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JIAN'AN [KIEN-NGAN] LES SEPT POÈTES DE LA PÉRIODE (196-220)

L'époque Jian'an est l'une des plus brillantes de l'histoire littéraire chinoise. On désigne sous ce nom le quart de siècle (196-220) au cours duquel s'effondra la domination, quatre fois séculaire, de la dynastie des Han et se prépara par les armes la constitution des trois États qui allaient se partager sa succession. L'un de ceux-ci, celui de Wei, devait se constituer à partir du fief de Cao Cao (155-220), le plus prestigieux des généraux du temps. Cao Pi (187-226), le fils de Cao Cao et le futur empereur Wen des Wei, mit à l'honneur dans son Lun wen, l'un des premiers ouvrages chinois de critique littéraire, sept écrivains de son temps : « Parmi nos hommes de lettres, il y a sept poètes, Kong Rong dit Wenju, de la principauté de Lu dans le Shandong, Chen Lin dit Kongzhang, de Guangling dans le Jiangsu, Wang Can dit Zhongxuan, de Shanyang dans le Shandong, Xu Gan dit Weichang, de Beihai dans le Shandong, Ruan Yu dit Yuanyu, de Chenliu dans le Henan, Ying Yang dit Delian, de Runan dans le Henan, et Liu Zhen dit Gonggan, de Dongping dans le Shandong, à qui rien n'échappe en matière de savoir, et qui ne doivent rien à personne en matière d'expression. Chacun pour sa part, ils se sont élancés dans la carrière, au galop de leurs bons destriers, et prétendent courir de front, d'une même allure. »

Le cénacle des Cao

La postérité s'est autorisée de ce témoignage pour imaginer un cénacle de sept talents réunis autour de leurs mécènes, Cao Cao et ses deux fils, Cao Pi (ou Cao Pei) déjà nommé et Cao Zhi (192-232), le plus brillant poète du temps. Sous cette forme, cependant, l'image tient davantage du symbole que de la réalité. Si l'on en croit le meilleur historien de cette époque, l'auteur du San Guo zhi, c'est après sa nomination comme vice-Premier ministre, survenue en 211, que Cao Pi réunit autour de lui plusieurs de ces écrivains. Or Kong Rong, dont le nom ouvre la liste du Lun wen, était mort en 208. L'admiration que lui portait Cao Pi n'avait pas pu sauver cet éminent confucianiste : il fut exécuté sur l'ordre de Cao Cao qu'exaspéraient ses sarcasmes et son mépris. Un autre des Sept, Ruan Yu, devait mourir en 212, et les cinq derniers en 217, quatre d'entre eux victimes d'une même épidémie. S'il est vrai que ces écrivains formèrent, à cinq ou à six sinon à sept, le noyau d'un cénacle littéraire, leur association n'a donc pu avoir qu'une existence éphémère. Comme, au reste, il n'a subsisté de leur œuvre que des débris, infimes ou médiocres pour plusieurs d'entre eux, leur renommée persistante ne s'explique que comme le signe d'une gloire qui les dépasse. Leur septaine symbolique rappelle que la renaissance littéraire de cette époque fut l'œuvre collective d'une large cour d'écrivains, que les Cao, dont le génie éclipsait d'ailleurs celui de leurs protégés, avaient découverts dans les provinces conquises et rassemblés à Ye, leur capitale.

Des modes nouvelles apparurent alors, qui témoignent de l'activité de ce milieu. Les lettrés prirent l'habitude d'échanger entre eux des poèmes, à propos de circonstances vécues. Cet usage allait devenir pour longtemps l'une des principales fonctions sociales de la poésie et favoriser l'épanouissement d'un thème littéraire d'avenir, celui de l'amitié. D'autre part, les poètes exercèrent souvent leur talent sur des thèmes imposés : de l'époque Jian'an datent plusieurs séries de poèmes composés sur un même sujet par des auteurs différents ; ces pièces furent probablement écrites lors de joutes poétiques, dans l'entourage des mécènes. La critique y trouve matière à de fructueuses comparaisons.

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Pour citer cet article

Jean-Pierre DIÉNY. JIAN'AN [KIEN-NGAN] LES SEPT POÈTES DE LA PÉRIODE (196-220) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Autres références

  • CAO PI [TS'AO P'I] ou CAO PEI [TS'AO P'EI] (187-226) empereur sous le nom de WENDI [WEN-TI] (220-226)

    • Écrit par Jean-Pierre DIÉNY
    • 402 mots

    À la mort de Cao Cao (220), le vainqueur de la guerre civile où sombra la dynastie des Han, Cao Pi (ou Cao Pei), son fils aîné, lui succéda comme roi de Wei et Premier ministre du dernier empereur des Han. Quelques mois plus tard, celui-ci renonçait à son trône en faveur de Cao Pi, qui fonda...

  • CAO ZHI [TS'AO TCHE] (192-232)

    • Écrit par Jean-Pierre DIÉNY
    • 1 385 mots
    ...désespoirs de son inaction forcée, la colère et le dépit que lui inspirent de mesquines persécutions. Cao Zhi peut passer pour le meilleur exemple de l'« esprit de Jian'an », de ce fameux kangkai, fait de générosité et d'énergie, mais aussi de sombres rancœurs. Cette passion véhémente flambe...

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