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ÉCHECS JEU D'

Vers l'automatisation des échecs

L'aspiration à une automatisation des échecs ne s'est d'abord traduite que par des récits de fiction puis par de pseudo-robots comme Turc qui, en 1809, gagna une partie à Napoléon Ier et dans lequel un joueur de petite taille pouvait se loger à l'insu du public. La première réalisation véritable – elle était électromécanique – est due à l'ingénieur espagnol Torres Quevedo (de 1900 à 1911), mais son champ était limité à la lutte R + T contre R. Toutefois, la possibilité de demander à une machine de jouer correctement et de bout en bout une partie d'échecs à partir de la position initiale pouvait paraître utopique. Les progrès rapides de l'électronique, de la théorie de l'information et de la logique mathématique devaient métamorphoser cette question et, sans la résoudre totalement, y faire, sur la base des travaux de Hartley, de Turing et de Shannon, des percées impressionnantes.

Il n'est toujours pas question de se contenter d'apprendre à un ordinateur la seule règle du jeu (marche des pièces, coups permis ou interdits, but de la partie, etc.) et de lui demander ensuite, dans une position un peu compliquée, d'explorer l'arbre entier des variantes pour en dégager avec certitude, selon une méthode que l'on appelle minimax, les coups justes. En partant de la position initiale, il faudrait inventorier un nombre de possibilités qui semble être de l'ordre de 101070 ! Mais on peut concevoir, et on a élaboré, des programmes contenant un certain nombre de principes fondamentaux appris des plus grands joueurs (cf. chap. 3, La théorie), ce qui réduit le balayage. En 1991, le meilleur couple programme-ordinateur était l'américain Deep Thought, qui fut opposé à plusieurs reprises à Gary Kasparov et à Anatoly Karpov, sans toutefois remporter une seule partie.

Cette automatisation des échecs à haut niveau avait débuté près de vingt ans plus tôt. En 1974, le programme soviétique Kaïssa avait remporté le premier Championnat du monde des ordinateurs. Chaos, Chess 4 et Tech 2, ses trois rivaux américains, étaient surclassés. C'était à l'image du jeu. Les plus talentueux des millions de joueurs formés aux échecs dans les écoles des pionniers de l'U.R.S.S. régnaient sur le titre mondial depuis 1948. Le triomphe de Bobby Fischer sur Boris Spassky, en 1972, ne fut qu'un intermède. Anatoli Karpov reprit le titre en 1975, pour ne le céder qu'à son compatriote Garry Kasparov en 1985. Un an plus tard, la société allemande ChessBase s'associait au nouveau champion du monde pour créer et vendre les premières bases de données de parties. Cette initiative allait avoir des conséquences majeures.

Ce fut d'abord la préparation des ouvertures qui commença à s'automatiser. Le principe est simple : on couple un programme de jeu à une base de données ; puis on réalise une recherche par ouvertures ou par nom. C'est ainsi que les joueurs analysent leurs ouvertures favorites et préparent des ripostes contre celles de leurs adversaires. ChessBase a numérisé des millions de parties jouées depuis des siècles, et les bases ne cessent de s'enrichir. Elles sont actualisées chaque jour et, grâce à Internet, sont consultables 24 heures sur 24, les parties jouées dans tous les tournois nationaux et internationaux étant numérisées et diffusées sur le Web. Cette surenchère a eu une conséquence assez inattendue. Désormais, pour une somme relativement modeste, chaque amateur peut disposer des mêmes outils informatiques que le champion du monde. Il en résulte, à tous les niveaux, une certaine paralysie du jeu. Certaines ouvertures ont été disséquées jusqu'à une profondeur extrême, parfois jusqu'au vingt-cinquième coup et plus. Si aucun des deux joueurs ne décide de créer un déséquilibre en sortant de la théorie et[...]

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Pour citer cet article

Universalis, François LE LIONNAIS et Jean-Michel PÉCHINÉ. ÉCHECS JEU D' [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Médias

Régions - crédits : Encyclopædia Universalis France

Régions

Échecs : noms et symboles des pièces - crédits : Encyclopædia Universalis France

Échecs : noms et symboles des pièces

Marche de la tour - crédits : Encyclopædia Universalis France

Marche de la tour

Autres références

  • AUTOMATE

    • Écrit par Jean-Claude BEAUNE, André DOYON, Lucien LIAIGRE
    • 6 648 mots
    • 2 médias
    ...terme, la cybernétique, théorie de l'action et des automates. L'automate le plus célèbre de la génération électromécanique, antérieure à l'électronique, est le Joueur d'échecs de l'Espagnol Torres y Quevedo : la partie apparente de cet automate est un échiquier où les blancs (que joue la machine)...
  • BOTVINNIK MIKHAÏL (1911-1995)

    • Écrit par Jacques ROTENBERG
    • 1 355 mots

    Premier champion du monde d'échecs soviétique, Mikhaïl (“Micha”) Moiseievitch Botvinnik naît le 17 août 1911 à Kokkouala, une banlieue de Saint-Pétersbourg, dans une famille juive pauvre. Dans son autobiographie Achieving the Aim, dont le titre pourrait se traduire par “Atteindre le...

  • DAMES JEU DE

    • Écrit par Thierry DEPAULIS
    • 1 843 mots
    • 2 médias
    ...livre A History of Board Games other than Chess (Oxford, 1952), il affirme que le jeu est né au xiie siècle, probablement dans le sud de la France. Un peu plus loin, il rappelle que le nom de dames a été emprunté au nom de la dame aux échecs, d'abord nommée fers ou fierge, puis dame à partir...
  • DEEP BLUE, superordinateur

    • Écrit par Pierre MOUNIER-KUHN
    • 1 076 mots
    • 1 média

    Conçu à partir de 1985 par l’université Carnegie-Mellon (Pennsylvanie) et la société IBM (International Business Machines Corporation), Deep Blue est un superordinateur spécialisé dans le jeu d’échecs. Cette machine à l’architecture dite massivement parallèle – constituée d’un grand nombre de processeurs...

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