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IDÉALTYPE, IDÉAL TYPE ou TYPE IDÉAL

La notion d'idéaltype appartient aujourd'hui au bagage minimal dont tout étudiant en sociologie doit prendre soin de se pourvoir pour affronter avec un semblant de compétence les problèmes de méthode propres à sa discipline. Le terme est cependant devenu si commun qu'il perd souvent toute signification spécifique dans l'usage contemporain, se confondant parfois avec l'abstraction en général, avec le modèle scientifique, ou encore avec le concept générique. Il convient par conséquent de revenir aux sources, c'est-à-dire à Max Weber, qui a proposé cette notion dans le cadre d'une réflexion sur les particularités des concepts dont usent l'histoire et les sciences sociales.

La démarche wébérienne

Sous le nom d'idéaltype, Weber n'entendait pas offrir une forme de concept ou de théorie inédite, mais une interprétation du sens des concepts qu'utilisent ordinairement les sciences historiques et sociales (« Essai sur l'objectivité scientifique dans les sciences et la politique sociales », in Essais sur la théorie de la science, 1965). Le langage de l'historien, remarquait-il, comprend un grand nombre de mots ou d'expressions dont la signification peut certes être perçue de manière intuitive, mais qui ne se laissent clairement définir qu'en explicitant la construction idéelle qui les supporte. Ainsi des concepts d'« individualisme », d'« impérialisme », de « féodalité », de « christianisme médiéval », etc. Si l'intérêt de cette explicitation apparaît être d'abord linguistique (il s'agit de « doter l'exposé de moyens d'expression univoques »), elle se justifie en profondeur par une conception des rapports entre la théorie et la réalité historique que Weber résume dans l'expression : hiatus irrationalis, et que l'on suggérera ici de nommer le postulat d'incomplétude : soit l'idée selon laquelle la complexité de la réalité empirique est telle, quand il s'agit de l'historicité humaine, qu'aucune théorie ne peut prétendre l'épuiser. La schématisation des concepts et théories des sciences historiques et sociales en forme d'idéaltypes invalide par conséquent toute conception de la connaissance comme reflet, et plus généralement toute interprétation réaliste de la valeur cognitive de ces concepts et théories : ce que Weber souligne en caractérisant ces constructions de « tableaux de pensée » ou d'« utopies ». Ce sont des moyens pour ordonner par la pensée un donné empirique foisonnant, dans lequel les contours des phénomènes ne sont jamais aussi distincts que la théorie les représente.

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Pour citer cet article

Catherine COLLIOT-THÉLÈNE. IDÉALTYPE, IDÉAL TYPE ou TYPE IDÉAL [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Autres références

  • BUREAUCRATIE

    • Écrit par Michel CROZIER
    • 4 267 mots
    ...de la théorie de la bureaucratie, a été profondément influencé par cette expérience nationale qu'il a, dans une large mesure, cherché à rationaliser. Pour lui, le type idéal (c'est-à-dire le modèle sous-jacent) de toute organisation bureaucratique est fondé, comme l'État prussien, sur la combinaison...
  • L'ÉTHIQUE PROTESTANTE ET L'ESPRIT DU CAPITALISME, Max Weber - Fiche de lecture

    • Écrit par Éric LETONTURIER
    • 1 501 mots
    L'impératif d'abandonner le « domaine des représentations vagues et générales » conduit ensuite Weber à construire, en s'appuyant sur les sermons de Benjamin Franklin, un idéal type de l'esprit du capitalisme qui fait de la poursuite de son intérêt pécuniaire une obligation morale entrant dans le code...
  • IDÉOLOGIE

    • Écrit par Joseph GABEL
    • 6 777 mots
    « On obtient un type idéal, en accentuant unilatéralement un ou plusieurs points de vue et en enchaînant une multitude de phénomènes isolés, diffus et discrets, que l'on trouve tantôt en grand nombre, tantôt en petit nombre, par endroits pas du tout, qu'on ordonne selon les précédents points de vue choisis...
  • INTERPRÉTATION (sociologie)

    • Écrit par Gisèle SAPIRO
    • 1 186 mots

    Issue de l’exégèse des textes religieux, la pratique de l’interprétation est devenue la méthode par excellence des sciences humaines d’étude des textes. Dans les sciences sociales, la question se pose de savoir si les actions humaines peuvent être expliquées ou si elles doivent être interprétées...

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