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FUSIONS-ACQUISITIONS

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La croissance d'une entreprise revêt deux formes principales, celle d'un développement de l'activité résultant généralement d'un investissement (croissance interne) et celle d'une opération de fusion-acquisition (croissance externe). Du point de vue de l'entreprise, une opération de croissance externe devrait s'analyser comme un investissement, donc être réalisée dès lors qu'elle est rentable pour ses actionnaires ou associés. Toutefois, l'achat de tout ou partie d'une entreprise est généralement plus complexe que celui d'une machine. Il répond à différents objectifs et peut s'effectuer selon des modes distincts. L'évaluation de la société visée est délicate et celle des gains résultant de l'opération plus encore. Les exigences du (des) vendeur(s) peuvent obérer les bénéfices de l'acheteur. Outre la rentabilité de l'opération pour les actionnaires, il peut résulter de l'opération une augmentation sensible du pouvoir de marché de l'entreprise acquéreuse. Ainsi, une opération de croissance externe a des conséquences à la fois pour les actionnaires des entreprises impliquées dans l'opération (entreprise cible et entreprise acquéreuse) et pour le secteur d'activité concerné dans son ensemble (consommateurs et concurrents). L'intervention des autorités boursières, dans le cas de sociétés cotées, et celle des autorités de la concurrence, en cas d'augmentation sensible du pouvoir de marché, entraînent en outre des coûts supplémentaires et rendent l'issue de l'opération incertaine.

Les objectifs des opérations de fusion-acquisition

Les opérations de croissance externe ont généralement pour objectif d'augmenter les profits des entreprises. Certaines opérations, cependant, ne sont pas créatrices de synergies, voire répondent à des intérêts privés, en particulier ceux des dirigeants.

Les opérations qui créent de la valeur pour les actionnaires

Le terme volontairement vague de « synergies » recouvre l'ensemble des situations où deux entreprises A et B valent plus réunies (valeur VAB) que séparées (valeur VA + VB). La création de valeur (VAB — VA — VB = S) est, dans tous les cas, liée à une modification des flux financiers anticipés revenant aux actionnaires ; en effet, dans le cas contraire, la valeur globale des actions serait la même, que les entreprises soient séparées ou réunies sous un même contrôle. Les synergies peuvent avoir différentes origines.

Les synergies « opérationnelles »

Les opérations horizontales, c'est-à-dire entre entreprises ayant la même activité (deux banques par exemple) ou des activités connexes (une banque et une compagnie d'assurances), comme les opérations verticales, c'est-à-dire entre entreprises opérant à des niveaux différents de la chaîne dans un même secteur d'activité (une compagnie aérienne et un voyagiste, par exemple) peuvent conduire à une réduction des coûts de production.

Les fusions-acquisitions horizontales constituent un moyen rapide de réaliser des économies d'échelle (même activité) ou de gamme (activités connexes). En pratique, la baisse du coût moyen de production provient souvent de la mise en commun de facteurs de production (comme un réseau de distribution dans le cas de regroupements de banques, ou de banques avec des compagnies d'assurances).

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L'intégration verticale permet également une réduction des coûts grâce à une meilleure coordination des secteurs amont et aval. Les besoins spécifiques d'une entreprise (comme un voyagiste) seront mieux satisfaits, et de manière plus sûre, si elle intègre son fournisseur (une compagnie aérienne). Le même type de raisonnement s'applique à l'intégration de l'aval par l'amont (si la compagnie aérienne intègre le voyagiste, elle orientera plus particulièrement le catalogue de ce dernier vers des destinations desservies par elle-même).

La recherche d'un pouvoir de marché accru

Les entreprises qui s'engagent dans des opérations horizontales avancent souvent l'objectif d'une augmentation de leur part de marché. Cela peut s'interpréter comme la recherche soit d'une dimension supérieure afin de réaliser des économies d'échelle, soit d'une augmentation du pouvoir de marché, lié à la taille. Par exemple, la fusion entre Gaz de France et Suez a été autorisée en 2006 par la Commission européenne moyennant des mesures correctives (cession de plusieurs entreprises) sur les marchés français et belge. En effet, après une enquête approfondie, la Commission avait estimé que l’opération aurait des effets anticoncurrentiels sur les marchés de la distribution en gros et au détail de gaz et d’électricité en Belgique et sur les marchés du gaz en France. En 2012, la Commission européenne a opposé son veto à la création de la plus grande Bourse au monde (fusion entre N.Y.S.E. Euronext et Deutsche Börse), car cela aurait entraîné, selon elle, une situation de quasi-monopole sur le marché international des produits financiers dérivés européens. Les opérations verticales peuvent avoir la même visée.

La diversification et les synergies financières

La réunion d'entreprises dont les flux financiers ne sont pas parfaitement corrélés (par exemple, des entreprises spécialisées respectivement dans la distribution de l'eau et dans l'audiovisuel comme ce fut le cas de Vivendi Universal) diminue le risque global par le mécanisme de la mutualisation. Les rapprochements congloméraux entrent dans ce cadre. Le bénéfice de telles opérations de diversification n'est cependant pas évident a priori dans la mesure où les actionnaires peuvent effectuer eux-mêmes une diversification plus efficace de leur portefeuille sur les marchés financiers. La fusion peut même entraîner un transfert de richesse vers les créanciers au détriment des actionnaires : la valeur de la dette ancienne de chaque entreprise augmente puisqu'elle est maintenant garantie par les deux entreprises fusionnées (la probabilité de faillite diminue), alors que la valeur de l'« option de défaut », détenue par les actionnaires vis-à-vis des créanciers, diminue. En effet, la responsabilité des actionnaires étant limitée à leurs apports de fonds, leur perte en cas de défaillance se bornera à ces apports ; comme il n'y a, en revanche, pas de limite supérieure à leurs gains, les actionnaires profitent d'une plus grande dispersion des bénéfices et sont perdants dans les opérations de pure diversification.

Néanmoins, la réduction de la probabilité de faillite augmente la valeur globale des entreprises en présence de coûts de faillite (administrateur judiciaire, perte de clientèle, etc.). Elle accroît également les possibilités d'endettement et l'économie d'impôt procurée par l'endettement, et de ce fait diminue le coût du capital. Enfin, l'organisation en groupes d'entreprises favorise le financement d'investissements rentables : des filiales dégageant de la trésorerie peuvent en financer d'autres en croissance.

Les diminutions d'impôt

Le regroupement de deux entreprises, l'une bénéficiaire, l'autre déficitaire, conduit à diminuer l'impôt payé globalement. En effet, les pertes de l'une viennent alors diminuer le bénéfice imposable, et donc l'impôt, de l'autre quand elles ne forment plus qu'une seule entité. Dans le cas d'entreprises de nationalités différentes, le regroupement de sociétés dans une multinationale permet une optimisation fiscale, dès lors que les bénéfices pourront être localisés au maximum dans le pays à la fiscalité la plus favorable.

L'amélioration de la gestion de la cible

Les acquisitions, en particulier les offres publiques hostiles, peuvent aussi améliorer les performances d'entreprises mal gérées. Les gains réalisés proviennent alors du différentiel d'efficacité entre la nouvelle et l'ancienne équipe dirigeante. Contrairement aux cas précédents (notamment synergies opérationnelles ou augmentation du pouvoir de marché), la réunion des deux entreprises n'est pas nécessaire à terme. En fait, il n'y a aucune raison pour que les entreprises fusionnent après l'acquisition et on peut même s'attendre à une revente de la cible après restructuration.

Les opérations qui ne créent pas de synergies

La sous-évaluation de la cible

Toutes les informations pertinentes ne sont pas reflétées dans les cours boursiers : certaines sociétés sont surévaluées, d'autres sous-évaluées. Dans ce contexte d'inefficience des marchés financiers, des acquisitions de sociétés cotées s'expliqueraient par une sous-évaluation boursière de la cible quand les dirigeants de l'entreprise acquéreuse bénéficient d'une meilleure information que le marché sur la valeur réelle de l'entreprise cible. C'est la perspective d'un gain réalisable, une fois l'information pertinente parvenue au marché et intégrée dans les prix, qui motive l'acquisition. Comme précédemment, la réunion des deux entreprises ne conditionne pas la réalisation de ce gain et une revente après révélation de l'information est possible.

Les motifs propres aux dirigeants de l'acquéreur

Si les acquisitions peuvent résoudre des problèmes de mauvaise gestion de la cible, elles peuvent aussi, cependant, répondre aux intérêts personnels des dirigeants de l'entreprise acquéreuse. En effet, tant la notoriété que la rémunération des dirigeants tendent à augmenter avec la taille de l'entreprise. Dès lors, les dirigeants peuvent être tentés d'utiliser les excédents importants de trésorerie pour réaliser des opérations de croissance externe non justifiées au regard d'un critère de rentabilité.

Selon une autre hypothèse, avancée par Roll (1986), certaines acquisitions relèvent tout simplement d'erreurs stratégiques. De bonne foi, les dirigeants des entreprises acquéreuses surévaluent leurs capacités de gestion de la cible et s'engagent dans des opérations non profitables.

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Écrit par

  • : professeur d'économie et finance (E.S.S.E.C.), chercheur à l'unité mixte de recherche Théma (Théorie économique, modélisation et applications) C.N R.S.-université de Cergy-Pontoise
  • : docteur en sciences économiques, professeur agrégé des Universités, université de Paris-Ouest-Nanterre-La Défense

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