Abonnez-vous à Universalis pour 1 euro

HABITAT L'habitation africaine au sud du Sahara

Les problèmes de conservation de l'habitat africain

Une tradition que l'archéologie dément absolument fait remonter à un architecte d'origine grenadine, venu du Caire au retour de pèlerinage du mansa Kankū Mūsā, l'introduction des monuments et des villes organisées en Afrique noire. Faute d'élever des temples comparables aux églises, aux mosquées ou aux synagogues, pour le culte d'un dieu unique comme en Méditerranée, l'Afrique noire n'en a pas moins, depuis des siècles, consacré beaucoup de soins à l'édification de palais pour les souverains ou de somptueuses résidences pour les marchands. Le Belge Pierre Ryckmans, résident du Ruanda-Urundi, décrit ainsi au xxe siècle le travail d'édification de l'enclos où résidait un souverain du Burundi : cette construction « représente un travail considérable et peut prendre des mois [...] ; l'enceinte de branchages tassés entourant tout le kraal et le partageant en cours peut atteindre plusieurs centaines de mètres de longueur sur deux mètres de hauteur ; le toit de la hutte est fait d'herbes fines spécialement choisies et artistement tressées : c'est une demi-sphère de vannerie fine qui peut atteindre six mètres de diamètre... ».

Il arrive aussi qu'on édifie, en terre, des palais somptueux. Celui des rois chrétiens de Nubie, datant probablement du xe ou du xie siècle, a été retrouvé sous l'habillage postérieur d'une mosquée ; celui de sultans d'Agadès est célèbre et souvent représenté ; on s'efforce aujourd'hui de sauver l'ensemble des palais d'Abomey (Bénin) ou les belles demeures ashanti (Ghana), de reconstituer les anciens palais d'Ifé, de Bénin ou d'Oyo (Nigeria) ; beaucoup reste à faire dans la description de ces demeures officielles dans les Hautes Terres du Cameroun ou en Angola par exemple. Moins célèbres, les « palais » des chefs de tous niveaux de l'actuel Burkina Faso ne sont pas moins représentatifs de cette architecture palatine. La richesse des maisons de commerçants, actuellement encore debout – à Djenné, à Mopti, à Segou au Mali, à Kano au Nigeria, à Zinder au Niger, au Soudan, pour ne citer que quelques exemples –, devrait susciter des études approfondies. Seuls les archéologues peuvent encore imaginer le luxe des demeures patriciennes retrouvées à Tegdaoust (Mauritanie).

Il y a, apparemment, quelque paradoxe à vouloir conserver ce qui n'est pas construit avec un souci de durée. Ainsi vont les exigences souvent divergentes des sociétés et de leurs historiens. La conservation d'une architecture « vernaculaire » comporte souvent, aujourd'hui, des arrière-pensées « folkloriques » et touristiques. Déjà, des expériences intéressantes ont été réalisées au Ghana, longtemps en avance sur tous les autres pays africains ; au Nigeria, où l'ambitieux projet de musée de l'architecture traditionnelle à Jos voit difficilement le jour ; en Tanzanie, où près de Dar es-Salaam a été constitué un musée de villages ; un autre, similaire, existant en Zambie près de Livingstone. L'exemple du musée parc de Niamey montre un effort de même portée. On peut cependant craindre qu'à cet effort de conservation muséale vienne correspondre le sacrifice délibéré, parfois systématique, de tous les   vestiges de cette architecture, considérés comme des signes d'aliénation économique et culturelle. Et, jusqu'ici, la politique de réhabilitation et d'amélioration de ces habitations anciennes ne paraît avoir été décidée dans aucun pays africain. Et les recherches techniques sur l'amélioration des matériaux locaux sont très souvent condamnées au nom d'un modernisme non désintéressé.

— Jean DEVISSE

La suite de cet article est accessible aux abonnés

  • Des contenus variés, complets et fiables
  • Accessible sur tous les écrans
  • Pas de publicité

Découvrez nos offres

Déjà abonné ? Se connecter

Écrit par

  • : professeur émérite à l'université de Paris-I

Classification

Pour citer cet article

Jean DEVISSE. HABITAT - L'habitation africaine au sud du Sahara [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Article mis en ligne le et modifié le 14/03/2009

Médias

Armatures de bois sur plan circulaire - crédits : Encyclopædia Universalis France

Armatures de bois sur plan circulaire

Armatures de tentes - crédits : Encyclopædia Universalis France

Armatures de tentes

Toits sur bâtiments de plan circulaire (1) - crédits : Encyclopædia Universalis France

Toits sur bâtiments de plan circulaire (1)

Autres références

  • ABSALON ESHER MEIR dit (1964-1993)

    • Écrit par
    • 1 017 mots

    L'artiste Esher Meir, dit Absalon, est né en 1964 à Ashdod en Israël. Il est mort à Paris en 1993. Sa carrière fulgurante aura duré à peine six années. Très vite connu et reconnu, il a produit une œuvre homogène et d'emblée identifiable, à la fois représentative de l'art au tournant des années...

  • AFRIQUE NOIRE (Arts) - Aires et styles

    • Écrit par , , , et
    • 15 151 mots
    • 2 médias
    ...devise poétique des ancêtres fondateurs les appelle « Équilibreurs de degrés », en hommage à leur travail titanesque d'aménagement de ces chaos de rochers. Les grandioses constructions des Tellem, greniers en forme d'obus ou maisons flanquées de petites tours carrées, protégées par les auvents de la falaise,...
  • ALGÉRIE

    • Écrit par , , , et
    • 41 835 mots
    • 25 médias
    ...années 1970. La loi sur les réserves foncières communales de 1974, qui a permis la municipalisation du foncier dans les périmètres urbains des villes, a ouvert la voie à l'habitat individuel sur des lots souvent attribués dans le cadre de coopératives immobilières, des structures qui, en réalité,...
  • ANDO TADAO (1941- )

    • Écrit par
    • 1 885 mots
    • 1 média
    Parmi ses premières œuvres, celle qui lui valut sa réputation et que l'on peut considérer comme inaugurale (restée d'ailleurs à ce jour peut-être la plus forte) consiste en une petite maison privée, de deux niveaux, bâtie en 1976 à Ōsaka dans le quartier de Sumiyoshi. Serrée sur un terrain de 3 mètres...
  • Afficher les 117 références