JARDINS Sciences et techniques
Le végétal
La vocation du jardin à constituer une collection aux enjeux scientifiques et techniques s'est particulièrement traduite sur le plan de la sélection des plantes disponibles, dont l'éventail correspond à la notion de palette végétale et qui connaît une évolution étudiée par l'histoire de la botanique appliquée aux jardins. Ce champ de recherche a émergé à partir des années 1990. Si les jardins botaniques institutionnels sont par excellence les lieux d'inventaire et de classement de la flore connue, à des fins pharmaceutiques puis proprement taxonomiques à partir du xvii e siècle, le prestige associé à la culture d'espèces rares ou exotiques, que l'on rencontre déjà dans l'Égypte pharaonique et la Mésopotamie assyrienne, stimule aussi chez les puissants l'emploi de spécialistes et l'envoi d'expéditions. Les Médicis chargent le « jardinier-botaniste » flamand Jodocus De Goethuysen ou Joseph Godenhuize (dit Giuseppe Casabona ou Benincasa) de rapporter de Crète des espèces endémiques ; Antoine Richard explore la péninsule Ibérique et l'Afrique avant de s'occuper du Trianon de Louis XV sous la direction de Bernard de Jussieu, qui applique son propre système de classification dans ce jardin, dont la grande serre chaude attire savants et amateurs français et étrangers. L'intensification du « voyage des plantes » débouche sur des vagues successives d'introduction en Europe : bulbeuses de l'Empire ottoman à partir de 1560, arbres d'Amérique du Nord et fleurs sud-africaines au xviii e siècle, arbres et arbustes de l'hémisphère austral et de l'Extrême-Orient au xix e siècle... Les prospections furent encouragées par les sociétés concourant pour la production et l'exposition de nouvelles variétés et par le réseau commercial des pépiniéristes. La firme anglaise Loddiges possédait un tel assortiment de plantes qu'elle édita un périodique mensuel illustré de 1817 à 1833, The Botanical Cabinet.
Cette diversification du patrimoine floristique passe par la mise au point de procédés de transport – comme la serre scellée portative que Nathaniel Ward inventa vers 1830 – et le développement d'espaces abrités pour acclimater ou conserver les spécimens précieux et fragiles. Les orangeries de l'âge classique furent relayées dans la première moitié du xix e siècle par les serres à montants métalliques, développées sous l'impulsion de John Claudius Loudon, puis de Joseph Paxton, grâce à la maîtrise industrielle de la fabrication du fer, de la fonte et du verre. Aux méthodes traditionnelles de multiplication végétative – le bouturage et le greffage sont connus depuis l'Antiquité – s'adjoint au xviii e siècle l'hybridation, expérimentée dès lors que la reproduction sexuée des plantes a été mise en évidence. Tout un pan des techniques horticoles concerne en outre la conduite du végétal, agissant en fait sur la circulation de la sève, qu'il s'agisse d'améliorer la production comme pour le palissage et la taille des arbres fruitiers en espalier, forme promue par une véritable mode dans les potagers du xvii e siècle, ou d'obtenir des volumes ornementaux sculptés, objet de l'art topiaire hérité des jardins romains.
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Écrit par
- Hervé BRUNON : chargé de recherche au C.N.R.S., centre André-Chastel, Paris
- Monique MOSSER : ingénieur au C.N.R.S., enseignante à l'École nationale supérieure d'architecture de Versailles
Classification
Pour citer cet article
Hervé BRUNON, Monique MOSSER, « JARDINS - Sciences et techniques », Encyclopædia Universalis [en ligne], consulté le . URL :
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