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EIFFEL GUSTAVE (1832-1923)

<em>Portrait de Gustave Eiffel</em>, A. Morot - crédits : Fine Art Images/ Heritage Images/ Getty Images

Portrait de Gustave Eiffel, A. Morot

Gustave Eiffel, né le 15 décembre 1832 à Dijon, est un représentant éminent du xixe siècle servi par une foi inébranlable dans le progrès scientifique et la technologie. Grand entrepreneur, ingénieur, inventeur et savant avisé, habile financier, homme d'affaires redoutable et homme de réseaux, il laisse une œuvre construite considérable et très novatrice. Mêlé, au début des années 1890, à l'affaire du canal de Panamá, qui marque un tournant dans sa vie, il abandonne le secteur de la construction et se consacre par la suite au développement de sciences alors nouvelles – la météorologie, l’aérodynamique et la télégraphie. Il meurt à Paris le 27 décembre 1923, à l'âge de quatre-vingt-onze ans.

Le constructeur métallique

Entré à l'École centrale des arts et manufactures de Paris, dans la section chimie, Gustave Eiffel en est diplômé en 1855. C’est cependant – grâce aux relations de sa famille – dans le secteur de la construction métallique qu’il s’engage ensuite. Il travaille d’abord avec l’ingénieur Charles Nepveu, auprès duquel il fait ses premières armes de constructeur et constitue un solide réseau professionnel, déterminant pour la suite de sa carrière. C’est dans ce contexte qu’il est notamment chargé du chantier du pont de Bordeaux, qui doit raccorder les réseaux ferrés de la Compagnie du chemin de fer de Paris à Orléans et de la Compagnie des chemins de fer du Midi. En 1864, il s'installe comme ingénieur-conseil avant de créer, en 1866, sa propre entreprise de construction métallique à Levallois-Perret.

Comme beaucoup d'ingénieurs constructeurs de la fin du xixe siècle, Gustave Eiffel prône une utilisation du métal – matériau alors nouveau pour cet usage – et met en valeur non seulement ses caractéristiques constructives, mais aussi ses propriétés plastiques.

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Utilisant la fonte, le fer, ou l’acier – qui apparaît déjà comme le matériau de l’avenir –, Eiffel exploite toutes les qualités mécaniques des métaux : leur résistance, incomparablement supérieure à celle des matériaux traditionnels comme le bois ou la pierre ; leur élasticité, qui leur permet de supporter des efforts de compression comme des efforts de traction ; leur comportement au feu, que l’on apprécie tout particulièrement dans une période où les incendies dévastent de nombreux édifices construits en bois ; leur légèreté, qui facilite leur transport ; leur durabilité, qui autorise leur stockage ; et, enfin, leur prix, très inférieur à celui des matériaux traditionnels. Il use également de tous les avantages liés à la production industrielle des éléments constitutifs des charpentes métalliques : la rapidité de fabrication, la précision de l’usinage et de l’assemblage, la diminution de la durée des tâches de chantier, la réduction des coûts, etc.

Viaduc de Garabit, Cantal - crédits :  Arterra/ Universal Images Group/ Getty Images

Viaduc de Garabit, Cantal

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Toutes les réalisations de Gustave Eiffel témoignent de cette attitude : la gare de Budapest (1875), toute de métal, de verre et de maçonnerie, et d’une grande nouveauté formelle si on la compare aux gares réalisées durant le xixe siècle dans les grandes capitales européennes comme Paris ; le pont Maria-Pia (1878), sur le Douro à Porto, un arc de 160 mètres de portée principale sur lequel s’appuie un tablier horizontal porteur d’une voie de chemin de fer ; les palais de l'Exposition universelle de 1878, à Paris ; le viaduc d'Évaux, sur la Tardes ; celui de Garabit, dans le Cantal (1885), qui reprend et améliore les principes de construction du pont sur le Douro ; la statue de la Liberté éclairant le monde d’Auguste Bartholdi, offerte aux États-Unis en 1884 et inaugurée à New York en 1886, pour laquelle il réalise une structure métallique dessinée et calculée afin de résister aux énormes efforts horizontaux exercés par le vent sur la statue ; la coupole de l'Observatoire de Nice (1885-1886), vaste ouvrage en charpente métallique coiffant un édifice très académique dessiné par l’architecte Charles Garnier. On lui doit également des usines, des ponts portatifs (qui répondent au développement de la circulation ferroviaire et routière, mais aussi aux besoins de franchissement des armées engagées dans les guerres coloniales), des établissements commerciaux et des bâtiments religieux – pour l’édification de l’église Notre-Dame-des-Champs, à Paris, d’inspiration romane, conçue en 1867 par l’architecte Léon Ginain, il met en œuvre une charpente métallique qui facilite le dessin d’une voûte haute et large.

Bâtiments de l’Exposition universelle de 1900 - crédits : London Stereoscopic Company/ Getty Images

Bâtiments de l’Exposition universelle de 1900

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La hardiesse de toutes ces réalisations fait de Gustave Eiffel un ingénieur dont la renommée grandit rapidement. Mais, brutalement, tout ce qui a fondé sa réputation de constructeur de talent se retourne contre lui lorsque le projet de construction de la tour se fait jour à la fin des années 1880. L'œuvre de Gustave Eiffel, que les milieux architecturaux, artistiques et intellectuels avaient regardée de manière sinon bienveillante, du moins indifférente, tant que son implantation était limitée à des zones non habitées, voire à des villes étrangères, devient à leurs yeux une insulte au bon goût dès que l'hypothèse de son implantation est envisagée au cœur de la capitale.

Une campagne sans précédent se déclenche sous les formes les plus variées. Aux sarcasmes des critiques d’art et d’architecture – tel Joris-Karl Huysmans qui compare la tour à un tuyau d’usine en construction ou encore à « un grillage infundibuliforme » –, se superposent des injures racistes et antisémites, comme celles d’un Jacques de Biez qui dénonce la tour du « Juif allemand Eiffel », qui n’était cependant ni allemand ni juif… D’ascendance d’outre-Rhin il est vrai, il portait le nom de Bonickhausen, et c’est en 1870, en pleine période d’antagonisme entre la France et la Prusse, qu’il obtient du Conseil d’État l’officialisation de son nom d’usage, Eiffel.

Des tentatives d'arrêt des travaux sont engagées au motif, par exemple, que la tour pourrait s'effondrer sur les maisons alentour. Quant aux milieux de l’architecture, ils se montrent particulièrement critiques. Le point culminant de cette campagne est la célèbre « Protestation des artistes contre la tour de M. Eiffel » (Le Temps, 14 février 1887), publiée sous la signature de personnalités réputées, parmi lesquelles le peintre Ernest Meissonier, les poètes Leconte de Lisle et Sully Prudhomme, les écrivains Alexandre Dumas fils et Guy de Maupassant, l'architecte Charles Garnier, le compositeur Charles Gounod, etc. Tous protestent « au nom du goût français méconnu, au nom de l’art et de l’histoire français menacés, contre l’érection, en plein cœur de la capitale, de l’inutile et monstrueuse tour Eiffel… » Vantant les beautés de Paris, de ses rues, de ses quais, de ses promenades, de ses monuments, ils appellent les pouvoirs publics à ne pas « laisser profaner tout cela ». Gustave Eiffel répond, à la même date et dans le même journal, aux attaques qui lui sont portées en affirmant des positions techniques, architecturales et esthétiques originales. Science et technologie sont génératrices de beauté architecturale et urbaine, affirme l’ingénieur, qui revendique le principe d’une esthétique nouvelle issue de la « modernité radicale de l’art du métal ».

Construction de la tour Eiffel - crédits : Théophile Féau/ Henry Guttmann/ Hulton Archive/ Getty Images

Construction de la tour Eiffel

Gustave Eiffel ridiculisera ses détracteurs par l'exploit technique, extrêmement complexe, qu'il réalise. Malgré sa légèreté – elle ne pèse pas plus de 7 300 tonnes –, la tour présente des dimensions imposantes. Atteignant 300,65 mètres de haut, elle devient l’édifice le plus élevé dans le monde – record qu’elle conservera jusqu’à la construction de l’Empire State Building à New York (1929-1931). Sa conception, la fabrication de ses éléments constitutifs et la technique de son montage – entièrement rationalisés – permettront de réduire considérablement la durée du chantier. Le premier coup de pioche des fondations est donné le 28 janvier 1887, et les visiteurs se pressent pour en suivre le chantier. Les moyens permettant d’y accéder – escaliers mais aussi ascenseurs hydrauliques – sont exceptionnels à la date de leur mise en œuvre. L’inauguration officielle de l’édifice, immédiatement salué par le public, a lieu le 15 mai 1889, à l’occasion de l’Exposition universelle, dont elle constitue certainement l’attraction principale (près de 2 millions d’entrées y sont enregistrées).

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Soucieux de la pérennité de sa grande œuvre – qui, comme toutes les constructions des expositions universelles, aurait dû être démontée à la fin de la manifestation –, Gustave Eiffel se prémunit contre sa démolition rapide, qui est ouvertement demandée par ses détracteurs. Un jeu complexe de conventions est mis en place entre la Société de la tour Eiffel – créée pour assurer la gestion technique et financière de l’ouvrage, qui reste la propriété de la Ville de Paris –, la Préfecture de Paris, qui agit au nom de la Ville, et l’État. Grâce à ces conventions – qui ne seront dénoncées qu’en 1979 par le maire, Jacques Chirac, pour que la Ville en prenne le contrôle –, la tour Eiffel ne sera ni démolie ni démontée.

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<em>Portrait de Gustave Eiffel</em>, A. Morot - crédits : Fine Art Images/ Heritage Images/ Getty Images

Portrait de Gustave Eiffel, A. Morot

Viaduc de Garabit, Cantal - crédits :  Arterra/ Universal Images Group/ Getty Images

Viaduc de Garabit, Cantal

Bâtiments de l’Exposition universelle de 1900 - crédits : London Stereoscopic Company/ Getty Images

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