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CONSTABLE JOHN (1776-1837)

Un répertoire restreint de thèmes

Au moment où Constable parvient à l'âge adulte, le goût du paysage – réel ou représenté – est très vif dans le public : peintres amateurs et professionnels sillonnent le pays en quête de scènes « sublimes » ou simplement « pittoresques ». Constable sacrifie d'abord à cette mode, et se rend en 1801 dans le Derbyshire, puis en 1806 dans la région des lacs, comme tous les grands aquarellistes anglais. Les œuvres qu'il en rapporte sont encore de qualité modeste, mais on y remarque déjà la simplification des grandes masses du paysage et le goût du clair-obscur.

Après 1809, le peintre choisit de plus en plus souvent ses sujets dans la vallée de la Stour, où il accumule chaque été des dessins au crayon et des aquarelles d'après nature. Il produit une éblouissante série d' esquisses à l'huile où il donne la mesure de son originalité. Par exemple, dans Le Moulin de Flatford vu d'une écluse sur la Stour (vers 1810) et Chalands sur la Stour (vers 1811), il refuse le pittoresque et peint des scènes ordinaires de la vie rurale : moulins, lentes rivières, champs et prairies. « La tâche du peintre, écrira-t-il en 1824, c'est de faire quelque chose avec rien ; ce faisant, il doit presque nécessairement devenir poète. » Ce qui distingue les œuvres de cette époque, c'est la liberté nouvelle de leur coloris, la luminosité du ciel et de l'eau, la fraîcheur des herbes mouillées dont l'éclat est marqué par de légères touches de blanc pur. En 1816, Constable se rend en voyage de noces dans le Dorset, et commence une série de marines représentant notamment la baie de Weymouth sous différents éclairages : les gris et les mauves du ciel et de la plage y vibrent en une harmonie subtile.

L'installation à Londres en 1816 marque de nouvelles ambitions : chaque année ou presque, le peintre va exposer à la Royal Academy de grandes toiles de plus de 1,80 m dont il attend à la fois la gloire et le profit. Ainsi verront le jour Le Char à foin (1821), la Vue de la Stour près de Dedham (1822) et le Saut du cheval (1825). Si ces œuvres paraissent aujourd'hui un peu « léchées », il faut songer aux exigences du public d'alors ; toujours est-il qu'elles traduisent avec succès la fascination du peintre pour « le bruit de l'eau s'échappant des biefs de moulin [...], les saules, les vieilles planches pourries, les poteaux gluants, les murs de briques »... Après 1820, tout en s'inspirant toujours très largement du Suffolk, Constable élargit la gamme de ses sujets à l'occasion de séjours à Salisbury chez son ami Fisher, et de villégiatures à Brighton. En 1819, sa famille déménage à Hampstead, banlieue agreste de Londres, où il réalisera de nombreuses esquisses.

Les lieux choisis, on le voit, sont toujours associés d'une manière ou d'une autre à sa vie personnelle ou familiale. La Cathédrale de Salisbury vue du jardin épiscopal (1823) apparaît comme une vision radieuse encadrée par une haute ogive de feuillages ; au premier plan, dans l'ombre, un plan d'eau immobile et une barrière entrouverte (que vient de franchir un couple) forment un seuil visuel qui permet au peintre de mieux rejeter en arrière le lumineux édifice. Brighton, que Constable détestait pour sa frivolité, avait été choisi comme lieu de villégiature pour sa femme en raison de la salubrité de son air. Dans sa grande toile La Jetée métallique de Brighton (1827), il montre la ville aussi peu que possible, et revient à un de ses thèmes favoris depuis Weymouth : le jeu des couleurs qui se répondent du ciel à la mer et à la plage. Constable a toujours considéré le ciel comme un élément fondamental du paysage : « Il serait difficile de citer un type de paysage où le ciel ne serait pas la note dominante, la mesure de l'espace et le véhicule principal[...]

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Écrit par

  • : professeur à l'université de Clermont-Ferrand-II-Blaise-Pascal

Classification

Pour citer cet article

Jacques CARRÉ. CONSTABLE JOHN (1776-1837) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Médias

<it>La Cathédrale de Salisbury vue du jardin épiscopal</it>, J. Constable - crédits :  Bridgeman Images

La Cathédrale de Salisbury vue du jardin épiscopal, J. Constable

Le Champ de blé, J. Constable - crédits : Erich Lessing/ AKG-images

Le Champ de blé, J. Constable

<it>Le Château de Hadleigh</it>, J. Constable - crédits :  Bridgeman Images

Le Château de Hadleigh, J. Constable

Autres références

  • LE CHAMP DE BLÉ (J. Constable)

    • Écrit par Barthélémy JOBERT
    • 209 mots
    • 1 média

    Le Champ de blé (National Gallery, Londres), peint en 1826 par John Constable (1776-1837), exposé la même année à Londres à la Royal Academy puis en 1827-1828 à Paris au Salon (sans y être beaucoup remarqué), est une des peintures les plus célèbres de Constable, et probablement la plus populaire...

  • JOHN CONSTABLE ET LA CAMPAGNE ANGLAISE - (repères chronologiques)

    • Écrit par Barthélémy JOBERT
    • 562 mots

    1776 Naissance de Constable à East Bergholt, dans le Suffolk, où son père est propriétaire, en particulier de moulins. Il grandit dans la vallée de la Stour, une petite rivière, où il habitera pendant longtemps à l'âge adulte, et d'où il tirera le sujet de certains de ses tableaux les plus célèbres...

  • LA PEINTURE DE PAYSAGE, John Constable - Fiche de lecture

    • Écrit par Barthélémy JOBERT
    • 975 mots
    • 1 média

    John Constable (1776-1837) consacra l'essentiel de sa carrière à la peinture de paysage. Il avait une connaissance approfondie de son histoire et de sa théorie : on a conservé la liste des livres qu'il possédait sur le sujet, et qui montrent l'ampleur de ses curiosités dans ce domaine. Mais relativement...

  • ANGLAIS (ART ET CULTURE) - Peinture

    • Écrit par Jacques CARRÉ, Barthélémy JOBERT
    • 8 176 mots
    • 12 médias
    Les deux grands maîtres du paysage anglais, John Constable (1776-1837) et William Turner (1775-1851), sont de la même génération, mais presque tout les sépare, du milieu social à la carrière professionnelle et du choix des thèmes à la technique picturale. Constable appartenait à la bourgeoisie rurale...
  • ANGLAIS (ART ET CULTURE) - Aquarelle

    • Écrit par Jacques CARRÉ
    • 3 840 mots
    • 2 médias
    C'est à John Robert Cozens et à John Constable que l'on doit les aquarelles les plus typiquement romantiques, dans la mesure où le paysage, et singulièrement le ciel, y est « le véhicule du sentiment », selon Constable. Certes, beaucoup d'œuvres de J. R. Cozens peuvent paraître caractéristiques de l'esthétique...
  • ROMANTISME

    • Écrit par Henri PEYRE, Henri ZERNER
    • 22 170 mots
    • 24 médias
    ...n'a pas fait partie de la confrérie mais suit des principes semblables. Pourtant, c'est dans la peinture anglaise que le romantisme s'est produit sous un tout autre aspect, avec une autorité qui a attiré l'attention de l'Europe artistique, grâce surtout à deux grands paysagistes :Constable et Turner.
  • GIRTIN THOMAS (1775-1802)

    • Écrit par Pierre GEORGEL
    • 496 mots

    Formé auprès de l'aquarelliste Edward Dayes, dont l'œuvre est bien représentatif de l'agréable tradition topographique du xviiie siècle, le peintre anglais Thomas Girtin va révolutionner cette dernière. Vers la même époque, en copiant et en coloriant des gravures d'après...

Voir aussi