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PRESSE DU CŒUR ou PRESSE SENTIMENTALE

« Histoire vécue » et roman-photo

De 1948 à 1955, c’est la grande période de la presse du cœur. Son contenu est invariable avec un calibrage constant : de 75 p. 100 à 80 p. 100 des textes sont centrés sur la littérature sentimentale. Les magazines proposent deux ou trois romans dessinés, qui deviendront des romans-photos, des histoires vécues, un épisode d’un grand roman d’amour, deux ou trois nouvelles. À cela s’ajoutent le courrier des lecteurs et des rubriques pratiques, comme le savoir-vivre, la mode, l'horoscope ou les jeux.

La presse du cœur : <it>Intimita</it> - crédits : D.R.

La presse du cœur : Intimita

La presse du cœur se distingue d’abord par une belle couverture. Elle affiche un joli visage de femme, parfois une actrice. Mais, dans cette période initiale, la présence des stars est peu fréquente, car la vedette du journal est d’abord la femme de tous les jours. La couverture est issue d’un dessin ou d’une photographie, toujours rehaussée de couleurs chatoyantes. Un jeune couple souriant peut remplacer le buste féminin. Il est alors mis en scène dans une activité qui évoque l’amour et le bonheur. Ces couvertures sont un marqueur du genre et sont aujourd’hui très recherchées par les collectionneurs.

Parce que les lecteurs sont friands de littérature sentimentale, le grand roman est annoncé sur la couverture, et débute dès les premières pages. Le roman d’amour sériel commence avec une rencontre, souvent un coup de foudre. Les héros ont des profils caractéristiques : elle est une jeune femme orpheline, servante dans une riche famille, lui est le fils incompris et original de cette famille. Au côté du (futur) couple s’inscrivent des personnages secondaires, des alliés et surtout des ennemis. Le récit s’articule autour de la lutte contre tous les obstacles qui se dressent sur le chemin de l’amour. Le couple doit les affronter à travers une multitude d’épreuves psychologiques, sociales, dramatiques et policières. Les actions s’enchaînent rapidement. Les rebondissements font la force du feuilleton, et donnent l’envie de poursuivre la lecture. En général, chaque magazine propose un ou deux romans à suivre. Si, initialement, les auteurs sont français ou italiens, ils seront progressivement remplacés par les romancières anglo-saxonnes. Ces auteurs sont peu connus, mais certains se distinguent, comme Delly (pseudonyme de Jeanne-Marie et Frédéric Petitjean de La Rosière), Magali ou Barbara Cartland. Les nouvelles sont en général anonymes. Ces textes courts sont souvent moins désuets et plus osés que les romans. Ils se concentrent sur un épisode de la vie, une rencontre où le destin bascule. Les hommes exercent des professions qui illustrent la modernisation de la société, ils sont aviateurs ou ingénieurs. Les femmes, quant à elles, travaillent comme ouvrières ou vendeuses, elles rêvent de mariage mais aussi d’aventures.

Le roman dessiné puis le roman-photo restent l’emblème de la presse du cœur. Ces histoires illustrées attestent de la montée en puissance de l’image dans la société. L’illustration est caractéristique de la lecture populaire. Elle existe aussi bien dans les livres de prières que dans ceux que vendent les colporteurs. Les romans dessinés s’inspirent de la bande dessinée qui était alors majoritairement destinée au jeune public. Le cinéma, de son côté, s’est révélé un accélérateur de l’omniprésence de l’image et un outil transmédiatique à l’origine d’une multitude de sous-produits. D’ailleurs, le magazine Grand Hôtel tire son nom du film éponyme avec Greta Garbo (1932). Sa première couverture, dessinée par Walter Molino, présente un couple entrant dans une salle de cinéma. On pourrait donc dire que la presse du cœur se présente comme un film à domicile. Le roman-photo est issu d’un mixage entre le cinéma, le roman sentimental et la bande dessinée. Il naît en Italie en avril 1947 dans le magazine Sogno, avec Gina Lollobrigida pour héroïne.[...]

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Écrit par

  • : docteure en histoire culturelle, conservatrice en bibliothèque, responsable de formations et enseignante au Pôle Métiers du livre de l'université Paris-ouest-Nanterre-La Défense

Pour citer cet article

Isabelle ANTONUTTI. PRESSE DU CŒUR ou PRESSE SENTIMENTALE [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Médias

La presse du cœur : <it>Nous deux</it> - crédits : D.R.

La presse du cœur : Nous deux

La presse du cœur : <it>Intimita</it> - crédits : D.R.

La presse du cœur : Intimita

La presse « people » - crédits : G. Mouly-Héras

La presse « people »

Voir aussi