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MYSTIQUE

La mystique et les religions

<it>Le Mariage mystique de sainte Catherine de Sienne</it>, Fra Bartolomeo della Porta - crédits : Peter Willi/  Bridgeman Images

Le Mariage mystique de sainte Catherine de Sienne, Fra Bartolomeo della Porta

En 1941, René Daumal écrivait : « Je viens de lire successivement des textes sur la bhakti, des citations d'auteurs hassidiques et un passage de saint François d'Assise ; j'y joins quelques paroles bouddhistes et je suis encore une fois frappé de ce que c'est la même chose » (La Mystique et les mystiques). Mais ce singulier de la mystique, opposé au pluriel des religions, n'est-il pas dû au fait qu'il s'agissait du même lecteur ?

D'une part, il n'existe aucun lieu d'observation d'où il soit possible d'envisager la mystique indépendamment des traditions socioculturelles ou religieuses, et donc de préciser « objectivement » le rapport qu'elle entretient avec ces traditions. Il n'y a pas, pour la « considérer », un point de vue de Sirius. Toute analyse occidentale est située, qu'elle le veuille ou non, dans le contexte d'une culture marquée par le christianisme. D'autre part, la mystique implique, dans la science comme dans l'expérience occidentales, une mise à distance des inféodations ecclésiales. Elle désigne l'unité d'une réaction moderne et profane devant les institutions sacrées. Ces deux coordonnées déterminent le site d'une réflexion actuelle sur la mystique et les religions.

La pluralité des structures religieuses

Les travaux asiatiques ou africains, même s'ils portent également sur la mystique, restaurent la pluralité lorsqu'ils réinterprètent la mystique occidentale en fonction de références qui leur sont propres. Cette distance entre des analyses hétéronomes fait apparaître les différences qui spécifient des traditions entières et qui peuvent être classées selon trois types de critères.

Le rapport au temps est, d'abord, décisif. Il distingue une tradition occidentale d'origine chrétienne, fondée sur un événement et donc sur la pluralité de l'histoire. L'Antiquité, ou la civilisation hindoue, présente une forme de mystique plus « hénologique », caractérisée par la remontée vers l'Un, ou par la porosité du monde : l'histoire est ouverte à la réalité immanente qu'elle recouvre d'apparences. Des théologies correspondent à cette différence : l'une plaçant au cœur du mystère une Trinité ; établissant du moins, entre Dieu et l'homme, la coupure de la création et tenant une communauté pour la forme privilégiée de la manifestation ; l'autre, orientée par le soleil d'un Principe unique, annonçant dans tout être la diffusion de l'Être et destinant chacun à la non-distinction ultime.

En deuxième lieu, les traditions qui se réfèrent à une Écriture se différencient de celles qui donnent le primat à la Voix. Il y a ici (trop peu évoquée, parce qu'elle récuse elle-même le nom de « mystique ») une spiritualité de la Loi, qui jette, entre la transcendance de Dieu et la fidélité du serviteur, la barrière d'une « lettre » à observer : mystique juive du Psaume CVIII, mystique née d'une pudeur qui refuse à l'homme la prétention à « devenir Dieu » et qui établit des « fils » dans l'amour révérentiel du Père. Toute une tradition protestante maintient cette inaccessibilité du Dieu promis, mais non donné à des croyants, lesquels sont appelés mais non pas justifiés. À cette tendance s'oppose une mystique de la Voix, c'est-à-dire d'une présence qui se donne dans ses signes humains et qui élève toute la communication interhumaine en l'investissant réellement.

Enfin, les expériences et les doctrines se distinguent selon la priorité qu'elles accordent à la vision (contemplation) ou à la parole. Le premier courant met l'accent sur la connaissance, la radicalité de l'exil, les initiations inconscientes qui libèrent de la conscience, l'inhabitation du silence, la[...]

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Écrit par

  • : directeur d'études à l'École des hautes études en sciences sociales

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Médias

Romain Rolland - crédits : Keystone-France/ Gamma-Rapho/ Getty Images

Romain Rolland

<it>Le Mariage mystique de sainte Catherine de Sienne</it>, Fra Bartolomeo della Porta - crédits : Peter Willi/  Bridgeman Images

Le Mariage mystique de sainte Catherine de Sienne, Fra Bartolomeo della Porta

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