OṂ
Monosyllabe qui constitue, selon la tradition hindoue, le mantra par excellence, c'est-à-dire la meilleure expression rituelle sonore du sacré. Les religions indiennes (hindoue, bouddhique, jaïn) utilisent, en effet, dans leurs liturgies respectives, non seulement des chants et des prières de type classique, mais aussi de brèves formules, souvent dépourvues de signification, qui ponctuent les divers actes rituels tant publics que privés. Ces interjections, qu'elles soient articulées ou qu'elles affectent la forme de simples résonances (voyelles nasalisées), sont considérées comme des « instruments de pensée » (c'est le sens premier du mot « mantra »), parce que leur fonction, semblable à celle du yantra sur le plan visuel, est d'agir sur l'organe mental (le manas) en vue d'obtenir l'attention contemplative qui donnera sa pleine efficience au rite. Or, parmi les innombrables mantra, un seul est obligatoirement employé en toute circonstance, soit isolément, soit en combinaison avec d'autres interjections de même type ; ainsi la formule rituelle familière aux bouddhistes tantriques est-elle : Oṁ mani padme hum (« Oṁ ! le joyau dans le lotus ! hum ! »). On voit que le monosyllabe sacré est placé en tête, selon la règle absolue qui veut que toute récitation liturgique, si brève soit-elle, commence par l'émission du son oṁ, de même que l'univers s'est développé à partir de l'énergie cosmique mise en branle « au commencement », lorsque le Démiurge prononça le mantra créateur : Oṁ bhur bhuvah svah (« Oṁ ! terre ! atmosphère ! ciel ! »). On devine que la symbolique d'oṁ est d'une grande complexité ; pour plus de commodité, on peut en ranger les éléments sous trois rubriques :
Oṁ est la syllabe d'obédience. Fonctionnant à peu près comme l'amen des chrétiens, elle indique que l'on appartient à l'une des grandes religions de l'Inde et que l'on se soumet au dharma (la norme, les lois religieuses, etc.). C'est pour cette raison que le monde a été « inauguré » par l'exclamation : Oṁ ! (en la prononçant, le Dieu créateur établissait la souveraineté du dharma sur l'univers), et que les hommes doivent être attentifs à commencer chacune de leurs journées par l'émission (même mentale) de ce son.
Oṁ est l'alpha et l'oméga. Origine sonore du monde (verbe créateur), oṁ est en même temps sa plénitude essentielle : lorsque la durée du cycle cosmique sera révolue, l'univers phénoménal se résorbera en un « point d'énergie sonore », à savoir le phonème oṁ, qui, de ce fait, mérite le nom du Verbe éternel ; ensuite, après une période d'équilibre, un autre univers se déploiera à partir du même son (en sanskrit, nāda ou śabda), qui n'est autre que le brahman (l'absolu, l'essence) lui-même. On sait, d'autre part, que le salut individuel, selon l'hindouisme, est la délivrance de l'âme (l'ātman) des liens de l'existence et son retour à l'absolu (le brahman), donc à oṁ. Ainsi ce phonème est-il véritablement « le commencement et la fin », le point d'origine et le point d'aboutissement où les âmes sauvées réalisent leur vraie nature (que l'on tienne, selon les écoles, pour le principe de l'identité substantielle de l'ātman et du brahman, ou pour la doctrine de l'union béatifique de ces deux entités).
Oṁ est l'image de la Trinité. L'hindouisme considère, en effet, que la divinité suprême est une en trois personnes (Brahmā, Vishnu, Shiva) ou, plus exactement, que l'absolu, le brahman, est à la fois « être, conscience et béatitude » (en sanskrit, sac-cid-ananda). Or, cette structure ternaire se reflète, elle aussi, dans le phonème oṁ ; il faut savoir[...]
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Écrit par
- Jean VARENNE : docteur ès lettres, professeur à l'université de Lyon-III
Classification
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- Écrit par Anne-Marie ESNOUL
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