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RASSAM JEAN-PIERRE (1942-1985)

Le producteur Jean-Pierre Rassam fut au début des années 1970 l'une des figures les plus dérangeantes du nouveau cinéma français.

Né à Beyrouth dans une famille d'origine syrienne, Jeean-Pierre Rassam réussit Science Po puis l'écrit de l'E.N.A., avant d'être recalé à l'oral. « Je n'avais pas le style fonctionnaire », expliquera-t-il plus tard. Sa vie d'artiste peut commencer pleinement. À l'instar de Henri Langlois, le fondateur de la Cinémathèque française, il choisit d'être, selon l'expression de Barbet Schroeder, « un créateur de film qui ne faisait pas de films ».

Après un court stage chez un producteur, Jean-Pierre Rassam fait ses premières armes avec celui qui vient d'épouser sa sœur Anne-Marie, le cinéaste et futur producteur-distributeur Claude Berri. Ensemble, ils ramènent de Prague envahie par les chars soviétiques les enfants de Milos Forman, dont ils vont tenter d'imposer en France le film Au feu les pompiers. Ils financent le premier film de Robert Benton, Bad Company, puis les deux premières œuvres de l'ami de toujours, le scénariste Gérard Brach : Le Bateau sur l'herbe (1971) et La Maison (1970) avec Michel Simon. Parce qu'il ne s'entendait plus avec Maurice Pialat, Claude Berri demande alors à Rassam de produire, seul, Nous ne vieillirons pas ensemble (1972). Le véritable producteur Jean-Pierre Rassam vient de naître. Par l'entremise de Pialat, il rencontre le comédien Jean Yanne dont il va produire les premiers films en tant que réalisateur : Tout le monde il est beau, tout le monde il est gentil (1972), refusé par l'ensemble de la profession pour sa violence anticapitaliste, puis Moi y'en a vouloir des sous (1973) et Les Chinois à Paris (1974). Proche de Jean-Luc Godard dont il soutient l'expérience vidéo grenobloise, Rassam produit Tout va bien (1972), co-réalisé avec Jean-Pierre Gorin, qui réunit en pleine période gauchiste Yves Montand et Jane Fonda.

Un soir, Marco Ferreri lui raconte l'histoire d'un film dont il rêve : quatre personnages se suicident en mangeant. « Rassam le Rouge », comme on disait alors, s'enflamme. Ce sera La Grande Bouffe (1973), nouveau succès et nouveau scandale, qui réunira Michel Piccoli, Marcello Mastroianni, Philippe Noiret et Ugo Tognazzi. Par la suite, le jeune producteur fréquente Coppola, produit Bresson (Lancelot du lac, 1974), aide Jean Eustache (La Maman et la putain, 1973) et tente même de sortir la télévision de ses sentiers battus (Idi Amin Dada, de Barbet Schroeder, 1974).

Au milieu des années 1970, avec un ancien camarade de classe, Nicolas Seydoux, un publicitaire, Daniel Toscan du Plantier, et l'appui financier d'un Jean Riboud compréhensif, Jean-Pierre Rassam organise le rachat de la Gaumont. Héritier de la famille Schlumberger, Nicolas Seydoux prend en main les commandes de la société – mais sans Jean-Pierre Rassam, que les actionnaires rejettent. Son déclin commence alors. Touche pas à la femme blanche (1974), western de Marco Ferreri tourné dans le trou des Halles, sera un gouffre financier. Rassam sombre dans la dépression et disparaît pendant plusieurs années. Il revient lentement à la production en 1979, au côté de son beau-frère Claude Berri, et participe à l'aventure du Tess de Roman Polanski, l'ami des débuts. Puis c'est Le Bon Roi Dagobert (1984) de Dino Risi, une co-production franco-italienne, avec Coluche et sur un scénario de Gérard Brach.

Jean-Pierre Rassam comparait la production à l'édition, et résumait ainsi le rapport qu'il entretenait avec les créateurs : « Est-ce que Gallimard dit à Sartre comment écrire ? »

— Vincent TOLEDANO

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Pour citer cet article

Vincent TOLEDANO. RASSAM JEAN-PIERRE (1942-1985) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Autres références

  • INGRID CAVEN (J.-J. Schuhl) - Fiche de lecture

    • Écrit par Aliette ARMEL
    • 1 038 mots

    Les prix littéraires sont porteurs de sens concernant leur époque. Certaines années, ils témoignent seulement d'une lassitude à l'égard d'une production un peu morose, calibrée en fonction de préoccupations extérieures à la littérature. Les jurys semblent alors s'abstenir de jouer leur rôle d'arbitres...

Voir aussi