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GRASS GÜNTER (1927-2015)

À la parution de son livre Le Tambour, en 1959, l'enthousiasme de la critique fut presque unanime. C'était le premier roman d'un jeune auteur d'une trentaine d'années, connu et apprécié jusqu'alors comme dessinateur et poète par quelques cercles restreints, dont le Groupe 47 qui l'avait couronné en 1958. Même si certains étaient choqués par sa surabondance incontrôlée, son goût de l'obscénité et du blasphème, son refus de tous les tabous moraux et stylistiques, nul ne songeait à contester la prodigieuse originalité de son invention romanesque et la richesse de son écriture. Très vite, sa réputation franchit les frontières. Depuis lors, par la force de sa personnalité qui l'avait engagé dans une action politique vigoureuse au côté du chancelier Willy Brandt et par l'abondance de sa production romanesque, Günter Grass est devenu une sorte de monument national. Mais sa façon d'incarner la mauvaise conscience de l'Allemagne, en jouant les champions de la repentance, lui valait aussi certaines réactions hostiles ; on lui reprocha ainsi, en particulier, à l'occasion de Toute une histoire, une position trop indulgente vis-à-vis de l'ancienne République démocratique allemande. D'autres regrettaient de ne plus trouver dans ses œuvres récentes l'inventivité de sa jeunesse ; en 2006, l'aveu, dans Pelures d'oignon, de son engagement volontaire à dix-sept ans dans les Waffen SS, déchaîna les passions à nouveau.

La force d'un tempérament

Né le 10 novembre 1927 à Dantzig, Günter Grass sait, comme un Rabelais ou un Grimmelshausen, allier à un attachement profond au terroir le sens aigu de l'universalité à laquelle le prédisposent ses origines à la fois allemandes, polonaises et kachoubes. Formé en dehors des chapelles littéraires et des strictes disciplines universitaires, il est le produit d'une éducation multiforme, à l'américaine. Engagé volontaire dans la 10e Panzerdivision SS en octobre 1944, il est blessé en 1945 et fait prisonnier par les Américains. Libéré en 1946, il travaille comme ouvrier dans une exploitation agricole puis dans une mine de potasse, avant de s'initier timidement à la sculpture dans des entreprises de monuments funéraires. Il complète cette instruction en fréquentant l'école des beaux-arts de Düsseldorf, puis celle de Berlin, où il est l'élève de Karl Hartung. Si sa maîtrise d'écrivain éclipse un peu les qualités de son œuvre graphique, celle-ci est cependant loin d'être négligeable. Après un séjour à Paris de 1956 à 1960, il s'installe à Berlin et s'adonne, parallèlement à sa carrière littéraire, à une intense activité politique au service du Parti socialiste allemand. Marié en 1954 à la danseuse Anna Schwarz, il a d'elle quatre enfants (le Journal d'un escargot le montre dans sa mission d'éducateur). Il divorce en 1978 et se remarie avec l'organiste Ute Grunert en 1979. De 1983 à 1986, il préside l'Académie des arts de Berlin. En 1986-1987, il fait un séjour de six mois aux Indes, à Calcutta, qui marque durablement sa sensibilité. En 1992, il quitte le Parti socialiste pour protester contre sa conception de l'asile politique. FundsachenfürNichtleser(« Objets trouvés pour non-lecteurs »), publié en 1997, marque un retour aux « mélanges » de textes et de graphismes de ses premières publications. En 1999, il reçoit le prix Nobel de littérature.

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Pour citer cet article

Julien HERVIER. GRASS GÜNTER (1927-2015) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Média

Günter Grass - crédits : U. Hesse/ AKG

Günter Grass

Autres références

  • PELURES D'OIGNON (G. Grass)

    • Écrit par Julien HERVIER
    • 1 184 mots

    À la rentrée 2006, la sortie en Allemagne de Pelures d'oignon (trad. franç. de C. Porcell, Seuil, 2007) déclencha une tempête médiatique qui déferla bien au-delà des limites du monde littéraire. Soucieux de prévenir les réactions du public à la lecture de son livre, Grass en avait d'ailleurs...

  • TOUTE UNE HISTOIRE (G. Grass) - Fiche de lecture

    • Écrit par Julien HERVIER
    • 1 420 mots
    • 1 média

    À sa parution en Allemagne en 1995, le roman de Günter GrassToute une histoire (trad. Claude Porcell et Bernard Lortholary, Seuil, Paris, 1997) a constitué, bien plus qu'un événement littéraire, l'occasion d'une bataille médiatique. L'éditeur Steidl en avait prévu la sortie pour le 28 août, date...

  • ALLEMANDES (LANGUE ET LITTÉRATURES) - Littératures

    • Écrit par Nicole BARY, Claude DAVID, Claude LECOUTEUX, Étienne MAZINGUE, Claude PORCELL
    • 24 585 mots
    • 29 médias
    La critique littéraire allemande qui guettait depuis 1990 la parution « du roman de la réunification » crut l'avoir trouvé en 1995,lorsque Günter Grass publia EinweitesFeld (Toute une histoire, 1997). Elle commença par l'encenser avant de le vouer aux gémonies, reprochant à l'auteur de revisiter...
  • GROUPE 47

    • Écrit par Pierre GIRAUD
    • 2 698 mots
    • 1 média
    ...1952. L'année suivante, la romancière et poétesse autrichienne Ingeborg Bachmann est distinguée à son tour. Martin Walser reçoit le prix en 1955, Günter Grass en 1958. Sa lecture d'extraits du Tambour (Die Blechtrommel) prend les dimensions d'un événement littéraire. Uwe Johnson, ...
  • LE TAMBOUR, film de Volker Schlöndorff

    • Écrit par Michel MARIE
    • 1 169 mots

    Volker Schlöndorff est né dans une famille de médecins en 1939 à Wiesbaden, dans le Land de la Hesse en Allemagne, mais il a fait ses études en France où il se rend dès l'âge de quinze ans. Il intègre l'I.D.H.E.C. puis devient l'assistant de grands réalisateurs français comme ...

Voir aussi