Abonnez-vous à Universalis pour 1 euro

MUSÉES DES SCIENCES ET TECHNIQUES

Le vocable « musée de sciences » recouvre une très grande variété d'institutions qui ont beaucoup évolué au cours du temps dans leurs missions, leurs statuts et leurs publics.

La mission première des musées de sciences est bien de divulguer des savoirs scientifiques par une approche sensible et pédagogique. Mais si certains se sont créés avec comme objectif de toucher un large public, tels les grands centres de sciences, d'autres furent conçus en tant qu'organismes de recherche et d'enseignement dont une partie seulement est ouverte au public, comme les grands muséums d'histoire naturelle nationaux (Paris, Bruxelles, Berlin...). Certains rassemblent des collections constituées par des amateurs éclairés pour l'usage d'autres savants, d'autres enfin présentent la science dans sa contextualité, et ses enjeux, sans le support de collections.

Abonnez-vous à Universalis pour 1 euro

Cette grande diversité vaut également pour les champs disciplinaires et les centres d'intérêt, qui vont des sciences exactes aux sciences humaines et sociales, des objets de la vie quotidienne (écomusées, musées artisanaux) aux musées de sites industriels (comme le Centre historique minier de Lewarde).

Si on s'arrête à la définition du musée communément admise qui est de conserver des collections, de les documenter par un travail de recherche et de les valoriser auprès d'un public, on risque d'exclure les centres de sciences comme l'Exploratorium de San Francisco aux États-Unis inauguré en 1969 ou les centres de culture scientifique, technique et industrielle (CCSTI), telle la Casemate à Grenoble créée en 1979. Bien que dépourvus de collections patrimoniales, ils n'en partagent pas moins avec les musées la mission de vulgarisation et la présentation d'expositions. Nous les assimilons ici aux musées de sciences, car l'histoire nous en montre l'émergence dans une même dynamique d'évolution.

Les musées, les centres d'expérimentation, les galeries d'exposition ou les parcs à thèmes scientifiques ont néanmoins comme point commun le mode de diffusion des connaissances par le biais de supports fixes ou animés, virtuels ou tangibles, accessibles à des publics individuels, en famille ou en groupe, dans des lieux créés à cet effet. La médiation humaine y joue un grand rôle, et les modes de transmission des connaissances sont clairement distincts du système scolaire.

Abonnez-vous à Universalis pour 1 euro

Enfin, le plaisir, la « délectation » que le musée est censé susciter n'est pas forcément manifeste dans tous les musées de sciences. Ils doivent toutefois être un objectif à atteindre, une condition à remplir pour que le musée puisse accomplir sa mission éducative et réaliser ses objectifs de fréquentation.

Origine et croissance des musées de sciences

On attribue généralement à l'Ashmolean Museum le titre de plus ancien musée public. Fondé en 1683 au sein de l'université d'Oxford, il présentait des instruments scientifiques dans un but didactique. Alors que se développent cabinets de curiosités et Wunderkammern auprès des cours princières des xviie et xviiie siècles, on voit se dessiner ce qui deviendra le modèle du « conservatoire » sous la Révolution française, c'est-à-dire un lieu où on rassemble des objets, des animaux, des machines, des plantes... présentés selon une logique scientifique et que des visiteurs peuvent découvrir via ce qu'on appellera plus tard des médiateurs culturels, qui leur transmettent les connaissances par « le geste et la parole », pour paraphraser la formule d'André Leroi-Gourhan en 1964.

Les cabinets de curiosités des xviie et xviiie siècles reposaient généralement sur des approches personnelles de savants ou d'amateurs éclairés avides de montrer leurs richesses à leurs pairs. Quelques-uns de ces cabinets sont parvenus jusqu'à nous, comme la collection des Médicis, qui constitue le cœur du Museo Galileo, le musée d'histoire des sciences de Florence, ou encore le cabinet de Clément Lafaille au muséum d'Histoire naturelle de La Rochelle.

Abonnez-vous à Universalis pour 1 euro

La période révolutionnaire a représenté, pour les musées français, un tournant radical. Dans la dynamique de l'Encyclopédie de Diderot et d'Alembert, la volonté de créer un musée global regroupant les sciences, les arts et les métiers s'exprime alors, mais elle ne se concrétisera pas. Elle conduira toutefois à la création de trois structures distinctes, dont deux musées de sciences : le Muséum central des arts, fondé en 1793, deviendra le musée du Louvre ; le Muséum d'histoire naturelle verra le jour la même année sur la base et les lieux du Jardin du roi ; enfin, en 1794, sera créé le Conservatoire des arts et métiers. Ce conservatoire n'est au départ ni un musée ni un cabinet de physique, même s'il emprunte à ce dernier certains de ses principes pédagogiques. Cette nouvelle institution se veut avant tout un instrument d'encouragement à l'innovation fondé sur l'actualité, à l'attention d'une large population, technicienne ou non. Cette fondation s'inscrit dans le cadre d'une politique industrielle qui vise à doter la France de moyens techniques et pédagogiques propres à concurrencer sur le terrain industriel les autres pays européens, notamment l'Angleterre et les Pays-Bas.

Si ces projets « révolutionnaires » s'adressent en priorité aux spécialistes, afin de favoriser le progrès des sciences et des techniques, ils sont également ouverts aux curieux, aux artisans et aux familles. Ils inaugurent une tradition que les muséums, musées techniques et industriels, puis les Expositions universelles rendront de plus en plus effective et active tout au long du xixe siècle.

Ce siècle de la curiosité, porté par l'idée centrale de progrès humain, reste l'âge d'or de la constitution des grandes collections naturalistes et techniques. Si le Conservatoire des arts et métiers ne parvient pas à concrétiser le vœu de l'abbé Grégoire d'irriguer le territoire national de musées de l'innovation technique, les muséums d'histoire naturelle le feront largement. Plus d'une centaine de muséums verront ainsi le jour en France tout au long du xixe siècle, avec une période dense de création de 1820 à 1850, en accompagnant le mouvement scientifique de compréhension du monde du vivant : botanique, zoologie, paléontologie... La théorie de l'évolution des espèces, exposée par Charles Darwin en 1859, s'inscrira dans ce mouvement et engendrera un regain d'intérêt pour les muséums. Les explorateurs – naturalistes, missionnaires, curieux... – qui parcourent alors le monde ne se contentent pas d'en rapporter des spécimens ou des échantillons ; au contact de populations nouvellement découvertes, ils vont alimenter les muséums de collections ethnographiques qu'ils montreront et étudieront avec la même exigence que les collections de sciences naturelles. Les musées d'histoire naturelle de Lille, La Rochelle, Lyon ou Toulouse en témoignent aujourd'hui ; ainsi la démarche classificatoire du colonel et anthropologue Augustus Henry Pitt Rivers (1827-1900) en donne un exemple remarquable au Pitt Rivers Museum d'Oxford, qu'on peut toujours visiter dans sa muséographie presque originelle.

Abonnez-vous à Universalis pour 1 euro

En un sens, la dissociation actuelle entre sciences dures et sciences humaines ne revêt pas alors le même caractère tranché. Les expositions des produits de l'industrie de la première moitié du xixe siècle, qui ouvriront la voie aux Expositions universelles, mêlent arts décoratifs et produits industriels. La Great Exhibition of the Works of Industry of all Nations de Londres représentera en 1851 un nouveau tournant pour les musées de sciences. Si la fusion entre arts et sciences ne sera qu'un bref mariage de raison, avec la création du South Kensington Museum en 1857, scindé ensuite en deux entités distinctes – le Science Museum d'un côté et le Victoria and Albert Museum de l'autre –, il n'en reste pas moins que le musée de sciences londonien, se réclamant notamment du Conservatoire des arts et métiers parisien, s'imposera alors comme une référence internationale. En 1881, le Natural History Museum s'implantera dans le même périmètre de South Kensington.

Les Expositions universelles se succèdent alors à un rythme effréné dans la vieille Europe, puis aux États-Unis. Le public s'y presse en foule. Sciences et techniques sont, en cette fin de xixe siècle, l'objet d'une intense ferveur populaire, qui est animée par l'idée de progrès universel et propagée par les nombreuses publications de vulgarisation – en France, Louis Figuier (1819-1894) en est l'archétype, pour son large intérêt technique, scientifique, naturaliste et ethnographique.

Néanmoins, il ne faut pas occulter le fait que, comme ce fut le cas du conservatoire un siècle plus tôt, les Expositions universelles ont une mission de promotion nationale marquée ; les musées techniques s'inscriront dans cette démarche. Le Deutsches Museum, créé en 1903 par l'ingénieur Oskar von Miller (1855-1934), en témoigne par sa dénomination même : Deutsches Museum von Meisterwerken der Naturwissenschaft und Technik (littéralement, « musée allemand des chefs-d'œuvre des sciences naturelles et des techniques »). Largement tourné vers la culture technique, il deviendra à son tour le modèle de nombreux musées du xxe siècle : Milan, Copenhague, Prague, etc.

Accédez à l'intégralité de nos articles

  • Des contenus variés, complets et fiables
  • Accessible sur tous les écrans
  • Pas de publicité

Découvrez nos offres

Déjà abonné ? Se connecter

Écrit par

  • : conservateur en chef honoraire du patrimoine

Classification

Autres références

  • CITÉ DES SCIENCES ET DE L'INDUSTRIE

    • Écrit par
    • 1 715 mots
    • 2 médias

    Située dans le xixe arrondissement de Paris, au sein du parc de la Villette, la Cité des sciences et de l’industrie a été inaugurée le 13 mars 1986 par le président François Mitterrand. Englobant alors la Géode – ouverte aux spectateurs un an auparavant –, elle constitue une institution majeure...

  • ÉCOMUSÉES INDUSTRIELS

    • Écrit par
    • 2 510 mots

    L'hypothèse est dans l'air aujourd'hui d'une crise durable de fréquentation des musées. Le tassement ou la baisse de la clientèle tiendraient à plusieurs facteurs : la difficulté pour un musée de se renouveler, puisque par définition il vit sur des collections qui ne peuvent...

  • LEWARDE CENTRE HISTORIQUE MINIER DE

    • Écrit par
    • 874 mots

    Le Centre historique de Lewarde se situe au cœur du bassin minier, à quelques kilomètres de Douai, dans le Nord. Installé sur le carreau de l'ancienne fosse Delloye, fermée en 1971, il en réutilise les 7 000 mètres carrés de bâtiments et de superstructures, sur un site de huit hectares....

  • MUSÉE DES ARTS ET MÉTIERS, Paris

    • Écrit par
    • 1 540 mots
    • 1 média

    Le musée des Arts et Métiers, une des composantes du Conservatoire national des arts et métiers (CNAM), est l’un des plus anciens et des plus riches musées techniques et industriels du monde. Créé en 1794 sous la Révolution française et installé depuis 1800 dans l’ancien prieuré de Saint-Martin-des-Champs,...

  • Afficher les 9 références

Voir aussi