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NAZISME

Politique de puissance et économie de guerre

Volontarisme, héroïsme sacrificiel, volonté « d’acier » : tous les poncifs nazis disent cette tension vers la guerre qui est inscrite au fondement de cette culture politique réactionnaire, biologisante et belliciste. La guerre désigne tout d’abord le légitime combat contre le traité de Versailles : Hitler le répète depuis 1919 : l’ordre versaillais, qualifié de « diktat », doit être mis à bas, et l’Allemagne doit redevenir une grande puissance. Ce faisant, il flatte le corps des officiers de la Reichswehr, très réservés au départ à son égard, qu’il rallie par ses projets militaires et par le renforcement d’une armée allemande dont la croissance est nécessairement gage de carrières prometteuses et d’avancements accélérés.

Cette politique de puissance (Machtpolitik) comble également d’aise les milieux patronaux allemands, qui ne savent comment répondre aux commandes massives d’acier, de charbon, de caoutchouc, d’essence synthétique et de composants électriques. Ce sont tous les fleurons de la première et de la seconde révolution industrielle allemande qui sont ainsi sollicités : sidérurgie et chimie, industries mécanique et électrique, construction automobile et aéronautique, chantiers navals doivent ainsi répondre à l’immense effort de réarmement allemand, pour leur plus grand profit. Les inquiétudes très orthodoxes, anti-inflationnistes et attentives à l’équilibre budgétaire de la Reichsbank et du ministère des Finances du Reich ne pèsent rien face aux ambitions nazies. Pour un Göring, responsable du « Plan de quatre ans » depuis 1936, il est clair que ces dépenses massives sont gagées, à crédit, sur les spoliations imposées à la communauté juive allemande, puis autrichienne et tchèque, ainsi que sur les prédations futures ‒ les prélèvements qui seront imposés aux territoires conquis.

C’est à crédit également qu’est financée une politique fiscale et sociale très généreuse envers les membres de la « communauté du peuple », qui doit venir panser les plaies des humiliations nationales subies depuis 1918. Les ouvriers allemands, qui ont fait l’expérience de la faim pendant la Grande Guerre, de la misère causée par l’hyperinflation de 1923 et à nouveau par la Grande Dépression de 1929, sont particulièrement soignés. Si le réarmement se fait au détriment de la production des biens de consommation, le pouvoir nazi veut très clairement rattraper un niveau de vie américain : l’objectif est, à terme, une société industrielle, automobile et consommatrice. En attendant, le N.S.D.A.P. veille aux loisirs des « camarades du peuple » (Volksgenossen) : week-ends, sorties au théâtre, concerts et quinzaines de vacances à bord de paquebots qui croisent dans les fjords sont offerts par l’organisation Kraft durch Freude (KdF, « Force par la Joie »), sorte de gigantesque comité d’entreprise du IIIe Reich, qui fait construire des navires de croisière (à l’instar du paquebot Wilhelm-Gustloff) et d’immenses résidences hôtelières, comme le complexe de Prora-Rügen sur la Baltique. C’est à cela que se résume le « socialisme » du nazisme : un confort matériel plus grand pour les masses, et une identité renforcée : les Volksdeutsche « Allemands par le peuple » séparés du Reich, authentiques « Germains », sont exaltés comme étant le sel de la terre, la future « race des seigneurs » (Herrenrasse).

Défilé nazi, 1938 - crédits : Berliner Verlag/ Archiv/ picture alliance/ Getty Images

Défilé nazi, 1938

Parallèlement, les organisations du parti tentent de repérer les cadres de demain : la Hitlerjugend (Jeunesse hitlérienne) envoie ainsi dans un réseau d’écoles nouvelles ‒ « Instituts d’éducation nationale-politique » (Nationalpolitische Lehranstalt, ou Napolas) et Adolf-Hitler-Schulen (Écoles Adolf Hitler) ‒, de jeunes garçons talentueux, soumis à un entraînement spartiate. Quelques promotions sociales sont en marche, même si ces[...]

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Écrit par

  • : professeur des Universités, université de Paris-III-Sorbonne nouvelle

Classification

Pour citer cet article

Johann CHAPOUTOT. NAZISME [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Médias

Boycott anti-juifs, Allemagne, 1933 - crédits : Hulton-Deutsch/ Hulton-Deutsch Collection/ Corbis Historical/ Getty Images

Boycott anti-juifs, Allemagne, 1933

Défilé nazi, 1938 - crédits : Berliner Verlag/ Archiv/ picture alliance/ Getty Images

Défilé nazi, 1938

Autres références

  • ACCESSION D'HITLER AU POUVOIR

    • Écrit par Sylvain VENAYRE
    • 209 mots
    • 1 média

    Le 30 janvier 1933, Adolf Hitler est nommé chancelier, dans la légalité républicaine définie par la Constitution de Weimar. À ce moment-là, son parti, le Parti ouvrier allemand national-socialiste (N.S.D.A.P.) ou Parti « nazi » qui veut tenter, après Mussolini, une synthèse du nationalisme...

  • ALLEMAGNE (Histoire) - Allemagne moderne et contemporaine

    • Écrit par Michel EUDE, Alfred GROSSER
    • 26 883 mots
    • 39 médias
    ...libérales rassurés par une monnaie stable. Mais, en 1930, le marasme économique va avoir sur la majeure partie de la bourgeoisie une influence décisive. Le trouble et l'incertitude où se débat l'Allemagne la poussent vers le national-socialisme, seul capable à ses yeux de faire sortir l'Allemagne d'une...
  • ALLEMAGNE (Politique et économie depuis 1949) - République démocratique allemande

    • Écrit par Georges CASTELLAN, Rita THALMANN
    • 19 516 mots
    • 6 médias
    ...la musique rock allait, dans certains cas, jusqu'à des manifestations publiques, voire l'émergence de skinheads scandant des slogans néo- nazis et antisémites. À cette situation inimaginable auparavant répondit une réflexion critique d'intellectuels, comme l'écrivain Stefan Hermlin qui avait...
  • ALLEMAGNE (Politique et économie depuis 1949) - République fédérale d'Allemagne jusqu'à la réunification

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    ...quelques soldats de la Waffen-S.S. Toute une polémique éclate au milieu des années 1980 entre les historiens allemands sur la singularité des crimes nazis et sur l'opportunité de les comparer à ceux commis en d'autres lieux et en d'autres temps (notamment les crimes de Staline). Le président du Bundestag,...
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Voir aussi