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NATION La construction nationale

Le rôle de l'État

Il serait facile, à ce stade de la construction nationale, de comparer la nationalité diffuse, en voie de durcissement en nation plus ou moins stabilisée dans ses structures, à un ciment plus ou moins lent ou rapide à « prendre » et dont les fers internes seraient le parti et le coffrage extérieur serait l'État.

Ce « coffrage », lui, a probablement, et jusqu'à l'hypothétique « dissolution de l'État », toute chance de demeurer permanent. Au cours des trois vagues, le rôle de l'État fut prépondérant.

On citera des exceptions, qui ne manquent pas, cependant, de laisser paraître, plus souterraine ou plus actuelle, l'action de l'État. La « nation » polonaise s'est maintenue, malgré ses partages en trois États ; mais ces États étaient étrangers et, par ce caractère même, contribuaient à durcir le ciment national autour des fers internes de la classe politique polonaise, sinon des partis, du moins des groupes idéologico-religieux polonais. Les États-Unis sont nés, comme l'indique leur dénomination même, sur la base de l'État, mais une « nation » – anglo-saxonne et protestante – préexistait à l'union qui, par la suite, en fonction des immigrations allogènes, dut construire une nouvelle nation qui est encore – on ne le voit pas assez – « en train de se faire » au travers de l'État. La France est une troisième exception, « nation éternelle » aux « frontières naturelles », accomplissant, per Francos, gesta Dei ; toutefois cette nation, aux accidents multiples, aux divergences sans cesse renouvelées, n'a pu entamer si tôt le processus historique de « construction » que par la volonté permanente de l'État, assurée à travers monarchies, empires, républiques. Depuis trois siècles, c'est bien l'État qui, partout, a fait d'abord apparaître au grand jour un sentiment ethniquement diffus, qui a catalysé ensuite les tendances nationalitaires souvent divergentes, qui a durci enfin, autant que faire se peut, le noyau de la nébuleuse nationale.

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Écrit par

  • : professeur à la faculté des lettres et sciences humaines de Bordeaux

Classification

Pour citer cet article

Émile SICARD. NATION - La construction nationale [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Média

Julius Nyerere et l'indépendance du Tanganyika (1961) - crédits : Keystone/ Hulton Archive/ Getty Images

Julius Nyerere et l'indépendance du Tanganyika (1961)

Autres références

  • LA CRÉATION DES IDENTITÉS NATIONALES (A.-M. Thiesse)

    • Écrit par Pierre MILZA
    • 981 mots

    Que l'idée de nation et le sentiment identitaire qui s'y rattache soient non pas des faits « naturels » mais des constructions de l'esprit, apparues au début de l'ère industrielle, il est peu d'historiens aujourd'hui pour le nier. Les Français ne furent certainement ni les premiers ni les plus ardents...

  • AFRIQUE (conflits contemporains)

    • Écrit par René OTAYEK
    • 4 953 mots
    • 4 médias
    Le passage de l'État colonial à l'État postcolonial ne marque aucune rupture en la matière. Certes, l'heure est à la construction de la nation, objectif proclamé de ces mêmes élites qui héritent des rênes du pouvoir. La stigmatisation du tribalisme associée à la délégitimation des appartenances...
  • ALLEMAGNE (Géographie) - Géographie économique et régionale

    • Écrit par Guillaume LACQUEMENT
    • 12 044 mots
    • 9 médias
    ...Deutscher Reich de Bismarck (en 1871). Mais la conscience de former un peuple s'affirme précocement en dépit et au-delà du morcellement des États territoriaux. L'idée de nation se nourrit dès le Moyen Âge de la résurrection du passé germanique à travers les grandes chansons de geste du cycle de Siegfried et de...
  • ANDERSON BENEDICT (1936-2015)

    • Écrit par Universalis
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    L’historien et politologue irlandais Benedict Anderson tient une place importante dans l’historiographie anglo-saxonne pour ses travaux sur les origines du nationalisme.

    Benedict Richard O’Gorman Anderson est né le 26 août 1936 à Kunming, dans le sud de la Chine, où son père occupe un poste au Bureau...

  • ARABISME

    • Écrit par Universalis, Maxime RODINSON
    • 5 530 mots
    • 6 médias
    Le nationalisme arabe s'est forgé une idéologie, comportant une théorie fondamentale de la nation – et de la nation arabe –, théorie constituée en fonction des aspirations spontanées et des problèmes politiques pratiques posés par la situation des peuples arabes. Aux théories européennes sur la nation,...
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