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PEUPLE NOTION DE

Le peuple est sans doute l'une des notions politiques, avec celles de nation ou d'État, qui dispose de l'une des plus fortes charges symboliques. Cette importance relative, sensible dans la littérature, la philosophie ou le langage commun, se décline d'abord positivement, spécialement dans les démocraties, mais aussi négativement, lorsque le peuple est considéré comme une menace. Ces éléments illustrent une autre particularité de ce mot : son extrême polysémie, mais également sa faculté d'être associé à d'autres notions (nation, populace, etc.). Le terme « peuple » correspond dès lors assez bien à l'aphorisme de Ludwig Wittgenstein, selon lequel les mots n'ont pas véritablement de sens, mais des usages variables selon l'époque, le lieu, voire le locuteur dont il est question.

Caractères

La première caractéristique, souvent soulignée, du terme peuple est d'être une synecdoque, figure de rhétorique qui consiste à prendre la partie pour le tout, puisque le peuple désigne une communauté donnée ainsi qu'une fraction significative de celle-ci. De façon corollaire, la notion s'applique toujours à figurer un ensemble d'individus, dont les frontières sont plus ou moins explicites, avec l'idée que cet ensemble constitue une unité fondamentale capable de dépasser les intérêts particuliers et de conférer un « supplément d'âme » à cette agrégation d'individus. Par là même, le peuple fonctionne comme un double mécanisme symbolique d'inclusion et d'exclusion : inclusion d'une partie de la population d'un territoire ; exclusion des « autres », étrangers au sens propre comme étrangers « de l'intérieur », qui « ne sont pas » du peuple.

L'attachement à la modernité occidentale constitue le deuxième trait essentiel de cette notion. La notion de peuple n'a cessé de voir ses usages se multiplier et sa légitimité se renforcer depuis le xviiie siècle, lorsqu'il devint le « souverain » légitime des communautés politiques. La notion de peuple se trouve en effet au cœur des principales ruptures symboliques, politiques et institutionnelles de la période : désacralisation de l'autorité fondée sur la monarchie d'essence divine au profit d'un corps politique séculier ; affirmation d'un égalitarisme de principe, sinon de fait, à partir duquel toute organisation et toute forme de légitimité sont définies et garanties. Par là même, dès cette époque, le peuple devient le fondement d'une mystique de substitution, l'artefact populaire remplaçant la source divine du pouvoir.

Ces deux propriétés principales (caractère rhétorique, figure de la modernité) ne donnent cependant que des indications indirectes sur le contenu de la notion, qui dépend encore une fois pour l'essentiel des usages qui en sont faits. Car le peuple présente cette caractéristique supplémentaire d'être une figure universelle qui s'associe dans le même temps à l'affirmation parfois radicale de la particularité d'une communauté sociale et politique donnée. D'où l'importance des usages associés à cette notion, dont on peut considérer qu'ils s'insèrent dans trois « univers de sens » distincts : le peuple-souverain pour l'acception politique ; le peuple-classe dans une dimension sociale ; le peuple-nation dans une perspective plus culturelle et identitaire.

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Écrit par

  • : professeur des Universités, science politique, Sciences Po, Grenoble

Classification

Pour citer cet article

Yves SUREL. PEUPLE NOTION DE [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Autres références

  • AUTODÉTERMINATION

    • Écrit par Élise FÉRON
    • 1 276 mots

    Le mot « autodétermination » se réfère tant aux acquis de la philosophie qu'à ceux du droit international. En termes philosophiques, il désigne la possibilité pour un individu de choisir librement sa conduite et ses opinions, hors de toute pression extérieure. En droit international, ce terme renvoie...

  • DÉMOCRATIE

    • Écrit par Daniel GAXIE
    • 10 324 mots
    • 3 médias
    ...officiellement définis comme démocratiques que de leur analyse. Ainsi, si l'on en croit Joseph Schumpeter, il est difficile qu'un système politique agisse dans « l'intérêt du peuple ». Il faudrait pour cela postuler que tous les membres du « peuple » n'ont que des intérêts communs et que...
  • LA DÉMOCRATIE INACHEVÉE (P. Rosanvallon) - Fiche de lecture

    • Écrit par Bernard VALADE
    • 992 mots

    Après Le Sacre du citoyen (1992) et Le Peuple introuvable (1998),c'est-à-dire après son histoire du suffrage universel et son histoire de la représentation démocratique, Pierre Rosanvallon aborde, dans La Démocratie inachevée (Gallimard, 2000), le problème de la souveraineté du peuple...

  • POPULISME

    • Écrit par Pierre-André TAGUIEFF
    • 10 918 mots
    • 9 médias
    ...inquiétantes. Il ne faut cependant pas oublier l’existence des populismes de gauche, qui mêlent des revendications sociales à des thèmes renvoyant à la souveraineté du peuple, censée être confisquée ou dénaturée par les élites dirigeantes, jugées « coupées du peuple ». Les populistes de gauche privilégient...

Voir aussi