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OTAN (Organisation du traité de l'Atlantique nord)

L'Alliance à l'épreuve de la coexistence pacifique

L'Alliance était née de la guerre froide et elle s'était dramatiquement développée dans la foulée de la guerre de Corée. Elle se retrouva un peu prise au dépourvu quand la coexistence pacifique survint. La cohésion alliée fut alors menacée par deux dangers. D'abord, l'adoption, à l'instigation des Américains, de la stratégie des « représailles massives » contribua à détourner les Européens d'efforts militaires conventionnels dont ils ne voyaient plus l'utilité : pour leur sécurité, ils s'en remirent de plus en plus à la dissuasion stratégique et aux têtes nucléaires tactiques dont étaient alors dotées les troupes américaines de l'Alliance atlantique (celle-ci comptait plus de 7 000 de ces armes au milieu des années soixante). Ensuite, le déplacement de la rivalité américano-soviétique vers le Tiers Monde allait multiplier les occasions de tensions entre les États-Unis et ceux de leurs alliés qui détenaient encore des colonies.

Crise de Suez, 1956 - crédits : National Archives

Crise de Suez, 1956

Pour permettre à l'Alliance de s'adapter à ces nouvelles réalités, certains estimèrent qu'il était temps de donner des prolongements concrets à l'article 2 du traité, pour en faire une véritable « communauté ». Le 4 mai 1956, le Conseil atlantique décidait de nommer trois « sages » (Lester Pearson, Halvard Lange et Gaetano Martino) pour le « conseiller sur les voies et moyens d'améliorer et d'étudier la coopération de l'O.T.A.N. dans les domaines non militaires et de développer une plus grande unité à l'intérieur de la Communauté atlantique ». Pourtant, il fut très vite évident que les États-Unis, qui avaient des responsabilités mondiales, dans l'océan Pacifique en particulier, n'accepteraient pas un rapport recommandant une coopération très poussée. Surtout, avant même que le texte n'ait pu être adopté, la crise de Suez devait rappeler, selon les mots de Paul-Henri Spaak, qu'il « est bien difficile d'être alliés dans un coin du monde et de s'opposer violemment dans un autre ». Britanniques et Français reprochèrent aux Américains d'avoir voté, à l'O.N.U., la condamnation d'une intervention armée dont les États-Unis portaient, selon eux, indirectement la responsabilité : après tout, c'était le refus de Washington de financer le barrage d'Assouan qui avait incité Nasser à nationaliser le canal. Les Américains déplorèrent ce recours à la « diplomatie de la canonnière » qui détourna partiellement l'attention des autres pays de l'intervention soviétique en Hongrie.

La crise eut des effets très différents sur Londres et sur Paris. Les Britanniques se persuadèrent qu'ils n'avaient plus les moyens d'agir sans le soutien des États-Unis : aussi, pour eux, l'affaire déboucha-t-elle, au printemps de 1957, sur une relance inattendue des « liens spéciaux » entre les deux pays. Les Français en conclurent, au contraire, qu'il fallait construire l'Europe pour renforcer leur voix, trop isolée autrement, et accélérer leurs recherches atomiques militaires : lorsque Boulganine avait menacé des foudres atomiques les Français et les Britanniques, Washington avait laissé entendre que la garantie atlantique jouerait si le territoire européen était menacé, mais que les troupes expédiées à l'autre bout de la Méditerranée n'étaient pas couvertes par le traité. Ces clivages se dessinaient quand deux événements vinrent leur donner une tout autre portée. D'un côté, à l'automne de 1957, le lancement de deux Spoutniks par les Soviétiques mit un terme à la protection quasi absolue qu'avait offerte jusqu'ici le parapluie atomique des États-Unis. Maintenant que les villes d'outre-Atlantique allaient être, dans un avenir proche, à portée des fusées intercontinentales du Kremlin, le président américain prendrait-il[...]

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Écrit par

  • : ancien directeur du journal Le Monde
  • : professeur à l'université de Paris-III-Sorbonne nouvelle
  • : directeur du Centre sur l'Amérique et les relations transatlantiques
  • Universalis : services rédactionnels de l'Encyclopædia Universalis

Classification

Pour citer cet article

Universalis, André FONTAINE, Pierre MELANDRI et Guillaume PARMENTIER. OTAN (Organisation du traité de l'Atlantique nord) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Médias

OTAN (Organisation du traité de l'Atlantique nord) - crédits : Encyclopædia Universalis France

OTAN (Organisation du traité de l'Atlantique nord)

Blocus de Berlin, 1948 - crédits : National Archives

Blocus de Berlin, 1948

1945 à 1962. La décolonisation - crédits : Encyclopædia Universalis France

1945 à 1962. La décolonisation

Autres références

  • CRÉATION DE L'O.T.A.N.

    • Écrit par Sylvain VENAYRE
    • 201 mots
    • 1 média

    La création, à Washington, de l'Organisation du traité de l'Atlantique nord (O.T.A.N.) est une conséquence du constat de la séparation de l'Europe par ce que le Britannique Winston Churchill avait nommé, en 1946, un « rideau de fer ». Dix États d'Europe de l'Ouest (Belgique, ...

  • AFGHANISTAN

    • Écrit par Daniel BALLAND, Gilles DORRONSORO, Universalis, Mir Mohammad Sediq FARHANG, Pierre GENTELLE, Sayed Qassem RESHTIA, Olivier ROY, Francine TISSOT
    • 37 316 mots
    • 19 médias
    Le 11 août 2003, l'OTAN prend le commandement de la Force internationale d'assistance à la sécurité, l'ISAF, créée par les accords de Bonn en 2001, et étend progressivement sa présence à l'ensemble du pays jusqu'en 2006. Confrontée à la montée de l'insurrection, la coalition augmente graduellement...
  • ALBANIE

    • Écrit par Anne-Marie AUTISSIER, Odile DANIEL, Universalis, Christian GUT
    • 22 072 mots
    • 9 médias
    ...plus précisément de Belgrade, que souffle une nouvelle tourmente lorsque, en 1999, les exactions commises par l'armée et les milices serbes au Kosovo décident les forces de l'OTAN à bombarder la Yougoslavie (pendant près de trois mois) ; arrivent alors en Albanie près de 440 000 réfugiés. Selon...
  • ALLEMAGNE (Politique et économie depuis 1949) - République démocratique allemande

    • Écrit par Georges CASTELLAN, Rita THALMANN
    • 19 516 mots
    • 6 médias
    ...sécurité de cinquante ans. L'accord ne put se faire. Or, dès le 15 août 1953, l'U.R.S.S. avait nettement souligné que l'inclusion de la République fédérale dans la C.E.D. etl'O.T.A.N. (Organisation du traité de l'Atlantique Nord) rendrait une réunification allemande impossible. Ce qui était l'évidence.
  • ALLEMAGNE (Politique et économie depuis 1949) - République fédérale d'Allemagne jusqu'à la réunification

    • Écrit par Alfred GROSSER, Henri MÉNUDIER
    • 16 391 mots
    • 10 médias
    Les accords de Paris stipulent notamment l'entrée de la République fédérale dans l'O.T.A.N. et la création de l'Union de l'Europe occidentale. L'importante Convention sur les relations entre les trois puissances et la république fédérale d'Allemagne constituait depuis lors le document essentiel...
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Voir aussi