OTAN (Organisation du traité de l'Atlantique nord)
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Les rivalités franco-américaines
Au début des années soixante, l'Alliance fut à son apogée : le monde occidental, dont l'O.T.A.N. était le bouclier, entra dans une ère d'expansion et d'intégration économique sans précédent. La convertibilité monétaire fut totalement restaurée. Les échanges commerciaux s'épanouirent entre les deux rives de l'Atlantique : de 1955 à 1965, les exportations américaines à destination du vieux continent doublèrent pratiquement (de 5,1 à 9,2 milliards de dollars) et leurs importations en provenance de celui-ci augmentèrent encore plus rapidement (de 2,4 à 6,2 milliards). Pour les entreprises américaines, l'Europe, plus qu'un simple marché, devint un terrain d'investissement privilégié : de 1950 à 1964, leurs investissements directs en Europe avaient sextuplé. La prospérité ne permit pourtant pas à l'Alliance de se réformer ; le compromis s'avéra impossible entre les voies préconisées par les Américains et celles souhaitées par les Français.
En 1958, cela faisait déjà longtemps que les Français étaient mécontents. Les Américains s'étaient toujours refusés à étendre l'autorité du standing group au-delà de la zone géographique couverte par le traité, et l'adoption d'une stratégie fondée avant tout sur l'arme nucléaire y avait privé de toute signification, ou presque, la présence des Français. En réalité, ceux-ci avaient demandé à plusieurs reprises (René Pleven en 1951, Christian Pineau en 1956) l'instauration d'une coopération étroite entre les trois pays occidentaux. Et, hypersensibilisé par l'exclusion du « club nucléaire », le gouvernement Gaillard avait, dès avril 1958, décidé la construction d'une « force de frappe » française avant même le retour du général de Gaulle au pouvoir.
Dès le 17 septembre 1958, le général de Gaulle reprenait sous une forme beaucoup plus directe les griefs que ses prédécesseurs avaient exprimés. Remarquant que « l'alliance occidentale ne répondait plus aux conditions nécessaires de la sécurité », il proposait l'établissement de ce que l'on appellerait un « directoire à trois ». Il s'agissait pour les trois Grands de l'Occident d'instituer une organisation qui aurait, « d'une part, à prendre les décisions communes dans les questions politiques touchant à la sécurité mondiale, d'autre part, à établir et, le cas échéant, à mettre en application les plans d'action stratégique, notamment en ce qui concerne l'emploi des armes nucléaires ». Le texte suscita une vive irritation chez les « petits alliés » qui, s'ils partageaient certains des griefs du gouvernement français, refusaient de voir celui-ci bénéficier d'un statut privilégié. Des négociations n'en furent pas moins engagées entre Américains, Britanniques et Français. Mais elles ne purent déboucher sur le type d'organisation que le général de Gaulle souhaitait. Il était clair, dès lors, que celui-ci allait remettre brutalement en question la participation française à l'armée intégrée : il l'avait déjà dénoncée comme incompatible avec l'indépendance de la France ; mais, faute d'une concertation à trois, elle risquait d'entraîner celle-ci, malgré elle, dans un conflit voulu par les États-Unis.
Au début, la politique du général de Gaulle fut modérée. Il préférait sans doute d'abord restaurer les institutions et l'économie du pays, et régler le problème algérien. Surtout, il dut juger inopportun d'affaiblir l'Alliance occidentale pendant une période de tension avec le Kremlin. Or Khrouchtchev venait (nov. 1958) de relancer la crise de Berlin. Durant celle-ci, de Gaulle afficha une solidarité totale avec le chancelier Adenauer et les Américains, allant jusqu'à refuser de négocier, ce qu'envisageait Kennedy, devant le fait accompli (le « mur de la honte », érigé en août 1961).
En 1961, pourtant, le général de Gaulle avait déjà lancé, dans le cadre de l'Alliance, une offensive destinée à la réformer : il entendait travailler, à partir de la C.E.E., à la formation d'un bloc continental autonome sinon indépendant, dont le pilier serait un rapprochement franco-allemand. Dès le 31 mai 1960, il avait indiqué les bases (des réunions régulières à l'exclusion de toute institution supranationale) sur lesquelles pourrait être réalisée « cette Europe d'Occident qui fut jadis le rêve des sages et l'ambition des puissants ». En novembre 1961, le « plan Fouchet » était avancé. Mais il ne devait jamais être adopté : la candidature déposée, en juillet 1961, par les Britanniques auprès de la C.E.E. avait incité les Belges et, surtout, les N [...]
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Écrit par :
- André FONTAINE : ancien directeur du journal Le Monde
- Pierre MELANDRI : professeur à l'université de Paris-III-Sorbonne nouvelle
- Guillaume PARMENTIER : directeur du Centre sur l'Amérique et les relations transatlantiques
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Pour citer l’article
André FONTAINE, Pierre MELANDRI, Guillaume PARMENTIER, « OTAN (Organisation du traité de l'Atlantique nord) », Encyclopædia Universalis [en ligne], consulté le 03 février 2023. URL : https://www.universalis.fr/encyclopedie/otan-organisation-du-traite-de-l-atlantique-nord/