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NATURALISME, notion de

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Une diffusion européenne

Autour de Zola, un cénacle se constitue, dont les membres publient en 1880 un recueil-manifeste, Les Soirées de Médan. Les principaux membres en sont les journalistes Henry Céard (Une belle journée,1881) et Paul Alexis, ainsi que Léon Hennique (Pœuf,1887) et Guy de Maupassant (La Maison Tellier,1881). Quelques auteurs, tels que Joris-Karl Huysmans finiront par rompre avec les conventions du mouvement, après avoir écrit des romans purement naturalistes (Les Sœurs Vatard,1879). On compte aussi Alphonse Daudet (Numa Roumestan, 1881), Octave Mirbeau, Robert Caze ou Jules Vallès parmi les figures en marge de ce cercle médaniste. Ce courant connaît également de nombreux détracteurs, qui lui reprochent entre autres ce qu'ils estiment être sa complaisance pour l'obscénité et l'ordure. Les choix esthétiques de Zola, qui affirme pourtant n'être poussé que par « l'unique curiosité de l'observateur » (Mes Haines, 1866), ont fait scandale. On reproche aussi au naturalisme le systématisme de sa démarche scientifique. En fait, l'écrivain naturaliste cherche davantage à créer l'illusion qu'à reproduire fidèlement le réel comme le souligne Maupassant dans la Préface de Pierre et Jean (1888). Zola lui-même ne considère pas le naturalisme comme une soumission absolue au réel ; la société est observée à travers le prisme d'une subjectivité, qu'il compare à un « écran » (lettre à Anthony Valabrègue, 1864), même s'il est « un simple verre à vitre, très mince, très clair ».

Si le roman est le genre naturaliste par excellence, les théories de Zola ont aussi influencé le théâtre. Le metteur en scène André Antoine (notamment avec William Busnach et Octave Gastineau) transpose à la scène les Rougon-Macquart à partir de 1887 : il cherche à imposer une scénographie plus proche du réel, soutenue par des innovations techniques (l'exploitation du trompe-l'œil, du « praticable » et de l'électricité), pour affranchir le théâtre de bienséances et de conventions artificielles ou morales. Le jeu des acteurs se veut aussi plus naturel. Henri Becque, malgré des rapports fluctuants avec le groupe naturaliste, réalise, du point de vue de l'observation sociale, une forme de naturalisme théâtral (Les Corbeaux, 1882), plus proche des idées du mouvement que le théâtre satirique d'Octave Mirbeau ; le « roman musical » de Gustave CharpentierLouise (1900) est, avec les œuvres d'Alfred Bruneau, une adaptation des préoccupations naturalistes à l'opéra.

Le succès du théâtre d'Henrik Ibsen (Maison de poupée, 1879) et de celui d'August Strindberg (Mademoiselle Julie, 1888), qui rencontrent des thématiques propres au naturalisme,permet de s'interroger plus largement sur l'existence d'un naturalisme européen. En Allemagne, une distinction nette s'opère entre Realismus et Naturalismus : ce dernier terme est employé dans un sens péjoratif, stigmatisant un courant littéraire qui se complaît dans la laideur. Néanmoins, on a tendance aujourd'hui à considérer Thomas Mann comme un auteur naturaliste, notamment pour son roman LesBuddenbrook(1901) dont la construction suit l'évolution et la déchéance progressive d'une famille sur trois générations. En Italie, le naturalisme est concurrencé par le vérisme. Ce mouvement, proche du modèle zolien dans son souci d'observer et d'analyser la réalité sociale (Giovanni Verga, Les Malavoglia,1881),rejette néanmoins la notion de déterminisme biologique.

Au xxe siècle, on assiste à une valorisation progressive de la dimension épique et symbolique de l'univers naturaliste. Gide et Cocteau rendent hommage à Zola, espérant « convaincre que ce grand réaliste était un poète » (Cocteau, « Zola le poète », in Les Cahiers[...]

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Écrit par

  • : professeur agrégé de l'Université (lettres modernes), doctorante en études théâtrales à l'université de Paris-X

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Pour citer cet article

Florence FILIPPI. NATURALISME, notion de [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Article mis en ligne le et modifié le 12/04/2017