JÉRÉMIE (env. 650-env. 587 av. J.-C.)
Jérémie, dont le nom signifie sans doute « Yahvé (c'est-à-dire le Dieu d'Israël) élève », est l'une des figures les plus attachantes du prophétisme biblique. Ce qui est remarquable chez lui, c'est sa grande sensibilité et le rôle que joue, tant dans son existence que dans son message, la vie intérieure. Il est le prophète du dialogue avec Dieu, comme l'attestent ses confessions, réparties aujourd'hui dans les chapitres xi à xx de son livre, ou encore le témoin de la religion personnelle. Le cœur, à la fois sentiment, réflexion et conscience, occupe dans ses déclarations une place prépondérante : Jérémie réclame sa conversion (Jér. iv, 1 sqq.), en découvre la perversité (Jér. xiii, 10,23 ; xvii, 9 sq.) et attend que Yahvé le transforme radicalement en instaurant une nouvelle alliance (Jér. xxxi, 31-34). Cet homme timide et tendre a été mêlé de près au drame qu'a vécu Jérusalem au début du vie siècle. Il a même été contraint de prendre parti publiquement, non seulement en annonçant à Juda l'imminence de la catastrophe, mais en exigeant la capitulation de la cité sainte devant l'envahisseur babylonien. Ni les railleries, ni les calomnies, ni les coups, ni les menaces de mort ne lui ont été alors épargnés, comme le rappelle son secrétaire Baruch.
Jérémie nous apparaît comme l'homme de douleurs, dont la vie a été marquée par une suite d'échecs, mais qui, par son attitude tout autant que par ses paroles, a contribué à intérioriser la religion de Yahvé, et a surtout permis à celle-ci de survivre au désastre de 587 en préparant ses frères à ne pas perdre confiance en leur Dieu en dépit d'une situation sans espoir. Avec le prophète Ezéchiel, presque son contemporain, il a ainsi assuré l'avenir de la tradition yahviste.
Une époque troublée
Jérémie est né dans une famille sacerdoctale à Anatot (territoire de Benjamin), non loin de Jérusalem, où il exerça son activité prophétique pendant près d'une quarantaine d'années. Cette époque fut particulièrement troublée. Profitant de l'affaiblissement de l'Assyrie, Josias (640-609) entreprit la restauration politique et religieuse du royaume de Juda et favorisa la réforme fondée sur le Deutéronome. Son œuvre fut brutalement interrompue par sa mort à Meguiddo, en 609, et ses sujets passèrent alors sous la domination de l'Égypte. Celle-ci ayant été vaincue en 605, à la bataille de Karkémish, par Nebucadnetsar (Nabuchodonosor), Jérusalem tomba sous l'obédience de Babylone. Son souverain, Yoyakim (609-597), un homme violent et cruel, se révolta et entraîna Juda dans une aventure qui finit par la prise de la cité de David en 597, suivie d'une première déportation qui frappa surtout la cour et l'élite de la nation. Ezéchiel fut au nombre des exilés. Sédécias (597-587), le dernier roi de Juda, un être sans caractère, chercha à son tour à se rendre indépendant sous la pression du parti nationaliste. Jérusalem fut bientôt occupée par les troupes babyloniennes, Sédécias châtié, le Temple incendié et une autre partie du peuple emmenée en captivité. Les Babyloniens établirent sur le pays conquis un gouverneur qui fut assassiné par des patriotes. Par crainte de représailles, un certain nombre de Judéens s'enfuirent en Égypte.
Jérémie intervint déjà sous le règne de Josias, puisque sa vocation date de 626 (Jér. i, 2). Il poursuivit son activité avec des difficultés croissantes au temps de Yoyakim ; sous Sédécias, il fut emprisonné, lors du siège de Jérusalem, et échappa de peu à la mort. Ses derniers oracles, postérieurs à 587, ont été prononcés sur le territoire égyptien, où le prophète fut entraîné de force. C'est là sans doute qu'il disparut ; une légende tardive veut qu'il soit mort martyr.
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Écrit par
- Robert MARTIN-ACHARD : professeur à l'université de Genève
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