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ARCHITECTURE (Matériaux et techniques) Acier

Empire State Building - crédits : Hulton Archive/ Getty Images

Empire State Building

L'acier est un remarquable matériau de construction, qui peut supporter les charges les plus lourdes et couvrir avec des sections réduites des portées immenses. Dès les débuts de son utilisation, il permit de réaliser des œuvres extrêmement hardies et de battre des records de hauteur (379 m à l'Empire State Building) ou de portée (1 200 m au pont de Golden Gate). Le rôle que le métal a joué dans les diverses expositions internationales (Crystal Palace à Londres en 1851, tour Eiffel à Paris en 1889, Atomium et pavillon des États-Unis à Bruxelles en 1958, pavillon des États-Unis à Montréal en 1967) montre l'utilisation à la fois audacieuse et prestigieuse qu'on lui réserve.

Golden Gate Bridge

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Construction de la tour Eiffel

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Gustave Eiffel

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Le pavillon des États-Unis

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La construction en acier présente en outre, dans l'usage courant, d'importants avantages. Le montage simple et rapide qui peut être fait sur le chantier restreint, dans une grande mesure, le déploiement d'échafaudages et de coffrages. En 1931, les quatre-vingt-six étages de l'Empire State Building furent montés en cinq mois, soit au rythme de quatre étages par semaine. Les ouvrages peuvent porter immédiatement les charges pour lesquels ils ont été prévus, sans attendre prise ou durcissement comme le requièrent beaucoup d'autres matériaux. L'essentiel du travail peut être effectué en usine, ce qui limite au minimum celui du chantier, toujours incommode. À la simplicité du montage par boulons, rivets ou soudure correspond une simplicité conséquente de démontage qui facilite additions, transformations, amputations, adaptations ou même des déplacements partiels voire totaux de corps de bâtiment. La rapidité d'évolution, sans cesse croissante, des besoins – quantitatifs – de surfaces et – qualitatifs – de programmes rend aujourd'hui particulièrement appréciables ces avantages propres à l'acier. En outre, ce métal engendre des constructions extrêmement légères, ce qui représente un atout essentiel en regard de la qualité du sol sur lequel on veut fonder l'édifice.

La construction en acier offre cependant des inconvénients non négligeables. Exposées aux intempéries, les parties extérieures des constructions demandent un entretien permanent qui peut être assez coûteux. Par ailleurs, bien qu'ininflammable, l'acier est très sensible au feu. En effet, il perd très rapidement à la chaleur ses caractéristiques physiques, ce qui impose un revêtement ignifuge qu'on a tout intérêt, pour des raisons d'économie, à faire participer à l'équilibre statique de la construction. Le béton est souvent employé à cette fin ; il en résulte une conception parfois bâtarde. Ces deux servitudes, entretien et protection ignifuge, pèsent en défaveur des constructions en acier.

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Mais, abstraction faite de ces nécessités techniques, l'acier a acquis, semble-t-il, sa propre expression architecturale. Qualifié par les uns de matériau froid, sans volume, de caractère industriel, il est, pour d'autres, empreint d'une noblesse dépouillée. La devise paradoxale de Mies Van der Rohe – architecte de l'acier s'il en est –, Less is more, exprime parfaitement l'ambiguïté de ce que la plastique architectonique de l'acier peut contenir, sobriété et distinction pour les uns, indigence pour les autres.

Influence du matériau « acier » sur l'architecture

Influence de l'acier sur la construction

Le xixe siècle est redevable à l'acier des nouvelles techniques de construction qu'il a promues – béton armé et construction métallique – et qui ont remis en question d'une manière fondamentale la syntaxe élaborée depuis des siècles par les constructeurs. Dans l'un et l'autre cas, le caractère technologique fondamental de l'acier est sa haute résistance à la traction. Sa résistance à la compression est également considérable et, à elle seule, déjà, a permis de renouveler le visage de l'architecture (gratte-ciel américains, par exemple). Mais, par sa résistance à la traction, l'acier a pu bouleverser totalement les conceptions traditionnelles de la construction.

Depuis toujours, on n'avait utilisé que des matériaux susceptibles de résister aux efforts de compression, et la stabilité des constructions avait été essentiellement obtenue par l'empilement des matériaux comprimés, soumis à la gravitation ; la solidité de l'édifice tenait en grande partie à son poids. L'association commune entre solidité et lourdeur de la construction résulte de cette vision traditionnelle. Avec l'acier, les données du problème sont fondamentalement retournées : à la solidité et à la lourdeur se substituent la rigidité et la légèreté. Car l'équilibre n'est plus recherché dans le système gravitationnel établi entre les forces de poids de l'édifice et les forces dues à la résistance du sol, mais dans les interactions de forces situées en totalité à l'intérieur de celui-ci. Le poids n'intervenant plus comme élément d'assemblage (les anciens matériaux n'étant toujours qu'empilés de façon plus ou moins judicieuse), les éléments en acier sont assemblés, et il en résulte un allégement considérable des structures construites, qui, venant s'ajouter à la haute résistance de l'acier, contribue à une considérable économie de matière. La tour Eiffel, dont le poids n'excède pas celui d'un prisme d'air de même base et de même hauteur, en donne dès 1889 un magnifique exemple. Mais, malgré sa légèreté, sa forme semble encore vouloir vaincre symboliquement la pesanteur par un record de hauteur. Plus près de nous, le pavillon des États-Unis à l'exposition de Montréal, « radôme » géodésique de Buckminster Fuller, nous donne l'expression parfaite, elle aussi presque symbolique, de cette architecture de légèreté, autonome par rapport au sol, simplement posée sur le terrain.

Influence de la construction en acier sur l'architecture

En regard de cet allégement de la construction, l'architecture en acier tend à devenir une architecture du vide, de l' espace et de la transparence. Avec ce nouveau matériau précisément, la matière s'efface. L'agencement du vide immatériel devient prépondérant relativement à l'organisation de la matière. Qu'il s'agisse de structure d'organisation de l'espace, comme dans l'architecture de Mies Van der Rohe, ou de structure de l'espace considérée du point de vue du constructeur, comme dans les œuvres de Buckminster Fuller, le vide acquiert priorité sur la matière. Aussi a-t-on rarement assisté à un traitement plastique de l'acier comme c'est le cas pour d'autres matériaux. Le château d'eau de Posen par Hans Poelzig (1911) en est un des rares exemples. L'acier a plutôt donné lieu à des recherches structurales où, par définition, le matériau est absent. L'essentiel du traitement plastique de l'acier est, par suite, de caractère structural plus que sculptural. En outre, le niveau d'industrialisation que l'acier a largement contribué à engendrer, et auquel il continue essentiellement de participer, ne peut qu'ajouter à l'impersonnalité du traitement de l'acier. Tandis qu'au béton s'attachent les noms de nombreux grands architectes ou constructeurs qui lui ont trouvé chacun une plastique personnelle, l'acier n'évoque que peu de noms, au premier rang desquels figure Mies Van der Rohe. On se plaît souvent à évoquer à son propos l'art de Piet Mondrian, considéré parfois comme une négation de la peinture ; il représenterait de la même manière une sorte de négation de l'architecture. Très caractéristique est la stricte similitude entre ses œuvres et celles de ses émules, même si celles-ci atteignent, comme chez Elwood, à une magnifique rigueur de proportions. Leur aspect dépouillé structural et dématérialisé distingue l'ensemble de ses créations. Quant à Fuller, son œuvre a sans doute plus servi l'acier que l'acier ne l'a servi, et le fondement de ses découvertes étant de nature spatiale, géométrique et presque abstraite, le matériau employé n'y est pas directement impliqué et ses constructions ont pu être réalisées indifféremment avec d'autres matériaux. On doit cependant admettre que l'acier, qui permet de concevoir des constructions dans lesquelles les vecteurs-forces de tractions sont réalisés, n'a pu être totalement étranger à l'évolution des recherches de Fuller.

Le paroxysme de l'utilisation structurale immatérielle de l'acier se trouve dans les structures en câbles tendus où le matériau s'évanouit optiquement. Les ponts suspendus en ont donné les premiers exemples, les structures d'Otto Frei en élargissent l'utilisation, cependant que les travaux de l'ingénieur Jawerth ont parfait la technologie des câbles.

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Paradoxalement, l'originalité de l'acier, dans l'histoire des matériaux de construction, est d'avoir provoqué une abstraction de matière. L'acier a créé le champ d'une architecture immatérielle dans laquelle espace et vide sont privilégiés. Depuis, d'autres matériaux ont relayé l'acier dans ce sens, notamment les plastiques et particulièrement les structures gonflables. L'acier a été associé à un matériau transparent, le verre, les feuilles plastiques à un matériau de construction encore plus léger, presque immatériel : l'air.

Toutefois, dans cet aspect de l'évolution architecturale, la dialectique séculaire du plein et du vide, de l'ouvert et du fermé, de l'intérieur et de l'extérieur ne trouve peut-être pas son compte.

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Empire State Building - crédits : Hulton Archive/ Getty Images

Empire State Building

Golden Gate Bridge - crédits : Underwood Archives/ Getty Images

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Construction de la tour Eiffel - crédits : Théophile Féau/ Henry Guttmann/ Hulton Archive/ Getty Images

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