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JOHNS JASPER (1930- )

Vers un raffinement accru

Depuis les années 1980, le repli sur la sphère individuelle s'est intensifié dans l'œuvre de l'artiste, avec la récurrence du motif privé de la salle de bains – lieu de la nudité à soi ? – et d'objets personnels souvent peints en trompe l'œil, mais toujours intégrés à une composition plane. Simultanément a commencé une phase rétrospective et autobiographique, où se mêlent, dans un raffinement extrême, histoire du moi et histoire de l'art, en des (auto)citations – drapeaux, hachures, Picasso, Grünewald – qui, souvent camouflées, sont à décrypter dans le plan de la toile. Il faut y lire les dernières hésitations d'un moi secret qui finit par « baisser la garde » (Johns) pour révéler son espace (pictural-culturel) intime. Double démarche esthétique et introspective synthétisée dans cette révélation que constituent les Seasons (1985-1986) : la silhouette grise du peintre, intégrée à quatre compositions de citations, évoque le regard rétrospectif de Johns sur les saisons d'une carrière d'artiste et d'homme, toujours solitaire dans l'espace ambigu et peuplé des images.

Ce jeu de citations et de références semble cependant avoir fini par lasser l'artiste, dont l'œuvre, depuis le début des années 1990, a pris un tournant différent. Si les autocitations et les références artistiques demeurent (peut-être), elles se sont opacifiées au point de ne plus pouvoir être identifiées. Johns a choisi de créer des images qui ne renverraient plus directement à des sources identifiables. À l'image de la peinture Green Angel (1990, Walker Art Center, Minneapolis), très représentative de ce nouveau registre, ses œuvres tentent désormais d'être des images dénuées de symboles qui ne feraient plus appel à une connaissance préalable – de son œuvre, de l'histoire de l'art... –, mais directement et uniquement à l'œil du spectateur.

Depuis les années 1990, d'importantes expositions ont été consacrées à l'artiste, qu'il s'agisse de grandes rétrospectives soulignant son rôle dans l'histoire de l'art (Jasper Johns, a Retrospective, 1996, MoMA, New York), ou bien d'expositions présentant des aspects moins connus (comme sa production de gravures) d'une œuvre toujours riche et foisonnante.

— Bertrand ROUGÉ

— Universalis

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Écrit par

  • : agrégé, docteur de troisième cycle, maître de conférences à l'université de Pau, directeur du Centre intercritique des arts du domaine anglophone
  • Universalis : services rédactionnels de l'Encyclopædia Universalis

Classification

Pour citer cet article

Universalis et Bertrand ROUGÉ. JOHNS JASPER (1930- ) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Média

Jasper Johns et Leo Castelli - crédits : Sam Falk/ New York Times Co./ Archive Photos/ Getty Images

Jasper Johns et Leo Castelli

Autres références

  • ÉTATS-UNIS D'AMÉRIQUE (Arts et culture) - Les arts plastiques

    • Écrit par François BRUNET, Éric de CHASSEY, Universalis, Erik VERHAGEN
    • 13 464 mots
    • 22 médias
    ...baie de San Francisco (Bay Area Figurative Art). Les plus critiques enfin, ceux qui connaîtront la postérité la plus grande à travers le pop art, Jasper Johns et Robert Rauschenberg, manifestent dans des tableaux peints à l'aide de matériaux trouvés et assemblés, recouverts souvent d'une peinture...
  • IMPERSONNALITÉ EN ART

    • Écrit par Daniel CHARLES
    • 1 118 mots

    L'idée d'impersonnalité renvoie d'abord à celle d'anonymat : il arrive qu'on ne sache quel nom mettre sous une toile ; on s'efforce alors de rattacher l'œuvre à un atelier, à une école, à une époque. C'est affaire d'attribution : les experts veillent, ne serait-ce que pour dépister les faussaires....

  • NEW YORK ÉCOLE DE

    • Écrit par Maïten BOUISSET
    • 1 578 mots
    • 1 média
    Une nouvelle génération, dont Robert Rauschenberg et Jasper Johns, pleinement consciente de l'autosatisfaction et du maniérisme dans lesquels sombraient les suiveurs de la première génération de l'école de New York, va remettre en question le mode d'expression lié à la révolte purement physique de...
  • POP ART

    • Écrit par Bertrand ROUGÉ
    • 3 816 mots
    • 3 médias
    Jasper Johns réintroduit le figuratif dans la peinture (Flag, 1954-1955). Drapeaux, cibles, cartes, plats comme la toile, sont déjà des signes : ils cernent les ambiguïtés de la peinture et contestent le lien entre abstraction et planéité picturale, considéré par le critique Clement Greenberg...

Voir aussi