GÉNOMIQUE La transgenèse

On qualifie de transgenèse la transformation intentionnellement opérée dans le patrimoinegénétique « naturel » (ou encore « sauvage ») d'une espèce pour créer des populations dites transgéniques constituées d'organismes génétiquement modifiés (O.G.M.) ayant acquis une nouvelle caractéristique liée à l'expression du transgène.

Les techniques de transfert de gènes dans les organismes, qu'il s'agisse d'animaux ou de végétaux, sont employées dans des domaines extrêmement variés allant de l'amélioration des espèces à la création de modèles animaux de maladies humaines, de la production de molécules d'intérêt thérapeutique, à l'interprétation de mécanismes biologiques complexes : oncogenèse, mise en place du système immunitaire, différenciation, développement...

Les souris transgéniques

La transgenèse a permis de créer des modèles animaux de diverses maladies humaines provoquées par l'expression qualitativement ou quantitativement anormale d'un gène, modèles dont l'intérêt pour la compréhension de la pathologie humaine comme pour la mise au point d'éventuelles thérapeutiques est évident. Des mécanismes complexes – mise en place du système immunitaire, mécanisme d'action des oncogènes, etc. –, qui font intervenir de multiples régulations et interactions cellulaires, deviennent dès lors accessibles à l'analyse.

Obtention de souris transgéniques

Les souris transgéniques ont d'abord été obtenues par micro-injection de gènes clonés dans l'œuf de souris. Cette micro-injection est réalisée, avant la fusion des noyaux d'origine paternelle et maternelle, dans celui des deux noyaux qui est le plus accessible et le plus gros, à savoir (le plus souvent) le pronucleus mâle. La manipulation est réalisée sous microscope à l'aide de deux micromanipulateurs ; l'un permet d'immobiliser l'œuf par légère aspiration à l'extrémité d'une pipette et l'autre d'injecter l'ADN (cf. figure). Les œufs sont ensuite réimplantés dans l'utérus de femelles préalablement accouplées avec des mâles vasectomisés. Ces femelles, dites pseudogestantes, se trouvent (ou ont été mises) dans un état hormonal permettant l'implantation et le développement des embryons. De 20 à 30 p. 100 environ des souriceaux obtenus ont intégré dans leurs chromosomes l'ADN injecté et sont dits transgéniques.

Le mécanisme par lequel l'ADN s'intègre dans les chromosomes n'est pas connu, mais, par cette technique, on le retrouve le plus souvent à raison de plusieurs copies intégrées en tandem tête à queue (l'extrémité droite d'une copie est suivie de l'extrémité gauche de la suivante), en un site unique ou en un nombre réduit de sites. Aucune spécificité quant à ces sites d'intégrations n'a, à ce jour, été détectée. Les nombreux réarrangements qui ont lieu lors de l'intégration rendent d'ailleurs difficiles le clonage et l'analyse des sites d'intégration. L'avantage de cette méthode est l'obtention d'un pourcentage élevé de lignées transgéniques qui expriment les gènes introduits de façon prévisible d'après les séquences régulatrices qui gouvernent leur expression. Les surprises sont cependant fréquentes et le plus souvent liées au site d'intégration. En effet, lorsqu'un transgène s'intègre à proximité de séquences régulatrices endogènes, des interférences peuvent se produire entre celles-ci et les propres séquences régulatrices du transgène. Les modes d'expression du transgène pourront alors être fort différents de ceux qui étaient escomptés.

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Une autre technique, beaucoup moins utilisée, consiste à infecter des embryons à l'aide de rétrovirus à génome remanié autrement dits recombinants. Le principal avantage de cette méthode est la possibilité d'introduire le virus à différents stades au cours du développement embryonnaire, permettant l'obtention d'animaux chimériques dans lesquels seules les cellules issues de celles qui ont été infectées portent le transgène. Le second avantage résulte du mode d'intégration de l'ADN rétroviral : le transgène n'est présent qu'à raison d'une copie par cellule et les sites d'intégration ne sont pas bouleversés. Cette dernière caractéristique rend possible le clonage et l'analyse des sites d'intégration et peut être d'un réel intérêt pour identifier des gènes éventuellement interrompus par l'intégration du transgène. Il existe, en revanche, deux inconvénients majeurs : la taille des fragments que l'on peut insérer dans un virus est limitée ; l'expression des transgènes n'est pas aussi reproductible qu'avec la méthode précédente.

La troisième technique utilise comme cellule hôte des cellules souches embryonnaires (E.S.) prélevées dans un blastocyste, c'est-à-dire un embryon non implanté âgé, pour la souris, de quatre jours et demi. Ces cellules peuvent être cultivées sans perdre leur totipotentialité, c'est-à-dire leur capacité de contribuer ultérieurement au développement d'une souris. On peut y transférer un gène par infection à l'aide d'un virus, par micro-injection ou encore par électroporation, technique de loin la plus fréquemment utilisée. Après cette opération de transfert du gène d'intérêt, les cellules souches sont réintroduites dans la cavité d'un blastocyste. Après réimplantation, un souriceau « mosaïque » se développera, dans lequel toutes les cellules issues des cellules souches infectées porteront le transgène. Le principal avantage de cette technique est qu'une sélection des cellules souches exprimant le transgène est possible. Si les transgènes sont partiellement homologues de gènes endogènes et associés à des gènes de sélection, cette technique permet la sélection ou la reconnaissance des cellules dans lesquelles le remplacement d'un gène endogène par son homologue transgénique a eu lieu. Seules ces cellules seront alors réimplantées dans le blastocyste, ouvrant le champ à la création de modèles animaux porteurs de diverses mutations ou, à l'inverse, à leur correction. Depuis le début des années 1990, cette technique reposant sur la sélection d'événements de recombinaison entre séquences d'ADN homologues s'est considérablement développée. Plus précise que la transgenèse par addition de gènes au hasard dans le génome, l'utilisation des cellules E.S. pour réaliser précisément des invalidations de gènes a même réussi à supplanter la transgenèse classique.

Si les techniques de base de la transgenèse murine ont assez peu évolué au niveau du mode de transfert, des améliorations notables ont été apportées dans la conception des transgènes. L'objectif a été en particulier d'obtenir des modèles dans lesquels l'expression du transgène peut être induite ou arrêtée à volonté par l'expérimentateur. Une telle régulation peut être effectuée en utilisant des transgènes dont l'expression dépend de la présence d'une molécule (antibiotiques, hormones) administrée à l'animal. D'autres systèmes permettent d'éliminer le transgène à un moment choisi ou dans un tissu donné. Pour ce faire, des séquences isolées chez un insecte, la drosophile (séquences P), sont introduites aux extrémités du transgène. Ces séquences sont reconnues par une enzyme spécifique appelée Cre recombinase qui n'est pas naturellement présente dans les cellules de mammifère. En sa présence, l'ADN situé entre les sites P est excisé. Pour obtenir un tel effet il suffit donc de faire exprimer, là aussi par transgenèse, la Cre recombinase, au moment choisi. Elle provoquera l'élimination du transgène d'intérêt et donc l'arrêt de son expression.

L'étude de l'expression génique

L'étude de la régulation de l'expression des gènes, soit au cours du développement, soit sous l'influence de facteurs hormonaux ou nutritionnels, s'effectue en partie au niveau transcriptionnel, c'est-à-dire lors de l'étape de synthèse des ARN messagers, molécules intermédiaires entre le gène et la protéine dont il a codé la synthèse. Des séquences du gène, ou qui lui sont contiguës, sont impliquées dans cette régulation et constituent des cibles des facteurs de régulation. Déterminer quelles sont ces séquences, et en particulier celles qui règlent l'apparition de l'expression d'un gène dans un tissu donné au cours du développement, est d'une importance capitale et ne peut être parfaitement réalisé sur modèle cellulaire. En revanche, l'introduction de gènes présentant des délétions plus ou moins importantes des séquences non codantes, dans des embryons de souris, peut permettre d'élucider ce problème. Ainsi, des délétions successives des séquences bordantes en 5' des gènes de l'élastase, de la cristalline ou encore de la protamine ont permis d'affirmer que quelques centaines de bases sont suffisantes pour que l'expression de ces gènes s'effectue correctement dans, respectivement, le pancréas, le cristallin et les spermatozoïdes, tissus où sont normalement trouvées les protéines dont ils dirigent la synthèse. Pour d'autres gènes (albumine, α fœtoprotéine...), des séquences situées à plus de 45 000 bases en amont des séquences codantes sont nécessaires à la régulation. Pour d'autres encore (β globine...), des séquences en aval ou situées entre les séquences codantes (introns) sont aussi nécessaires à certains types de régulation. Ainsi, le nombre et le positionnement des séquences régulatrices sont extrêmement variables suivant les gènes, mais il apparaît clairement que l'expression d'un gène entouré de celles-ci ne nécessite pas qu'il soit positionné à sa place, dans le génome. En d'autres termes, un gène muni de ses séquences régulatrices et intégré sur l'un quelconque des chromosomes est capable de s'exprimer correctement. Lorsque toutes les séquences régulatrices ne sont pas présentes ou bien lorsque leur action est faible, l'expression du transgène peut cependant être influencée par le site d'intégration, comme nous l'avons déjà mentionné. De telles séquences, comportant un promoteur faible, ont été utilisées pour repérer des sites actifs dans le génome. Lorsque le transgène, à lui seul faiblement actif, s'intègre dans ces régions, une expression pourra être détectée dans tel ou tel tissu de l'organisme. Les sites d'intégration, supposés être activateurs, peuvent alors être clonés et caractérisés. À l'inverse, l'intégration d'un transgène dans certaines parties du génome peut en empêcher l'expression. Il existe en effet dans le génome des régions constituées d'hétérochromatine dans lesquelles les séquences d'ADN ne sont pas exprimées. Il semble qu'un transgène intégré dans ces régions puisse subir des modifications, par exemple des méthylations ou des changements conformationnels induits par les séquences environnantes, empêchant son expression. Comme les précédentes, ces séquences muettes du génome peuvent être caractérisées.

Certains gènes semblent très peu influencés par le site d'intégration. Ils comportent en fait des séquences qui jouent le rôle d'isolateurs par rapport aux influences régulatrices qu'ils pourraient subir. De telles séquences peuvent être placées en amont et en aval d'un transgène qui n'en possède pas naturellement pour diminuer les effets du site d'intégration sur son expression.

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Enfin, l'introduction de séquences chimériques (constructions comportant des séquences régulatrices A mises en amont d'un gène B) a permis de mettre en évidence qu'une même séquence activatrice (enhancer) peut entraîner l'expression de certains gènes dans le tissu attendu, alors que d'autres gènes seront, sous son contrôle, exprimés dans des tissus différents, suggérant l'existence dans la séquence B de séquences régulatrices cryptiques interférant avec l'enhancer A utilisée.

Modèles d'oncogenèse

Souris transgénique et oncogenèse - crédits : Encyclopædia Universalis France

Souris transgénique et oncogenèse

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L'utilisation de divers promoteurs et séquences régulatrices pour gouverner l'expression d'oncogènes ou de proto-oncogènes permet d'obtenir des animaux transgéniques qui expriment tel ou tel oncogène dans un tissu donné. Ces constructions chimériques permettent de tester l'effet de l'expression d'un oncogène donné dans divers types cellulaires et de divers oncogènes dans un même tissu. De plus, par croisement entre des souris portant des transgènes différents, la coopération entre oncogènes peut être analysée. Un grand nombre de modèles ont été obtenus, parmi lesquels il faut citer des tumeurs du pancréas exocrines et endocrines, des tumeurs du cristallin, de la peau ou des glandes mammaires, des tumeurs cardiaques, des lymphomes, des hépatocarcinomes, etc. Dans la plupart des cas, seules quelques cellules parmi celles qui expriment l'oncogène acquièrent un phénotype transformé, et cela avec un délai d'apparition variable par rapport au début de l'expression de l'oncogène. Des événements ultérieurs sont donc nécessaires à la transformation tumorale, l'expression de l'oncogène n'étant qu'un des éléments de la cascade des événements en cause.

Un second événement peut être, par exemple, l'expression d'un autre oncogène. Ainsi, la co-expression des oncogènes ras et myc, dans la glande mammaire par exemple, provoque une transformation plus précoce que celle qu'induit l'expression de l'un ou l'autre de ces oncogènes agissant seul.

Par ailleurs, il a été démontré que, selon le niveau d'expression conféré par le promoteur utilisé, une transformation néoplasique plus ou moins précoce d'un même tissu peut être obtenue. Enfin, un même niveau d'expression du même oncogène conduit ou non, selon les tissus, à une transformation.

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Outre ce qu'apportent ces modèles à la compréhension des mécanismes de l'oncogenèse, ils peuvent être utilisés pour réaliser des essais thérapeutiques et intéressent de plus en plus l'industrie pharmaceutique.

Enfin, la mise en culture de multiples types cellulaires prélevés sur des souris transgéniques exprimant des oncogènes variés devrait permettre d'obtenir des modèles cellulaires alliant un état de différenciation conservé à la capacité de se multiplier aisément in vitro.

Essais de thérapie génique

Le fait qu'il soit possible, chez l'animal, de corriger une maladie héréditaire par transfert du gène normal dans les embryons déficitaires, c'est-à-dire d'ajouter à un génome, dont le gène  A est muté, le gène A normal, peut aujourd'hui être considéré comme acquis. Le premier exemple fut la correction du nanisme chez les souris portant la mutation little. Chez ces souris, il existe un défaut des récepteurs au facteur stimulant la synthèse d'hormone de croissance. Des embryons de souris mutés furent injectés avec une séquence d'ADN comportant le gène de l'hormone de croissance de rat. L'expression de cette séquence, chez les souris transgéniques obtenues, provoque une élévation de l'hormone de croissance circulante et une normalisation de la croissance. D'autres anomalies héréditaires murines (mutation de l'hémoglobine, déficit enzymatique, etc.) furent ensuite corrigées par la même méthode.

En France, l'intérêt des thérapies géniques germinales chez l'animal n'est, en aucune façon, de constituer un préalable à de telles manipulations chez l'homme, la thérapie génique germinale étant interdite par la loi. Ces expériences permettent en revanche de démontrer qu'une mutation est bien à l'origine du phénotype observé chez le mutant et de savoir dans quel tissu il est nécessaire que s'exprime le gène normal pour obtenir une correction du déficit. Ces éléments peuvent être utiles à la mise au point de thérapies géniques somatiques (introduction d'un gène dans des cellules en culture et réintroduction de ces cellules dans l'organisme), d'ores et déjà mises en œuvre dans le cadre d'essais cliniques pour le traitement de maladies héréditaires ou acquises.

Recherches immunologiques

L'un des premiers apports de la technologie des souris transgéniques à l'immunologie a concerné le mécanisme de l'exclusion allélique. La synthèse des immunoglobulines nécessite un réarrangement génique qui est à la base de la diversité de la réponse immunitaire. Ce réarrangement ne se produit que sur l'un des deux allèles présents dans un lymphocyte, phénomène connu sous le nom d'exclusion allélique. L'introduction dans la lignée germinale d'un gène réarrangé a permis, d'une part, de montrer qu'il pouvait être activé de façon normale et, d'autre part, d'affirmer que son expression perturbait l'expression des gènes endogènes. Lorsque le transgène réarrangé est exprimé à un niveau élevé, une inhibition du réarrangement des allèles endogènes se produit, permettant de suggérer qu'un mécanisme de rétro-contrôle par les immunoglobulines synthétisées, et plus précisément par leur forme membranaire, serait à l'origine de l'exclusion allélique.

La possibilité, d'une part, de modifier le système du complexe majeur d'histocompatibilité, responsable en particulier du rejet de greffe, et, d'autre part, de provoquer par transgenèse l'expression d'antigènes artificiels donne de nouvelles méthodes d'analyse de l'immunité cellulaire.

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Les mécanismes de l'auto-immunité, encore mal connus, commencent aussi à être éclairés par cette technologie. Les transgènes intégrés dès les premiers stades du développement sont considérés comme des gènes de l'hôte, et leur produit fait l'objet d'une tolérance immunitaire identique à celle qu'on observe pour les protéines endogènes. Des anticorps dirigés contre la protéine codée par le transgène sont cependant observés dans quelques cas particuliers signant un mécanisme de type auto-immun. Cette apparition est parfois corrélée à une expression tardive du transgène. Un tel phénomène pourrait être à l'origine de certains diabètes insulino-dépendants dans lesquels apparaissent des anticorps dirigés contre une protéine présente à la surface des cellules bêta du pancréas.

Mise au point de modèles animaux de maladies

En dehors des modèles de maladies correspondant à des surexpressions de gènes ou à des expressions de gènes ayant un effet dominant (oncogènes par exemple), la transgenèse additionnelle peut aussi permettre de diminuer spécifiquement l'expression d'un gène endogène. Dans le cas de protéines multimériques, on peut introduire un gène codant pour un peptide muté qui, associé aux peptides endogènes, formera un polypeptide inactif. Une mutation ponctuelle du gène codant pour l'une des chaînes du collagène, observée chez des patients atteints d'une maladie létale dominante (osteogenesis imperfecta), fut ainsi introduite dans le gène normal. Ce gène artificiellement muté fut micro-injecté dans des embryons de souris normales. Les souris transgéniques qui expriment ce transgène meurent en période périnatale, reproduisant le phénotype humain précédemment décrit, ce qui confirme que cette mutation est bien à l'origine de la maladie.

Des modèles de déficits enzymatiques peuvent aussi être obtenus par introduction de séquences codant pour des ARN messagers complémentaires (ARN messagers antisens) d'une séquence endogène donnée. Cette complémentarité doit entraîner l'appariement entre ces chaînes d'acides nucléiques. Ainsi, l'ARN messager endogène ne se trouverait plus disponible pour gouverner la synthèse de la protéine pour laquelle il code. Une telle méthode a permis d'obtenir une copie phénotypique d'une maladie neurologique de la souris : la tremblante, ou shiverer. La mutation shiverer touche une protéine localisée autour des fibres nerveuses (la protéine basique de la myéline). Cela a été démontré grâce à la technologie des souris transgéniques par correction génique du phénotype shiverer par micro-injection du gène codant pour la protéine normale. À l'inverse, la micro-injection, dans des embryons normaux, d'une séquence codant pour un ARN messager antisens capable de s'hybrider au messager endogène a permis de diminuer fortement l'expression de la protéine et l'apparition du phénotype shiverer. La limite d'une telle méthode réside dans la difficulté de diminuer suffisamment la synthèse de la protéine endogène pour qu'apparaisse le phénotype muté. Elle est aujourd'hui supplantée par la technique d'invalidation de gènes.

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Des modèles de surexpression génique (surexpression de la superoxyde dismutase permettant de connaître le rôle de cette expression dans le phénotype des trisomiques 21 par exemple) ou d'expression anormale d'un gène dans un tissu donné ont aussi été obtenus. Ainsi, des modèles de diabètes ont été créés par production de souris transgéniques exprimant des molécules de classe II à la surface des cellules B du pancréas. La présence de telles molécules est détectée dans les diabètes humains insulino-dépendants. L'analyse des souris transgéniques a permis d'éliminer l'hypothèse selon laquelle l'expression dans les cellules B des molécules de classe II pourrait, quel que soit le stade ontogénique où elle se produit, déclencher la réaction auto-immune caractéristique de ce type de diabète chez l'homme. En revanche, ils mettent en évidence leur intervention directe dans la perturbation de la production d'insuline et probablement leur rôle dans la réaction auto-immune lorsque leur expression est tardive ou lorsque leur présence autorise la présentation de peptides produits tardivement au cours de l'ontogenèse.

Des modèles de maladie virale, ou plus exactement des informations précises sur l'origine des troubles observés lors d'une infection virale, peuvent aussi être obtenus. Il est par exemple possible de distinguer les effets directement provoqués par l'expression des protéines codées par le virus – protéines qui, chez les souris transgéniques qui les expriment, seront considérées comme appartenant au « soi », et donc tolérées par le système immunitaire – des effets liés à la réaction immunitaire de l'hôte en réponse à l'infection virale. Il est aussi envisageable de faire s'exprimer diverses protéines humaines à la surface des cellules d'une souris, la rendant ainsi permissive à l'infection par un virus humain, créant de ce fait des modèles murins d'infections virales humaines.

De plus, des mutations au hasard peuvent être créées à l'endroit où s'intègre le transgène dans le génome. Cette mutagenèse dite insertionnelle, déjà évoquée quant à son mécanisme, sera développée sous le titre Études relatives au développement.

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Enfin, le champ des modèles qu'il est possible de produire s'est aujourd'hui considérablement élargi grâce à la maîtrise des recombinaisons homologues qui permettent de remplacer très exactement un gène normal par un gène muté. Selon la méthode mise au point conjointement par les Américains Oliver Smithies et Mario Capecchi, et l'Anglais Martin Evans (découvreur des cellules ES), qui se sont partagé le prix Nobel de physiologie ou médecine 2007. Dès lors qu'un gène de maladie a été identifié et au moins partiellement cloné, il est possible par recombinaison homologue au niveau de ce gène, chez la souris, de l'invalider et de créer ainsi un modèle animal de la maladie étudiée. Ces modèles sont très intéressants pour comprendre les mécanismes en cause dans une maladie et élaborer de nouvelles thérapeutiques. Ils ne sont malheureusement pas tous pertinents en raison des différences métaboliques qui existent entre le modèle animal et l'homme. À titre d'exemple, la maladie de Lesh-Nyhan, maladie neurologique liée au déficit enzymatique en hypoxanthine phosphorybosyl transférase (HPRT) créé chez la souris, n'a pas chez cet animal les conséquences dramatiques observées chez l'homme et ce modèle n'est donc pas d'un grand intérêt sur le plan des études physiopathologiques.

Problème des empreintes parentales

Le mode de transmission de plusieurs maladies (certaines formes de myotonies musculaires, de maladie de Huntington ou l'apparition des moles hydatiformes...) est systématiquement paternel ou maternel, alors que le gène affecté ne se trouve pas sur un chromosome sexuel mais sur un autosome. L'origine de ce phénomène tient au fait que certains gènes subissent des modifications différentes (méthylation et/ou changements conformationnels) selon qu'ils se trouvent dans les gamètes femelles ou les gamètes mâles. Ces modifications entraîneraient l'expression ou la non-expression du gène selon qu'il est transmis par le père ou par la mère. L'existence de ce type de modification, dite empreinte parentale, a été confirmée par la technologie des souris transgéniques et pourrait donc bien être à l'origine du type de transmission des maladies évoquées précédemment.

Identification de la filiation cellulaire

Connaître le destin des cellules issues de la division d'une cellule souche au cours du développement des organismes supérieurs est d'une importance capitale pour la compréhension des mécanismes de différenciation. Les étapes qui précèdent l'implantation de l'embryon sont accessibles à l'observation ; en revanche, celles qui sont postérieures ne permettent pas l'utilisation des traceurs usuels et nécessitent des marqueurs stables qui n'interfèrent pas avec le développement. L'introduction d'un gène dans une fraction des cellules d'un embryon peut être obtenue par deux techniques précédemment décrites, à savoir l'infection d'embryons par des rétrovirus recombinants et l'introduction d'ADN dans les cellules embryonnaires. Les souris transgéniques obtenues sont chimériques, c'est-à-dire que les cellules issues des divisions successives des cellules embryonnaires qui avaient incorporé le transgène possèdent ce marqueur, alors que les autres ne le contiennent pas. La répartition de ces deux types cellulaires permet d'éclairer la façon dont sont programmées les cellules au cours du développement. Le gène utilisé comme marqueur peut être choisi pour sa capacité à coder pour une protéine dont l'activité est aisément détectable (gène LacZ, par exemple, qui code pour la β galactosidase dont l'activité peut être détectée par l'apparition d'une coloration bleue, gène GFP qui code pour une protéine fluorescente) ou encore ce peut être un gène codant pour une protéine toxique (toxine diphtérique par exemple) capable de tuer les cellules dans lesquelles il s'exprime. Dans ce dernier cas, le gène placé sous le contrôle d'une séquence régulatrice spécifique d'un type cellulaire particulier entraînera la disparition de toutes les cellules exprimant ce gène et de tous les types cellulaires dont le développement dépend des cellules détruites.

Cartographie des chromosomes

L'analyse de l'organisation des gènes sur les chromosomes se fait de proche en proche à partir de marqueurs connus. Mais il existe des régions chromosomiques riches en régions très répétitives et pour lesquelles aucun marqueur n'est connu. Si un transgène s'intègre dans ces régions, il constitue un marqueur chromosomique de celles-ci. Ainsi, un transgène inséré dans une région dite pseudo-autosomale des chromosomes sexuels de souris (région ainsi dénommée car elle est présente sur les chromosomes X et Y) a permis de démontrer que, dans cette région d'appariement entre les chromosomes sexuels, de nombreux réarrangements par crossing-over se produisent (échanges par crossing-over couramment observés entre autosomes homologues). L'insertion de plus ou moins longues séquences dans le chromosome X a aussi permis d'affirmer que, en fonction de sa longueur, une séquence est inactivée ou non chez la femelle, suggérant que l'action d'un centre d'inactivation ne peut s'étendre sur de longues distances et que, probablement, plusieurs centres d'inactivation sont présents sur le chromosome X et conduisent chez la femelle à la non-expression de la plupart des gènes de l'un des deux chromosomes X (phénomène décrit sous le nom d'inactivation du chromosome X ou de « lyonisation », d'après le nom du chercheur, Mary Lyon, qui le mit en évidence). Enfin, comme nous l'avons précédemment évoqué, l'influence des sites d'intégration sur un transgène donné (extinction ou activation) peut permettre de caractériser des secteurs chromosomiques actifs ou inactifs, le transgène étant alors utilisé comme révélateur et comme sonde permettant de repérer le site d'intégration dans le génome.

Études relatives au développement

Comme nous l'avons vu, les souris transgéniques permettent de déterminer quelles sont les séquences nécessaires à la régulation de l'expression d'un gène au cours du développement. Il est aussi possible d'analyser les conséquences de l'expression qualitativement ou quantitativement anormale d'un gène que l'on sait être important dans telle ou telle étape du développement. Le rôle de certains proto-oncogènes a ainsi été analysé. Une dérégulation de l'expression du gène c-fos par exemple entraîne des anomalies très précoces du développement des os. L'expression du gène raf dans des lymphocytes de souris transgéniques exprimant myc les transforme en cellules myéloïdes, suggérant le rôle des proto-oncogènes cellulaires dans la programmation des types cellulaires au cours de la différenciation.

Une autre approche repose directement sur l'une des imperfections de la technologie des souris transgéniques, à savoir l'absence de contrôle du site d'intégration. Cette intégration au hasard peut se faire dans un gène actif. Ce type d'événement, appelé mutagenèse insertionnelle puisqu'il s'agit d'une mutation occasionnée par l'insertion d'un ADN dans le génome de l'hôte, peut permettre de découvrir des gènes non encore identifiés, intervenant par exemple dans le développement. L'analyse de ces gènes est relativement simple lorsque la méthode utilisée pour obtenir des souris transgéniques est l'infection rétrovirale. En effet, par cette méthode, il n'y a pas de profond bouleversement au niveau du site d'intégration, et la séquence dans laquelle s'est insérée le transgène pourra être clonée, séquencée, et donc identifiée. La première mutagenèse insertionnelle ayant conduit à l'identification du gène atteint fut obtenue en 1983. Le génome viral s'était intégré dans le gène codant pour l'une des chaînes du collagène, entraînant chez les homozygotes pour le transgène, la mort de l'embryon par rupture des vaisseaux sanguins.

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Écrit par

  • : docteur en médecine, docteur ès sciences, directeur de recherche à l'I.N.S.E.R.M. (Institut Cochin de génétique moléculaire)

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Souris transgénique et oncogenèse - crédits : Encyclopædia Universalis France

Souris transgénique et oncogenèse

Un mutant de drosophile à quatre ailes: <it>Ultrabithorax</it> - crédits : David Scharf/ SPL France

Un mutant de drosophile à quatre ailes: Ultrabithorax

Autres références

  • SÉQUENÇAGE DU GÉNOME HUMAIN, en bref

    • Écrit par et
    • 286 mots

    Le 12 février 2001, les revues scientifiques Nature et Science publient la séquence quasi complète des trois milliards de bases du génome humain. Cette double publication conclut par un ex aequo la compétition entre un consortium international de laboratoires publics, qui a commencé ses...

  • BIOTECHNOLOGIES

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    Des gènes responsables de la résistance aux herbicides, aux infections virales, fongiques ou bactériennes, identifiés grâce au progrès de lagénomique, sont utilisés pour transférer aux plantes ces mêmes propriétés de résistance. C'est en 1985 que les premiers essais en champ de plantes transgéniques...
  • BOTANIQUE

    • Écrit par et
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    ...recherche scientifique s'est accélérée, engendrant des bouleversements imprévisibles de notre compréhension du monde, y compris celui des plantes. La génomique, par exemple, est en train de révéler une évolution et un fonctionnement bien plus complexe des génomes d'eucaryotes (organismes pourvus d'un...
  • CANCER - Cancer et santé publique

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    ... représente un autre domaine de recherche. Maintenant qu'ont été identifiés les défauts du génome caractérisant les cellules cancéreuses, il est tentant d'essayer de les corriger et de faire redevenir normales les cellules cancéreuses. Quelques résultats ont été obtenus chez l'homme dans...
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Voir aussi