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AUSTEN JANE (1775-1817)

Femme de lettres britannique, Jane Austen fut la première à faire entrer le roman dans l'ère de la modernité, en portant un regard nouveau sur la vie quotidienne des gens ordinaires. Dans les romans Sense and Sensibility (1811, Raison et sentiments), Pride and Prejudice (1813, Orgueil et préjugés), Mansfield Park (1814), Emma (1815), Northanger Abbey (1817, L'Abbaye de Northanger) et Persuasion (1817), elle dépeint en effet avec humour les mœurs de la bourgeoisie anglaise de son temps.

De l'univers provincial à la peinture des sentiments

Jane Austen - crédits : traveler1116/ DigitalVision Vectors/ Getty Images

Jane Austen

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Jane Austen naît le 16 décembre 1775, dans le village de Steventon (Hampshire), où son père, le révérend George Austen, est pasteur. Elle est la deuxième fille et le septième enfant d'une fratrie qui compte six garçons et deux filles. Sa sœur aînée, Cassandra, qui à son instar ne se mariera pas, demeurera jusqu'à la fin de sa vie sa plus proche confidente. Leur père, un érudit, encourage la soif de connaissance chez ses enfants. Leur mère, Cassandra (née Leigh), est une femme à l'esprit vif, connue pour les vers et les contes qu'elle improvise. Toute la famille nourrit une passion pour le théâtre et monte parfois des pièces.

Le cercle familial de Jane Austen, plein d'entrain et d'affection, va stimuler son écriture. L'expérience de la jeune femme s'étend par ailleurs bien au-delà de la paroisse de Steventon grâce à un large réseau de relations familiales et amicales. C'est cet univers – celui de la petite noblesse terrienne et du clergé de campagne, qu'elle rencontre dans son village, les environs et la ville de province, ainsi qu'à l'occasion de quelques séjours à Bath et à Londres – qui inspirera à Jane Austen les décors, les personnages et les intrigues de ses romans.

Les plus anciens écrits connus de Jane Austen datent de 1787 environ ; de cette année-là à 1793, elle remplit trois carnets dans lesquels elle puisera ensuite la matière de ses romans : Volume the First, Volume the Second et Volume the Third. Ces cahiers, rassemblés par la suite sous le titre Juvenilia, contiennent des pièces de théâtre, des vers, des romans courts et d'autres écrits en prose qui parodient les formes littéraires existantes, en particulier les romans sentimentaux. Ces premiers textes, marqués par leur gaieté exubérante et leur extravagance, laissent la place à une conception de la vie plus grave à partir de Lady Susan, court roman épistolaire écrit vers 1793-1794 et qui ne sera publié qu'en 1871. À travers le portrait de cette jeune veuve qui tente d'imposer ses vues à son entourage au point de signer sa perte sociale, Jane Austen analyse le sentiment de frustration et le destin d'une femme dans une société qui n'a que faire de son don quasi « masculin » pour la séduction et la manipulation.

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En 1802, Jane Austen, qui avait semble-t-il accepté dans un premier temps d'épouser Harris Bigg-Wither, héritier d'une famille du Hampshire âgé de vingt et un ans, change brusquement d'avis. Un certain nombre de récits contradictoires évoquent par ailleurs un jeune homme dont elle se serait éprise mais qui serait décédé peu de temps après. Sachant que les romans de Jane Austen évoquent longuement les questions de l'amour et du mariage, il n'est pas inutile de vouloir établir la véracité de ces relations sentimentales. Malheureusement, les certitudes à ce sujet restent insatisfaisantes et lacunaires. Cassandra protégea en effet jalousement la vie privée de sa sœur et, après la mort de cette dernière, censura les lettres qu'elle possédait, détruisant nombre d'entre elles et procédant à des coupures dans les autres.

Jane Austen commence vers 1795 Raison et sentiments sous la forme d'un roman épistolaire baptisé « Elinor and Marianne », d'après le nom de ses héroïnes. D'octobre 1796 à août 1797, elle achève la première version de Orgueil et préjugés, alors intitulé « First Impressions ». En 1797, son père propose l'ouvrage à un éditeur londonien, qui refuse de le publier. Jane Austen rédige L'Abbaye de Northanger, le dernier de ses romans de jeunesse, vers 1798 ou 1799, probablement sous le titre « Susan ». En 1803, l'éditeur Richard Crosby achète le manuscrit de « Susan » pour la somme de dix livres, et se montre désireux de le publier sans attendre. La parution est annoncée, mais ne se fera pas, sans raison connue.

Jusqu'alors, le village de Steventon avait fourni un cadre propice aux ambitions littéraires de Jane Austen. Cette stabilité connaît cependant un terme en 1801, quand George Austen, âgé de soixante-dix ans, se retire à Bath avec son épouse et ses filles. Pendant huit ans, Jane Austen ne connaît pas le repos, déménageant d'un logement provisoire à un autre et rendant visite à ses proches installés à Bath, Londres, Clifton (Warwickshire) et, enfin, Southampton, où elle vit avec sa mère et sa sœur de 1805 à 1809. En 1804, Jane Austen commence The Watsons, mais abandonne rapidement ce manuscrit. La même année, son amie Anne Lefroy meurt subitement, tandis que son père décède à Bath en janvier 1805.

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En 1809 enfin, son frère Edward installe sa mère et ses sœurs dans un grand cottage du village de Chawton, sur les terres qu'il possède dans le Hampshire, non loin de Steventon. Cette perspective redonne à Jane Austen une motivation, et elle reprend ses manuscrits en vue de publier Raison et sentiments et Orgueil et préjugés. La romancière, sans doute poussée par le besoin, bénéficie par ailleurs des encouragements de son frère Henry, qui sert d'intermédiaire avec les éditeurs. Deux ans plus tard, Thomas Egerton accepte de publier Raison et sentiments, qui paraît anonymement en novembre 1811. Les deux magazines alors les plus en vogue, la Critical Review et la Quarterly Review, réservent un accueil favorable à l'ouvrage, qui mêle éducation et divertissement. Parallèlement, Jane Austen commence Mansfield Park en 1811 ; achevé en 1813, le roman sort un an plus tard. Jane Austen est alors un auteur établi (bien qu'elle reste anonyme) ; Egerton a publié Orgueil et préjugés en janvier 1813, et la même année paraît une seconde édition de l'ouvrage ainsi que de Raison et sentiments. Orgueil et préjugés semble avoir été le roman à la mode du moment. Entre janvier 1814 et mars 1815, Jane Austen écrit Emma, publié en décembre 1815. En 1816 sort une seconde édition de Mansfield Park, publiée, comme Emma, par l'éditeur de lord Byron, John Murray. Persuasion, écrit entre août 1815 et août 1816, paraît à titre posthume, comme L'Abbaye de Northanger, en décembre 1817.

<em>Lady Maria Conyngham</em>, T. Lawrence. - crédits : Courtesy of the Metropolitan Museum of Art, New York City, gift of Jessie Woolworth Donahue, 1955

Lady Maria Conyngham, T. Lawrence.

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Jane Austen semble avoir connu après 1811 les années les plus gratifiantes de sa vie : ses romans sont bien accueillis par la critique et lus par un large public. Le prince régent, futur George IV, les apprécie au point d'en posséder une collection dans chacune de ses résidences ; et Emma, à la suite d'une discrète recommandation royale, lui sera « respectueusement dédié ». Les critiques apprécient les romans de Jane Austen à la fois pour leur sens moral et leur lecture divertissante. Ils admirent sa peinture des caractères et trouvent leur réalisme rafraîchissant en comparaison des mélodrames romantiques alors en vogue.

Jane Austen passe les dix-huit derniers mois de sa vie à écrire. Au début de l'année 1816, alors qu'apparaît la maladie qui l'emportera, elle jette sur le papier les grandes lignes du « roman parfait » dans Plan of a Novel, according to Hints from Various Quarters (publié pour la première fois en 1871). Jusqu'en août 1816, elle se consacre à l'écriture de Persuasion et retouche le manuscrit de « Susan » (L'Abbaye de Northanger).

En janvier 1817, Jane Austen commence Sanditon, satire joviale et empreinte d'autodérision sur les stations balnéaires et les maladies, réelles ou imaginaires. Elle ne terminera jamais ce roman en raison de sa santé déclinante. La romancière pense souffrir de la bile, mais les symptômes permettent de penser aujourd'hui qu'elle était atteinte d'insuffisance surrénalienne (maladie d'Addison). Bien que son état s'améliore parfois, elle rédige son testament en avril puis est transportée au mois de mai à Winchester pour être confiée aux soins d'un chirurgien. Jane Austen meurt le 18 juillet 1817 et est enterrée six jours plus tard dans la cathédrale de Winchester.

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Son frère Henry, qui supervise la publication de L'Abbaye de Northanger et de Persuasion, dévoile l'identité de leur auteur. La Grande-Bretagne de la régence n'a pas conscience d'avoir perdu son observateur le plus attentif et son analyste le plus pénétrant ; elle ne réalise pas qu'un miniaturiste – terme que Jane Austen s'appliquait volontiers à elle-même et qui lui était souvent attaché –, qu'un romancier qui se contente d'évoquer la vie domestique, puisse s'intéresser sérieusement à la nature de la société et à la qualité de sa culture ; et que Jane Austen ait étudié en historienne l'entrée de la société anglaise de son temps dans la modernité. De son vivant, une seule personne a pris la mesure de son œuvre : dans la critique d'Emma qu'il publie dans la Quarterly Review de mars 1816, Walter Scott célèbre cet « auteur anonyme », dont il fait un champion magistral du « roman moderne » dans la nouvelle tradition réaliste. Après la mort de Jane Austen, il n'y eut longtemps qu'un seul essai important sur son œuvre : l'analyse de L'Abbaye de Northanger et de Persuasion que l'archevêque Richard Whately rédige pour la Quarterly Review de janvier 1821. Ces deux textes, de Walter Scott et de Richard Whately, sont à l'origine des premières études sérieuses de l'œuvre de Jane Austen : les critiques s'approprieront leur point de vue jusqu'au xixe siècle.

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Jane Austen - crédits : traveler1116/ DigitalVision Vectors/ Getty Images

Jane Austen

<em>Lady Maria Conyngham</em>, T. Lawrence. - crédits : Courtesy of the Metropolitan Museum of Art, New York City, gift of Jessie Woolworth Donahue, 1955

Lady Maria Conyngham, T. Lawrence.

<em>Orgueil et préjugés</em>, J.Wright. - crédits : Working Title/ The Kobal Collection/ Alex Bailey/ Aurimages

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