux degrés du pôle, et c'est donc vraisemblablement sur elle qu'ils effectuèrent leurs visées. Les faibles[...]

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Écrit par

  • Jean-Philippe LAUER : directeur de recherche honoraire au C.N.R.S., architecte-archéologue expert à Sakkarah (service des Antiquités de l'Égypte)

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Pour citer cet article

Jean-Philippe LAUER, « PYRAMIDE », Encyclopædia Universalis [en ligne], consulté le . URL :

Média

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Autres références

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    Le complexe funéraire du roi Djéser (IIIe dynastie) érigé à Saqqarah marque, dans l'histoire de l'architecture égyptienne, une double innovation : l'adoption de la forme pyramidale pour le tombeau du souverain et l'utilisation systématique de la pierre de taille en assises réglées.[...]

  • PYRAMIDE DE SNÉFROU, Dahchour (Égypte)

    • Écrit par Annie FORGEAU
    • 1 295 mots
    • 2 médias

    La première pyramide lisse fut érigée sur le site de Dahchour au sud de Saqqarah, pour Snéfrou, premier souverain de la IV e dynastie. Elle fait partie du quatrième complexe funéraire de ce roi, diverses solutions ayant été successivement adoptées pour la superstructure de la tombe : [...]

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    • 12 médias
    [...]compter tous les édifices en matériaux légers qui devaient exister et dont il ne reste plus trace. La partie centrale du sanctuaire est constituée par une pyramide à cinq gradins. Le sanctuaire supérieur, rebâti au milieu du xii e siècle, abritait le lịnga-palladium, divinité protectrice du roi et[...]
  • ARCHITECTURE (Thèmes généraux) - Architecture et philosophie

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  • BOROBUḌUR ou BARABUDUR

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    • Écrit par E.U.
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    Roi d'Égypte, au IIIe millénaire av. J.-C.

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  • ÉGYPTE ANTIQUE (Civilisation) - L'art

    • Écrit par Annie FORGEAU
    • 62 986 mots
    • 30 médias
    Sous la IIIe dynastie, Imhotep, architecte de Djeser, imagine à Saqqarah, pour couvrir les appartements funéraires du roi, la première pyramide en pierre. À gradins et haute de 60 mètres, celle-ci est à la fois la transposition du tertre initial sur lequel se posa le démiurge au matin de la création[...]
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