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FRESCOBALDI GIROLAMO (1583-1643)

L'une des figures les plus marquantes du premier âge baroque en Italie. Élève de Luzzasco Luzzaschi à Ferrare, sa carrière semble avoir été précoce : dès 1604, Frescobaldi est organiste et cantor de la congrégation Sainte-Cécile à Rome. Après un court voyage en Flandre avec le nonce (il publie à Anvers son premier recueil), il est nommé organiste de Saint-Pierre de Rome, en 1608. Il quitte ce poste durant six ans (1628-1634) pour entrer au service de la cour de Toscane, comme organiste et musicien de chambre, puis retourne à Rome et y retrouve son orgue, qu'il ne quittera plus jusqu'à sa mort. À l'exception d'un livre de Madrigaux (1608), d'un recueil d'airs pour une ou deux voix et clavier (1630), de quelques messes et motets, son œuvre est instrumentale : deux recueils de Canzoni pour ensemble instrumental (1615-1645), mais surtout quantité de recueils de Ricercari, Toccate, Caprici, Fiori musicali destinés au clavier (orgue ou clavecin, sans distinction). Les titres mêmes de ces œuvres indiquent que Frescobaldi n'a rien d'un révolutionnaire quant aux formes : il utilise les titres et les cadres formels dont se sont servis tous ses prédécesseurs au xvie siècle. De même dans sa technique instrumentale : pas de gymnastique au pédalier (les Allemands y sont maîtres depuis longtemps), ni de virtuosité digitale aux claviers (comme chez les émules anglais de John Bull). C'est son langage qui est nouveau, sa grammaire et sa syntaxe, sa stylistique et son expressivité. Situé à une époque partagée entre la modalité et la tonalité classiques, Frescobaldi joue sur les deux tableaux et profite de l'ambiguïté qui naît de cette situation de transition. Il fait du chromatisme un usage fréquent. Ambiguïté modale et tonale, chromatisme : la liberté et la subtilité harmoniques de Frescobaldi sont extraordinaires. Rien pourtant de confus, au contraire : son œuvre est limpide, d'une clarté exemplaire. Dans ses grandes Toccate, il enchaîne librement des épisodes homophones avec des passages fugués (jusqu'à quinze épisodes successifs). La toccata est ainsi une forme mouvante, dont les fragments contrastants vont de l'exubérance au contrepoint le plus strict. L'art du contrepoint est impressionnant chez Frescobaldi : la fugue classique est déjà pratiquement constituée. Enfin, le génie de la variation se manifeste dans les Caprici, sur des thèmes célèbres — parfois du compositeur lui-même.

Frescobaldi a été reconnu comme maître par des musiciens de l'Europe entière — dont la France —, mais particulièrement en Allemagne. Son élève Froberger répandit son style et sa pensée dans l'Allemagne du Sud, qui en fut marquée profondément. Jean-Sébastien Bach recopiera pieusement les Fiori musicali de sa main, en 1714, et lui rendra hommage dans nombre de ses pièces pour orgue.

— Philippe BEAUSSANT

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Écrit par

  • : directeur de l'Institut de musique et danse anciennes de l'Île-de-France, conseiller artistique du Centre de musique baroque de Versailles

Classification

Pour citer cet article

Philippe BEAUSSANT. FRESCOBALDI GIROLAMO (1583-1643) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Autres références

  • CLAVECIN

    • Écrit par Josiane BRAN-RICCI, Robert VEYRON-LACROIX
    • 4 766 mots
    • 4 médias
    ...musiciens, Claudio Merulo (1533-1604) s'impose par sa virtuosité d'organiste, l'importance de ses compositions et son renom de professeur. Girolamo Frescobaldi (1583-1643) est leur véritable successeur. Après avoir été un enfant extraordinairement précoce, le futur maître de Ferrare voyage...
  • INTERPRÉTATION MUSICALE

    • Écrit par Alain PÂRIS, Jacqueline PILON
    • 7 438 mots
    • 8 médias
    ...à son œuvre de grandes latitudes de variation, et l'exécutant jouit en règle générale de libertés étonnantes face à la partition qui lui est confiée. Les Toccate pour clavier de Girolamo Frescobaldi publiées en 1615 sont à jouer dans le désordre, indépendamment les unes des autres, et le compositeur...
  • ORGUE, en bref

    • Écrit par Juliette GARRIGUES
    • 1 012 mots
    • 11 médias
    L'âge d'or de la musique d'orgue se situe entre 1550 et 1750. L'œuvre de Girolamo Frescobaldi (1583-1643) constitue une petite révolution par l'introduction du chromatisme dans l'improvisation ; ce compositeur édicte par ailleurs les règles d'intervention de l'orgue dans le déroulement de la messe....
  • TOCCATA

    • Écrit par Pierre-Paul LACAS
    • 1 519 mots

    Terme utilisé en musique, à partir de la fin du xvie siècle, pour désigner une pièce destinée à être touchée (toccare ; de même cantare a donné cantata et sonare, sonata) sur instrument à clavier. Auparavant, toccata s'entend parfois de pages instrumentales pour les cuivres....

Voir aussi