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LEWIS JOHN (1920-2001)

Au-delà des polémiques parfois violentes dont il a été l'objet, John Lewis demeure l'un des plus irrésistibles poètes du clavier que le jazz ait connus. Son parcours est pourtant bien étrange : né à la musique au plus fort des éclats contestataires du be-bop, ce pianiste intense et secret a manqué perdre son âme dans la contemplation de la musique savante et dans l'illusoire tentative de réunir l'univers classique et celui de l'improvisation dans des œuvres composites.

John Aaron Lewis naît le 3 mai 1920 à La Grange (Illinois) et grandit à Albuquerque (Nouveau-Mexique). Sa famille, qui appartient à la bourgeoisie noire aisée, lui permet de mener de front des études d'anthropologie et de musique. Pendant son service militaire (1942-1945), il rencontre le batteur Kenny Clarke, qui l'incite à devenir musicien de jazz professionnel et le recommande très chaleureusement à Dizzy Gillespie. Ce dernier n'hésite pas à l'engager dans son big band (1946-1948), où il remplace un artiste au style diamétralement opposé, Thelonious Monk. À New York, il joue avec Charlie Parker (1947-1948) et Illinois Jacquet (1948-1949). En 1949, il rejoint le nonette de Miles Davis, pour qui il signe deux arrangements (Move et Rouge) et tient le piano sur une partie des plages réunies sous le titre devenu célèbre de Birth of the Cool.

En 1951, John Lewis entre au Milt Jackson Quartet qui deviendra, l'année suivante, le Modern Jazz Quartet, l'illustre MJQ. Il en sera le véritable directeur artistique et s'y révélera au sommet de son inspiration, jusqu'à sa dissolution, en 1974. Parallèlement, il vit une autre aventure. En compagnie du compositeur Gunther Schuller, il est l'un des principaux artisans du third-stream, le « troisième courant » : il s'agit de fondre musiques contemporaines venues d'Europe et jazz en des œuvres ouvertes aux instrumentistes de ces deux mondes esthétiques. Le MJQ s'y retrouve associé à des quatuors à cordes ou à des formations symphoniques. Parmi les pièces qu'il a écrites pour le MJQ, on citera Django (1960), la suite The Comedy (1962), les quatre pièces Versailles (1956), Three Windows (1957), Vendôme (1960) et Concorde (1963). John Lewis participe à la création de la Jazz And Classical Music Society ainsi que de l'Orchestra U.S.A. (1962-1965). Cet ambitieux œcuménisme musical ne parviendra cependant ni à produire d'incontestables chefs-d'œuvre, ni à marquer durablement l'évolution musicale de son temps.

John Lewis est rapidement cloué au pilori par les intégristes des deux bords. Qu'importe ! Il fonde en 1959 sa propre maison d'édition, où il publie ses partitions mais aussi celles de Don Ellis, Jimmy Giuffre, Jim Hall, André Hodeir, Lalo Schifrin, Gunther Schuller. Il organise à Lenox (Massachusetts) une école de jazz pendant les mois d'été tout en assumant les responsabilités de conseiller musical pour le festival de Monterey (1958-1982). Devenu responsable d'une collection de disques de jazz pour la firme Atlantic, il fait découvrir un artiste dont les conceptions semblent pourtant bien éloignées des siennes, Ornette Coleman. Véritable institution, il est honoré par un grand nombre de collèges, universités et conservatoires américains. Il reste l'accompagnateur parfait que réclament les plus grands jazzmen – Ben Webster, Charlie Mingus, Clifford Brown, Coleman Hawkins, Sonny Rollins, Stan Getz, Sonny Stitt, Barney Wilen, Christian Escoudé, Hank Jones... – mais aussi des vedettes de variétés comme Sacha Distel. En 1981, il prend la tête d'un nouveau quartette mais ne résiste pas à l'envie d'enregistrer quelques grandes œuvres du répertoire classique, dont ce Clavier bien tempéré de Jean-Sébastien Bach qui le fascine depuis si longtemps (1984). Il joue avec un sextette, le John Lewis[...]

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Pierre BRETON. LEWIS JOHN (1920-2001) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

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