GAUVAIN
Un héros solaire du nom de Gwalchmei apparaît dans les triades galloises du haut Moyen Âge (petits poèmes mnémotechniques citant trois héros, trois exploits ou trois merveilles) ; ce même nom réapparaît dans les traductions galloises de l'Histoire des rois d'Angleterre de Geoffrey de Monmouth (vers 1130), comme équivalent de Galguanus ou de Walwanius. C'est sans doute Geoffrey qui introduit Gauvain parmi les compagnons d'Arthur, et Chrétien de Troyes qui en fait, dans les romans de langue vulgaire, le type accompli de la chevalerie courtoise : courageux, généreux, franc, toujours prêt à secourir les femmes. Il ne tait jamais son nom. L'un de ses attributs principaux relève du mythe solaire originel : sa force atteint toujours son comble à midi. Son cheval s'appelle Gringalet. Dans Yvain ou le Chevalier au lion (1177-1181), Gauvain persuade Yvain de quitter Laudine, sa nouvelle épouse, pour retourner courir tournois et aventures. Après une longue séparation, les deux amis s'affrontent sans se reconnaître dans un duel judiciaire où chacun défend une des deux parties ; ce combat indécis est l'ultime épreuve qui réconcilie Yvain avec Laudine, et Gauvain apprend toutes les tribulations qu'il a causées à Yvain. Dans le Chevalier à la charrette, Gauvain accompagne Lancelot dans la poursuite de Méléagant qui vient d'enlever Guenièvre ; il connaît diverses aventures avant de ramener la reine à la cour, mais ce n'est pas lui qui l'a retrouvée : il ne suffit pas d'être un brillant chevalier pour triompher de toutes les difficultés. Gauvain est encore le héros de la seconde partie du Perceval, sans qu'il faille pour cela mettre en doute l'unité du roman. Après quelques aventures communes, les deux chevaliers se séparent, Perceval en quête du Graal, Gauvain de la Lance-qui-saigne. Mais Gauvain, vaillant et courtois, est un homme du siècle, tout épris de gloire humaine et d'amours occasionnelles : tout occupé de la Demoiselle aux manches petites, il oublie la quête et manque le rendez-vous d'un duel. Il semble que Chrétien ait voulu opposer un chevalier mondain parfaitement éduqué, mais superficiel, à la progression spirituelle et morale du naïf Perceval. La première Continuation du Perceval (vers 1200) suit, avec beaucoup de parenthèses, les aventures de Gauvain et sa quête manquée du Graal. Le Parzival allemand de Wolfram von Eschenbach donne un rôle de même ordre à Gauvain ; joie de la cour, joie des aventures, légèreté en amour jusqu'à son plus haut succès, la conquête d'Orgeleuse, servant de contrepoint à la solitude et à la préoccupation croissantes de Parzival. Dans le Perlesvaus (vers 1210), Gauvain part en quête du Graal ; il trouve l'épée qui décapita Jean le Baptiste, atteint la Terre gaste (dévastée) où languit le roi Pécheur : mais, quand passent devant lui la Lance-qui-saigne et le Graal, il est trop préoccupé à la vue des trois gouttes de sang pour poser la question apitoyée qui sauverait le pays et son roi. Il a les mêmes traits dans le cycle du Lancelot-Graal en prose ; c'est lui qui donne le signal de la quête dans La Queste del Saint-Graal, le roman central de l'édifice, mais l'accomplissement de la prouesse suprême est réservé à une chevalerie « céleste », à Galaad, qui, à la différence de Gauvain, est chaste et ne tue pas ses adversaires en combat. Dans La Mort d'Arthur (La Mort le roi Artu), enfin, il provoque Lancelot en combat singulier et meurt des blessures que Lancelot est obligé de lui infliger.
Les romans de chevalerie postérieurs complètent la biographie de Gauvain : enfant du péché (il est le fils du roi Loth et de la fille de la reine Ygerne, la mère d'Arthur), il est abandonné par sa mère et confié au pape Grégoire le Grand à Rome qui l'élèvera : c'est le thème des [...]
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Écrit par
- Jean-Pierre BORDIER : agrégé de l'Université
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