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IBSEN HENRIK (1828-1906)

Henrik Ibsen - crédits : Universal History Archive/ Universal Images Group/ Getty Images

Henrik Ibsen

Devant le tribunal de la postérité, dont les arrêts le préoccupèrent tant de son vivant, le Norvégien Henrik Ibsen a lieu de se plaindre. Ce n'est pas qu'il ait été inconnu ou méprisé, au contraire. Mais peu d'œuvres auront été aussi mal comprises, aussi injustement déformées, accaparées pour les besoins de l'heure. Naturaliste convaincu, symboliste troublant, plus lourd de thèses que Paul Bourget ou François de Curel, socialiste, philosophe, anarchiste, tenant de l'irrationnel, zélateur de la révolte... : les étiquettes abusives cachent ce que les fameuses « brumes du Nord » nous laissaient entrevoir. Il vaut pourtant la peine de « démythifier » Ibsen et son œuvre dramatique : on découvre alors un homme d'une stature peu commune, Norvégien avant tout, inintelligible sans une bonne connaissance de la psychologie de ses compatriotes, Européen aussi, sensible à tous les souffles de son époque ; un génie qui a proposé – et personnellement vécu – une conception de l'homme et du monde que l'avenir n'a pas désavoué aujourd'hui ; un homme de théâtre enfin qui a su faire vivre intensément sur scène des hommes et des femmes d'une saisissante vérité. De plus, le moindre mérite de cet écrivain qui fut poète autant que dramaturge n'est pas l'extrême variété de l'œuvre, la diversité des thèmes souvent contradictoires, la plasticité d'une inspiration qui évoque un trait de l'une de ses plus admirables créations : cette Dame de la mer dont les yeux changeaient de couleur selon l'état de l'océan.

Assimilation des influences

Henrik Ibsen est né à Skien, au sein d'une famille nombreuse. Son père se ruina dans les spéculations et se mit à boire pour se consoler ; sa mère donnait dans le mysticisme. Le couple finira par se séparer. L'atmosphère qui régnait à la maison, une nature peu communicative aussi valurent au jeune Ibsen une enfance solitaire, repliée sur elle-même. À seize ans, on l'envoie à Grimstad, servir de commis d'« apothèque » au pharmacien Reimann. Il y reste six ans, y fait ses premières et malheureuses expériences amoureuses, y écrit ses premiers poèmes, d'un romantisme mélancolique et volontiers macabre. L'intérêt principal de cette période résulte des influences innombrables qu'il subit et s'efforce d'assimiler : il s'en tient, pour l'heure, aux romantiques nationalistes norvégiens, comme H. A. Wergeland, ou danois, comme A. G. Oehlenschläger.

Ambitieux et autodidacte, il passe et réussit le baccalauréat à Kristiania puis essaie sans conviction des études de médecine auxquelles il renonce bientôt. En revanche, il s'intéresse beaucoup à la politique et à la littérature et publie, en 1850, sous le pseudonyme de Brynjolf Bjarme, un drame en vers, Catilina, inspiré de Salluste, essai de jeunesse maladroit, mais qui contient quelques-uns de ses grands thèmes futurs : celui de la vocation, par exemple, celui aussi du combat que mènent dans l'âme humaine des forces antagonistes. La même année, il écrit Le Tertre du guerrier (Kjoempehøien) qui inaugure la série des pièces consacrées aux antiquités norroises ou au folklore norvégien. Il remaniera cette œuvre pour la faire jouer à Bergen, en 1854, avec un médiocre succès. À Kristiania, il est entré à la rédaction de la revue Andhrimmer à laquelle il donne des poèmes, des articles de critique et une parodie satirique du livret de la Norma de Bellini.

Inconnu et sans ressources, il passe à Bergen comme instructeur et auteur au « Théâtre norvégien » où il reste six ans, extrêmement féconds et importants car, metteur en scène suppléant, il va y apprendre son métier. Des bourses de voyage en Allemagne et au Danemark élargissent son horizon. Outre celle de Ludvig Holberg, il fait trois découvertes capitales[...]

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Écrit par

  • : professeur émérite (langues, littératures et civilisation scandinaves) à l'université de Paris-IV-Sorbonne

Classification

Pour citer cet article

Régis BOYER. IBSEN HENRIK (1828-1906) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Médias

Katharina Schüttler dans <it>Hedda Gabler</it>, H. Ibsen - crédits : A. Declair/ Die Schaubühne, Berlin

Katharina Schüttler dans Hedda Gabler, H. Ibsen

Henrik Ibsen - crédits : Universal History Archive/ Universal Images Group/ Getty Images

Henrik Ibsen

Autres références

  • BRAND (mise en scène S. Braunschweig)

    • Écrit par Anouchka VASAK
    • 1 097 mots

    Écrivain de la démesure et du malaise dans la civilisation, Henrik Ibsen (1828-1906) est un auteur phare du théâtre contemporain. Durant la saison 2004-2005, de nouvelles mises en scène d'Hedda Gabler (par Éric Lacascade, Théâtre de l'Odéon-Ateliers Berthier à Paris), Maison de...

  • HEDDA GABLER, Henrik Ibsen - Fiche de lecture

    • Écrit par Régis BOYER
    • 777 mots

    Au sein de la magistrale œuvre dramatique du Norvégien Henrik Ibsen (1828-1906), Hedda Gabler (1890), pièce en quatre actes, occupe une place centrale avec Une maison de poupée (1879). Elle relate le destin tragique d'une femme qui n'a pas su donner un sens à son existence.

  • PEER GYNT (mise en scène É. Ruf)

    • Écrit par Didier MÉREUZE
    • 923 mots
    • 1 média

    Il est des œuvres impossibles. Monstrueuses. Parce qu'elles brassent tout l'univers, défient les notions d'espace et de temps. Parce qu'au travers d'un destin c'est celui de l'humanité tout entière qui se dessine, accumulant les interrogations, laissant en suspens les réponses. Bref, des œuvres qui semblent...

  • DRAME - Drame moderne

    • Écrit par Jean-Pierre SARRAZAC
    • 6 057 mots
    • 7 médias
    Le paradoxe des drames d'Ibsen, de Strindberg, d'Hauptmann ou de Tchekhov, c'est qu'ils procèdent tous, au-delà de leur évidente diversité, d'une sorte de roman implicite, de roman contenu et non écrit. Chez Ibsen, en particulier, tout se passe comme si les personnages, avant même leur entrée en scène,...
  • DUSE ELEONORA (1858-1924)

    • Écrit par Universalis
    • 923 mots

    Actrice italienne qui trouva ses meilleurs rôles chez deux grands dramaturges européens : l'Italien Gabriele D'Annunzio et le Norvégien Henrik Ibsen.

    Née à Vigevano, en Lombardie, le 3 octobre 1858, la Duse, issue d'un milieu d'acteurs, fit ses débuts au théâtre à l'âge de quatre ans dans...

  • GRIEG EDVARD (1843-1907)

    • Écrit par Piotr KAMINSKI
    • 1 672 mots
    • 1 média
    De retour en Norvège, en 1871, glorifié par la nouvelle reconnaissance internationale, il forme avec Bjørnson et Henrik Ibsen une sainte trinité norvégienne dont le but sera de renouveler l'art national. Une série d'œuvres réalisées en collaboration avec Bjørnson (une très forte scène dramatique,...
  • LA MOUETTE (mise en scène T. Ostermeier)

    • Écrit par Monique LE ROUX
    • 988 mots
    théâtre réaliste et politiquement engagé. En France, il est couvert d’honneurs et les propositions de travail sont constantes. Il a déjà créé, en 2013, Les Revenants d’Ibsen, dans une traduction d’Olivier Cadiot, avec Valérie Dréville, Jean-Pierre Gos, François Loriquet, Mélodie Richard,...
  • Afficher les 8 références

Voir aussi